— Béru a disparu.
— C’est-à-dire ?
— Victime du fantôme de la maison hantée, assuré-je.
Et de lui raconter notre équipée nocturne. Je lui parle de ma poudre révélatrice de traces géantes.
— Celles du Gros n’y figuraient pas, précisé-je. En outre notre chambre était fermée de l’intérieur. J’ai eu beau m’évertuer, je n’ai pu dénicher le moindre passage secret : armoire pivotante, trappe cachée, etc. Que t’en semble, mon beau Blondinet ?
Silence.
— Je sais ta religiosité, poursuis-je. Tu appartiens à ce monde hermétique des Remparts d’Ainay, à Lyon, où les jeunes filles ont pour fière devise : « Dieu et mon doigt » ! Peut-être acceptes-tu l’inexplicable comme étant un signe du Très Haut ?
Il ne relève pas le sarcasme et déclare :
— Je pense beaucoup à cette maison d’Ostende, Antoine. Sans parler de surnaturel, elle a, d’évidence, quelque chose d’inquiétant ; mais cette impression provient du couple qui s’y trouvait emmuré, je présume.
Je lui rapporte l’interview de mammy Gwendoline.
— Le grand-père était maçon et a bâti, seul, un conduit annexe à la cheminée pendant la guerre.
La Roucaille pousse un cri de paon dont la roue est à plat.
— Voilà qui est capital ! égosille-t-il. Cet homme a organisé le recel des cadavres du général allemand et de sa compagne. Tu tiens une piste solide !
— Solide ! piteusé-je. Les protagonistes sont cannés depuis des chiées : le grand-père, la grand-mère, la mère…
— Il subsiste néanmoins des contemporains de cette affaire, telle la voisine qui t’a parlé tout à l’heure. Sans doute peux-tu en dénicher d’autres ? Il n’y a pas de raison qu’on retrace les conquêtes d’Alexandre le Grand, mort trois siècles avant Jésus, et qu’on soit tenus en échec par une histoire dont les témoins vivent toujours !
— C’est juste, reconnais-je.
Il soupire :
— En ce qui concerne Alexandre-Benoît, je suis convaincu que l’énigme de sa disparition va s’éclaircir rapidement.
— J’en accepte l’inauguration, te répondrait l’homme concerné !
La glace à trumeau de la suite présidentielle me renvoie une triste image. Plaie sur la tronche, œil au beurre noir, mine défaite.
Pensif, le brave Salami ne me quitte pas des yeux. Il semble sincèrement peiné.
— Je ne tiens pas la grande forme, hé ? lui fais-je.
Il se met « en état de conversation », c’est-à-dire que son attitude, ses gémissements et ses longs regards expressifs contribuent à établir une communication entre nous.
— En vérité, vous n’êtes pas dans votre assiette, me fait le bon toutou.
Il ajoute :
— Je ne parle pas de votre gueule amochée, mais votre esprit est ailleurs. Vous ne parvenez pas à réfléchir. La disparition de Béru vous enlève toute possibilité de concentration.
— Ah oui ?
— Vous en doutez ? Tenez, pas une seule fois vous ne m’avez interrogé sur mes agissements de la nuit. Vous me quittez hier alors que je me dissimule dans la voiture de l’Anglais venu subtiliser une cage à oiseau automate dans la maison hantée ; je réapparais ce matin, épuisé, et vous ne me posez pas la moindre question, comme si la chose vous indifférait !
Je sursaille, que dis-je, tressaute !
— Seigneur ! Mais vous avez mille fois raison ! penaudé-je. Quel policier lamentable je deviens ! Je vous demande très humblement pardon, mon ami.
Je me laisse quimper dans un fauteuil, en biais, passe mes jambes par-dessus un accoudoir.
— Baillez-moi vite vos aventures, ô chien d’exception…
N’en pouvant plus de mon détachement, le hound se lance impétueusement dans un rapport suce-sein (dit Béru pour succint) que voici.
Peu de temps après avoir pénétré chez Astrid, le jeune Rosbif en est donc reparti avec son étrange butin. Il a emprunté la route de Dunkerque ; en moins de jouge, il prenait le tunnel sous la Manche. Parvenu de l’autre côté, un flic britannouille a aperçu Salami et a interpellé le conducteur. Ahurissement du dénommé Stendley en découvrant un cador à bord de sa tire. Patacaisse. Il a dû décliner son identité.
— Notez ! m’enjoint brusquement le clébard : Stendley Mallory, 24 Oxford Street, London [5] Tu te rends compte : un animal qui, lorsque je l’ai eu, ne connaissait pas les chiffres, et encore moins les marques de bagnoles !
, je l’ai conservé en mémoire. Vous le savez, poursuit-il, nous autres canins ne pouvons être admis au Royaume-Uni qu’après une longue quarantaine. Ne voulant pas être emprisonné dans les chenils de Sa Majesté, j’ai profité de ce que le policeman verbalisait pour bondir de la Morgan et disparaître.
« Avec mille précautions, j’ai gagné la file des véhicules se dirigeant sur la France. Un vieux couple hollandais, apitoyé par ma détresse, m’a ramené sur le continent. De retour à Dunkerque, j’ai réussi à sauter sur le marchepied d’un camion belge se rendant à Bruges ; comme vous le savez, les camions, ça me connaît. Mille fois, j’ai failli tomber, mais le dieu des bassets m’a pris en pitié et me voilà ! »
— Fabuleux ! m’écrié-je-t-il. Vous êtes un collaborateur plus que précieux.
Mes démonstrations de reconnaissance sont écourtées par la venue d’une visiteuse. Il s’agit d’Irma Van Loy, ma jolie policière.
Elle n’est pas en uniforme, mais porte une robe d’été agréable, jaune et blanche, avec une grosse fleur bleue sur le sein gauche (celui que je caresse toujours quand je vais au cinoche avec une belle)…
Je croyais jusqu’alors que sa tenue policière lui seyait, mais je dois conviendre qu’elle a davantage de classe sans.
Elle se précipite dans mes bras et m’étreint farouchement.
— Oh ! mon amour ! Mon amour ! balbutie-t-elle. Pardon de venir vous voir à l’improviste, je n’y tenais plus.
Elle glisse une jambe entre les miennes jusqu’à sa chattoune et s’active du pubis de Dechavannes. Ne m’en faut pas plus mieux pour que mon Escartefigue [6] Mot provençal signifiant textuellement : « écarte figue ».
mette baïonnette au canon.
Dès lors, les jeux sont faits. Son slip va coiffer une Diane chiasseresse qui passait par là, elle lève haut la cuisse pour livrer accès à sa moniche et je rentre en triomphateur dans cette exquise consœur.
Rut de sentinelle ! Violent et rapide. Reusement que je lui ai déjà prodigué des pâmades délicates car, si elle devait me juger sur cet assaut, elle n’aurait qu’une idée profane de mes performances amoureuses. Il faut de tout pour faire une bonne tringlée : du suave, des roucoulades, mais aussi des emplâtrages vertigineux, rudes et sans mièvreries.
Cette farouche étreinte, comme on lit puis dans les romans pour masturbés occasionnels, ne dure pas dix minutes. Mais quelle harde ! Les jambes en « x », le cœur chamadeur, elle s’adosse au mur pour ne pas défaillir.
Salami, conquis, met son museau prognathe entre les cannes de ma collègue et milite pour un rapprochement des espèces. Je me retiens de lui flanquer un coup de savate dans le caudal, sachant bien qu’il ne me le pardonnerait jamais.
Irma-la-tendre va procéder à un raccord et revient, toujours tourneboulée. M’annonce qu’elle a deux jours de repos, avec encore du foutre dans les yeux.
— Donc, tu es libre, petite ensorceleuse ?
Ma question lui flanque des spasmes arrière-coureurs dans le mollusque à crinière. Ne me répond pas « oui » mais « voui ».
— En ce cas tu m’accompagnes à Londres ! décidé-je.
Aux anges, elle est. Tiens : touche ! Tu sens qu’elle spongie déjà, ma très chouette ? Oh ! et puis, je vais lui pratiquer une petite langue frétillante sur le bigornuche, du temps que nous y sommes. Comme disait le maréchal Lyautey : c’est pas quand on sera morts qu’on se fera dégorger le baby !
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