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Hugues Pagan: Dernière station avant l'autoroute

Здесь есть возможность читать онлайн «Hugues Pagan: Dernière station avant l'autoroute» весь текст электронной книги совершенно бесплатно (целиком полную версию). В некоторых случаях присутствует краткое содержание. Город: Paris, год выпуска: 1997, ISBN: 978-2-7436-3752-1, издательство: Éditions Payot & Rivages, категория: Полицейский детектив / Триллер / на французском языке. Описание произведения, (предисловие) а так же отзывы посетителей доступны на портале. Библиотека «Либ Кат» — LibCat.ru создана для любителей полистать хорошую книжку и предлагает широкий выбор жанров:

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Hugues Pagan Dernière station avant l'autoroute

Dernière station avant l'autoroute: краткое содержание, описание и аннотация

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Un sénateur s’est suicidé dans un hôtel quatre étoiles. Ses responsabilités au sein de plusieurs enquêtes parlementaires lui avaient permis de réunir des informations sensibles. Juste avant sa mort, il a vidé la mémoire de son ordinateur. Juste après, tout le monde est à la recherche d’une disquette. L’officier de police judiciaire, chef du groupe nuit, est le premier soupçonné d’avoir fait les poches du mort. Mais l’officier en question, à qui on a recommandé de ne pas faire de vagues, n’a plus rien à foutre de rien depuis longtemps. Prix Mystère de la Critique en 1998. « Avec cette personne ne peut plus ignorer le sens du rythme et l’écriture d’un lyrisme époustouflant d’Hugues Pagan. » Télérama

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L’eau ruisselait contre la vitre sombre et fabriquait à mi-hauteur de minces torsades qui se divisaient ensuite puis se ramifiaient en silence, sans relâche, en des sortes de petites racines hésitantes, incertaines, lesquelles à leur tour donnaient de minces radicelles aveugles pas plus épaisses que des cheveux, et dont on pouvait se douter à bon droit qu’elles ne savaient pas elles non plus où elles allaient au juste, ni même seulement où elles en étaient…

En sourdine, j’avais mis un petit morceau de blues. Rien de bien méchant, rien de répréhensible. Le son n’avait qu’une portée utile de deux ou trois mètres, il n’allait pas beaucoup plus loin que je ne portais moi-même. Il y avait une basse et une batterie, deux guitares dont l’une semblait en fer et l’autre, détimbrée et pensive, avait l’air d’être sans cesse prête à nous quitter sur la pointe des pieds.

Il y avait aussi un saxo ténor, robuste et joufflu mais dont l’apparente santé revêtait un tour suspect, un piano élimé et digne, raide et impersonnel comme le sont souvent ces besogneux recrutés au pied levé pour une session de circonstance, ainsi que ceux qui ont habituellement pour fonction d’assister aux exécutions capitales. Personnel unknown. Il était question d’un train de marchandises, qui roulait dans la nuit au fin fond du Kansas en emportant avec lui un homme — un homme qui ne reviendrait pas.

Bien des blues sont remplis de trains et d’hommes ou de femmes qui ne reviendront jamais. Bien des vies aussi. La chose en soi ne suffit cependant pas toujours à les rendre intéressants. Même la chanteuse au fond ne valait pas tripette, à pousser la rengaine comme depuis la fenêtre d’en face, et pourtant l’ensemble n’était pas dépourvu de cette sorte d’amertume digne, de cette espèce d’obstination résignée et têtue, passablement obtuse, qui est souvent la marque d’espèces conscientes d’être vouées à une extinction prochaine.

Clint a fait irruption dans la pièce. Il s’est assis sans façon dans la chaise en face de moi, de l’autre côté du bureau. Il a pris une Camel dans mon paquet sur le sous-main. Il l’a allumée à la flamme de mon Zippo. Il a regardé la pluie ruisseler dans mon dos, et ses yeux ont balayé les fenêtres allumées de l’autre côté du patio — les fenêtres du groupe dont il était le chef. Ce qu’il y a vu n’a pas semblé susciter le moindre enthousiasme dans son regard incolore.

Clint avait le même âge et le même grade que moi. Son maigre visage sans joie ne manifestait pas plus de sentiment que le mien. Il a étiré ses longs et maigres membres de faucheux, puis il a remué deux grandes mains blêmes et osseuses, pas tout à fait dépourvues d’intelligence. Il a tendu la paume droite ouverte, pardessus mon bureau. Il a murmuré, d’une voix maussade et sourde — elle non plus pas du tout inintelligente :

Le gun. File-moi le gun, papa…

Je me suis à peine penché. J’ai ramassé le Python dans le premier tiroir de droite, là où se trouvaient le registre de main courante ainsi que le bouquin de garde à vue. J’ai tendu l’arme en la tenant par le canon. Clint l’a manipulée — j’avais vidé le barillet —, il a visé un point imaginaire quelque part au-dessus de mon épaule gauche. Puis il m’a fixé, le flingue en travers des cuisses.

— Tu aurais pu en parler à mon type, ça lui aurait évité de passer pour une tasse. (Un peu plus bas :) Gu se plaint que tu t’es foutu de sa gueule. Tu as quelque chose contre lui ?

— Rien du tout, si l’on excepte sa veste safran.

Clint a tiré deux longues bouffées pensives sans me quitter des yeux, puis a regretté à mi-voix :

— C’est Yobe le Mou qui me l’a refilé. Paquet-cadeau. Yobe est une bouse, mais c’est quand même le patron en second. Pas à sortir de là. Yobe doit lui-même son galon de principal à son papa, qui était contrôleur général avant lui. Yobe était prévu pour être flic comme moi pour empiler des culottes. Lui aussi, il finira contrôleur général. Comme papa.

Il a haussé les épaules. C’était un homme triste, au fond. Nous nous sommes regardés. Il a attendu que je dise quelque chose. Je n’avais rien à dire. Il s’est étiré lentement. Il a souri.

— Gu est un connard entièrement fini à l’urine, mais Yobe et lui font partie de la même obédience maçonnique ou quelque chose dans ce goût-là. Je vois pas comment j’aurais pu refuser l’enfant.

Il a bâillé très fort. Il manquait de sommeil. Un type bien, dans son genre. Il a reporté le regard sur le revolver.

— Calibre .357. La victime connaissait le tueur. Il semble qu’il avait les clefs. Il semble même qu’il ait passé une bonne partie de la nuit à la bourriquer avant de la sécher… Lui ou des autres… Ou lui avec des autres… Un intime…

— Brillante déduction, mais trop de mots, Clint.

Ses yeux se sont animés un peu — très peu. Ils étaient jaune pâle et déjà abîmés par l’alcool. Son regard était totalement dépourvu de chaleur. Avant de diriger le Groupe criminel, il avait travaillé au 36, juste assez de temps, et avec assez de mordant et d’efficacité pour y déplaire.

Comme moi, Clint était d’origine ariégeoise. Il avait la colonne vertébrale raide comme un verre de lampe. Comme il n’avait pas plié, lui aussi il s’était fait casser. Je le sentais déçu de tout. Vivre, c’est jamais rien d’autre qu’accepter le risque d’aller de déception en déception, jusqu’à la toute dernière, l’ultime déception, la mascarade finale.

Clint vivait. Ses indiscutables qualités professionnelles lui avaient valu le bonheur de se retrouver triquard à la Douze — en quarantaine, certes, mais dans une quarantaine décente, pas comme dans un de ces commissariats de quartier de merde dont Paris était plein et dont le bureau administratif avait le secret.

Nous étions deux, chacun d’un côté du bureau, à fumer les mêmes cigarettes — sans plus d’avenir l’un que l’autre. Dans une autre vie, nous aurions pu être amis. Clint a flanqué le revolver sur le dossier ouvert devant moi. Il s’est fait de la main une visière au-dessus des yeux. Il a écouté quelques mesures du C.D., puis le début du titre suivant. Il a diagnostiqué sans la moindre trace d’hésitation :

— Mildred Bailey. Saint Louis Blues. Pas une grande, pas une petite non plus. Bus Bailey à la clarinette. Russel Procope à l’alto. Joli nom, Procope. Pourquoi tu demandes pas ta mutation ? Ou de remonter au jour ? Un jour ou l’autre, Cohen ne sera plus là. Tu auras ta chance. En attendant, tu peux prendre date.

J’ai allumé une cigarette au mégot de la précédente. J’ai étalé mes deux mains sur le bureau, bien à plat. Je les ai retournées comme une donne de poker. Rien de fameux. Ma montre, que je porte à l’intérieur du poignet gauche, marquait cinq heures. Il me restait trois heures à tirer — trois heures avant la fin de la nuit. Trois heures avant de refiler le manche aux équipes du jour. Cent quatre-vingts minutes avant de descendre.

J’ai murmuré doucement, presque pour moi :

— Tu es gentil, Clint…

— Gentil ? Je ne crois pas…

— Prendre date… J’ai eu ma chance. Elle est passée. Pas de quoi en faire un fromage. Il y aura toujours un autre Cohen. Et puis j’aime la nuit.

— Elle, elle t’a jamais aimé.

— C’est surtout ceux qui ne vous aiment pas, qu’on a du mal à quitter.

— Tu sais que tu es vraiment très con ?

Je lui ai demandé sans lever les yeux :

— Qu’est-ce que tu veux au juste ?

Il a appuyé l’index sur la procédure.

— Rien que le blaze du mec qui a effacé Joséphine.

Personnel unknown, man…

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