Georges-Jean Arnaud - Smog pour le Commander

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Gynécologue dans le ghetto noir de Watts à Los Angeles, Ella Ganaway est une jolie fille dévouée et uniquement préoccupée par son métier au milieu de ses sœurs de couleur.
Du jour au lendemain elle plonge en plein cauchemar, devient la victime d’un chantage odieux exercé sur sa sœur et les enfants de celle-ci par un certain Petrus Lindson et ses amis. On veut obtenir d’elle une chose horrible qui risque de compromettre à jamais non seulement la carrière de Diana Jellis, nouvelle leader noire américaine, mais aussi toute la cause de la population noire.
Si elle refuse, les enfants de sa sœur Billie seront enlevés et disparaîtront à jamais.

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— Vous le gardez cet enfant ?

La fausse blonde secoua la tête :

— Non.

— Je vais vous dire où vous devez vous adresser dans ce cas.

* * *

Au volant d’une camionnette Fiat, Kovask filait la voiture de Diana Jellis. Il l’avait vue sortir de chez la gynécologue où elle était restée près d’une heure. Maintenant elle était assise à côté du chauffeur, un Noir au profil de boxeur et à la carrure impressionnante. Derrière elle il y avait un garçon plus mince au visage caractérisé par la volonté sereine qui s’en dégageait. Mel Santos, d’après les photos qu’il détenait.

La voiture des Noirs s’immobilisa devant une imprimerie. Diana y pénétra avec Santos. Kovask avait conscience du danger qu’il courait dans ce quartier. Certes il essayait de passer inaperçu, de se donner l’air d’un modeste employé mais il n’était pas rassuré. Il n’avait pas à faire à des débutants. Depuis dix ans ces gens-là vivaient dangereusement et se méfiaient de tout le monde. D’ailleurs il n’avait pas l’intention de poursuivre longtemps cette filature. Il comptait beaucoup plus sur sa compagne de mission, la Mamma chargée de surveiller Petrus Lindson. Elle passait plus facilement inaperçue. Il décida brusquement de partir. L’endroit lui paraissait soudain très malsain.

* * *

Lorsque Diana et Mel retournèrent à la voiture, Moron leur signala qu’ils avaient été suivis par un Blanc au volant d’une camionnette italienne.

— J’avais repéré le véhicule devant la doctoresse et je l’ai revu ici.

— Je ne vois rien, dit Mel.

— Il a filé. Peut-être que ce n’était qu’une coïncidence, mais sait-on jamais ?

— Mais qui ça pourrait-être ? dit Diana. Le F.B.I. emploie des Noirs qui passent inaperçus. De même la C.I.A. Il faudrait qu’une organisation soit folle pour nous envoyer un Blanc.

— C’est bien ce que je pense, dit Moron, mais sait-on jamais. Si jamais on le retrouve dans notre sillage il faudra s’en occuper sérieusement. J’aime bien avoir le cœur net dans ce genre d’histoire.

— Quelle allure avait-il ?

— Celle d’un manœuvre. Une salopette sale, une casquette. Mais un visage très bronzé, comme celui d’un milliardaire amateur de navigation à voile. Sa camionnette ne portait aucune marque précise mais je doute qu’un travailleur ait le temps de se faire dorer au soleil.

Diana avait hâte de rentrer chez elle. D’être seule avec Mel. Moron le comprit et prétexta une course à faire pour les laisser seuls. Santos étudiait la maquette du journal qu’ils avaient prise à l’imprimerie lorsque Diana décida de parler :

— Mel, je suis enceinte de deux mois.

Il leva la tête, la regarda en silence sans la moindre réaction.

— Diana m’a expliqué que le stérilet ne garantissait pas complètement.

Il se leva, s’approcha d’elle et la prit doucement dans ses bras. Elle appuya sa tête auréolée de cheveux frisés comme de la laine contre son épaule.

— Que ferons-nous ?

— Qu’en pense Ella ?

— Elle ne veut pas nous influencer mais elle estime que je peux conduire cette grossesse jusqu’au bout.

— Et toi, quelle est ton idée ?

— Je voudrais qu’elle soit la même que la tienne.

— C’est toi qui décide, dit-il. C’est l’affaire d’une femme de savoir si elle veut ou non un enfant.

— Mais toi en voudrais-tu un ?

Mel ferma les yeux, puis un sourire détendit ses lèvres fermes :

— Je crois que oui.

— Bien ; dans ce cas, nous le gardons.

— Quand naîtra le bébé ?

— Au début de l’année prochaine. Certainement vers la fin du mois de janvier.

— Je suis heureux, dit Mel en la serrant plus fort contre lui.

CHAPITRE VIII

La Mamma retourna dans l’après-midi dans cette rue où Petrus Lindson s’était rendu au début de la journée. Après avoir garé sa voiture en face elle pénétra dans l’immeuble en partie détruit, essaya de savoir qui le Noir avait visité. Au deuxième étage elle trouva une femme en train d’étendre du linge dans une pièce qui n’avait plus de plafond, plus de mur donnant sur la rue. Le plancher lui-même était mouvant et la jeune femme ne se déplaçait que sur des poutres branlantes.

— Mon Dieu, dit la Mamma, vous n’avez pas peur que tout s’effondre ?

La jeune femme se mit à rire gaiement.

— J’y viens depuis des années étendre mon linge. Comme ça on ne me le fauche pas et il sèche au grand air. Mais faites attention. Ne venez pas me rejoindre.

— J’aurais trop peur, dit la Mamma.

— Vous cherchez quelqu’un ?

— Oui, un grand garçon habillé d’un costume gris, très élégant mais qui louche un peu.

Elle en fit autant pour accompagner sa description et la jeune femme éclata de rire.

— Vous lui ressemblez ainsi. Je vois de qui vous parlez. Il vient pour Billie au rez-de-chaussée.

— Billie ?

— Billie Ganaway. Elle a trouvé du travail et n’est pas chez elle. C’est une chic fille. Trop gentille même. Je ne sais pas ce qu’elle trouve à ce voyou. Il vient une fois par semaine au moins et c’est un drôle de prétentieux.

— Vous le connaissez ?

— C’est Petrus. Dans le coin on se méfie de lui depuis longtemps. Depuis les événements de 65. On se demande même comment il est encore en vie car beaucoup s’étaient juré d’avoir sa peau.

Elle ramassa son seau vide et se rapprocha légère comme une danseuse. La Mamma se rendit compte qu’elle était très jeune et très jolie.

— Je cherche où il habite car il doit de l’argent à une de mes amies, expliqua la Mamma.

— Ça ne m’étonne pas de Petrus. Je suis sûre qu’il se fait, entretenir par Billie et qu’il a comme ça quelques filles qui lui donnent de l’argent. Elle n’a pas besoin de ce parasite avec ses deux gosses.

— Elle a deux enfants ?

— Oh ! des tout petits. Elle est catholique et ne veut pas prendre la pilule. Vous parlez d’une fanatique. Moi, si je n’en prenais pas j’aurais au moins six bébés.

— Ils sont de Petrus ?

— Non, sûrement pas mais si elle continue il lui en fera un le salaud. Pour un salaud c’est un salaud. Il la prend n’importe où. Elle me l’a dit un jour. Comme une bête.

Cette jeune femme devait canaliser tous les potins de l’immeuble. La Mamma pensa qu’avec sa gentillesse et sa spontanéité elle devait être l’âme de ce coin du quartier.

— Vous ne savez pas où il habite ?

— Non. Il doit se planquer dans un endroit sûr. Mais vous savez votre amie peut faire son deuil de son argent.

— Oui, je le crois aussi, dit la Mamma. Je vous remercie beaucoup. Billie rentre tard ?

— Pas avant minuit. Elle travaille dans une boîte du côté de Santa Monica mais je ne me souviens pas du nom.

— Ça ne fait rien. Que fait-elle des enfants ?

— Elle les fait garder. Par une voisine. Il paraît que ce matin lorsqu’elle est allée les chercher Petrus était en train de besogner Billie debout dans le living. Vous parlez d’un sauvage. Mais il paraît qu’il est insatiable. Toujours prêt à faire ça.

Elle eut un rire trouble :

— Vous le croyez, vous ? Moi, mon bonhomme il rentre tellement crevé le soir qu’il ne faut rien lui demander.

— Que fait-il ?

— Egoutier. Il en faut.

La Mamma la laissa à son étage et descendit jusqu’à la rue. S’il le fallait elle reviendrait voir cette Billie Ganaway, essaierait de la faire parler sur Petrus Lindson.

Elle quitta Watts pour le motel où Kovask et elle avaient retenu chacun un bungalow mais comme le Commander n’était pas de retour elle en profita pour commander quelques sandwiches, un chianti de Californie et compulsa l’annuaire du téléphone. Elle trouva aisément le nom de la clinique de Santa Monica mais sans autres précisions. L’endroit paraissait s’entourer de discrétion. Peut-être y pratiquait-on des avortements pour la haute société.

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