Frédéric Dard - J’ai bien l’honneur… de vous buter

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J’ai bien l’honneur… de vous buter: краткое содержание, описание и аннотация

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Je marche un peu, histoire de briser ma tension nerveuse. Mais c'est une coriace que cette tension-là ! Une seconde cigarette ne l'entame pas davantage. Au contraire, j'ai l'impression qu'elle est toute prête à se rompre…
Je jette un coup de saveur à ma breloque ; voilà près de deux heures qu'elle est entrée dans la carrée, Elia… Et celle-ci demeure aussi inerte et silencieuse qu'auparavant.
Il n'y a toujours qu'une fenêtre éclairée… Et quand je dis éclairée, j'exagère… Simplement on décèle une lueur…
Que fabrique-t-elle derrière cette façade croulante ?…

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Qu’allait-elle maquiller en pleine nuit chez son ancienne patronne ?

Je comprends maintenant pas mal de choses. Entre autres, pourquoi on m’a épargné… Cela me chiffonnait. J’avais tort : loin de m’accorder la vie sauve, les vaches m’ont sucré en premier. Seulement le San-Antonio, c’est du Raspoutine de la bonne cuvée. Il digère le bocon comme les avaleurs de sabres digèrent les clous de tapissier. Un petit coup de raide et puis ça y est !

Je pose mon dargeot dans un fauteuil et je mets mes nougats sur le burlingue comme font les inspecteurs américains lorsqu’ils ont une réunion chez leur chef.

Oui, oui, le brouillard commence à se dissiper.

Gloria avait des combines louches avec Elia… C’était plus qu’une femme de chambre… Ma « patronne » a congédié la servante pour donner le change à quelqu’un. Mais elle l’attendait cette nuit… Et, en l’attendant, elle m’administrait du poison. C’était en effet la meilleure façon de m’éloigner ! Pourquoi m’assassiner ? Parbleu : parce qu’elle avait découvert ma véritable identité.

Comment ?

Ça, j’ai un morceau d’idée qui me trotte par la calbombe… Je pense au petit homme en beige qui me suivait hier matin. Il me filait le train depuis un bout de temps, probable. Il m’a vu rentrer à la poste. Pour peu qu’il s’y soit pris adroitement, il a su se rancarder auprès de l’employé du standard pour savoir où j’avais téléphoné. Quand il a su que c’était à la police parisienne, ses illusions ont commencé à foutre le camp.

Que pensez-vous de ce raisonnement ? Il n’est peut-être pas cousu main, mais il est vraisemblable, non ?

On ne peut pas demander plus à un raisonnement.

En tout cas, s’il est juste, il montre que la Filesco me faisait surveiller.

Au fait, qu’est-il devenu le petit homme en beige ? Je flotte dans le doré de mon imagination.

N’est-ce pas lui qui a débarqué sur la grève en compagnie de Gloria ? Que venaient-ils faire, ces visiteurs, dans cette maison où les attendaient une femme fatale et un agent secret supposé mort ?

Pour me tuer, il fallait qu’elle soit sur le point de disparaître, Elia. Ma mort n’avait plus d’importance, ne risquait pas de la gêner…

Le couple arrive du large, amené par je ne sais qui. Pourquoi venir par la mer ? En voilà des complications !

Que doit-il se passer de si important ?

Le saura-t-on seulement un jour ?

L’homme a tué les deux femmes. Puis il est parti par la falaise afin de gagner la route où une voiture l’attendait.

Mais pourquoi diantre a-t-il enfourné le cadavre de Gloria dans le coffre de la voiture alors qu’il a laissé celui d’Elia au milieu de l’allée ?

Je chasse ces interminables caravanes de questions d’un grand geste, puis je me dresse.

Katty n’a pas bougé de l’encadrement de la porte dont elle occupe toute la largeur.

— Quand Mrs. Filesco a-t-elle congédié Gloria ? je demande brusquement.

Elle fronce les sourcils, puis son regard devient gélatineux.

Yesterday .

À mon tour de froncer les sourcils.

— Hier ?

— Oui…

— Pourquoi ?

La grosse tordue secoue la tête d’un air agacé.

— Je ne sais pas…

Gloria pleurait lorsque je suis rentré de ma balade matinale. Était-ce pour la galerie ? Ou bien…

— Il y a longtemps qu’elle était en service dans cette maison ?

— Deux ans environ…

— Et vous ?…

Elle est nettement ulcérée, Katty. Puis son visage s’apaise, et c’est d’une voix presque gentille qu’elle me demande :

— Police ?

Elle a trouvé ça toute seule dans sa grosse tête. Probable qu’un matuche finit toujours par se renifler, surtout lorsqu’il pose des questions avec un tant soit peu d’insistance.

J’hésite.

Après tout, qu’est-ce que je risque ? Si Katty est une honnête cuisinière, elle ne peut pas me nuire. Et si elle n’est pas une honnête tortoreuse, elle sait déjà que j’appartiens au régiment des souliers à clous.

Yes , dis-je, police française…

Du coup, elle devient gentille, humide, fondante.

Elle m’assaille de questions avec une telle volubilité, qu’elle en oublie son peu de français.

Je la calme d’un geste.

— Combien de temps ? reprends-je, imperturbable comme Rowland.

— Quatre ans…

— Vous n’avez jamais rien remarqué de suspect dans cette maison ?

Je dois répéter ma question quatre fois avant qu’elle pige.

No , fait-elle. Madame était beaucoup très sortante, mais tout était normalement ici…

— Vous n’avez jamais remarqué un petit homme habillé de beige avec une casquette et un nez pointu ?

Je m’empare d’un crayon et je dessine maladroitement la silhouette de mon ange gardien sur une feuille de vélin filigrané.

Elle observe longtemps le croqueton maladroit, puis elle a un léger sourire.

Yes, I know

— Comment s’appelle-t-il ?

— Je ne sais pas. Il est venu une fois apporter un letter .

— C’est toujours bon à savoir… Il y a longtemps ?

Some weeks

Je lui tends les clés de la Frégate.

— Un inspecteur du Yard va rappliquer, vous lui donnerez ceci.

Elle glisse les clés dans son tablier en faisant un signe affirmatif. Moi, j’ai juste le temps de mettre les adjas avant l’arrivée de la maison pouleman, parce que les matons, ici, ne chôment pas en chemin.

Et en effet, je viens juste de poser mon soubassement sur le siège d’un taxi, que la voiture noire de Rowland débouche de New Oxford St.

Je m’accagnarde dans le fond du véhicule.

Liverpool Street ! One hundred and forty-six , lancé-je sans respirer au chauffeur.

C’est un jeune gars en salopette grise, aux cheveux ébouriffés. Son bolide a dû servir à la reine Victoria lorsqu’elle allait se baguenauder… Ils sont poilants les taxis, ici. L’avant comprend juste la place pour le chauffeur qui se trouve dans une boîte vitrée. À côté de lui, il y a une plate-forme pour les bagages. Rien que ce détail vous montre bien que les English sont des gens pratiques.

Le gars se passe la paluche dans les tifs, ainsi qu’il l’a vu faire par son compatriote Stan Laurel, puis il démarre brusquement, comme s’il pilotait une fusée interplanétaire au lieu d’un archaïque taxi londonien.

CHAPITRE X

Photomaton

Liverpool Street est une rue assez importante.

Le 146 comprend quatre étages, lesquels composent un immeuble cossu.

C’est massif, sans prétention, mais vaguement bourgeois. On devine là-dedans des appartements avec des boiseries, des tentures et des machins inutiles mais sérieux.

Je cherche de la morniflette pour douiller mon chauffeur. Comme il me voit hésiter longtemps sur les pièces d’argent et de nickel, il me demande :

— Vous êtes Français, non ?

Pas trace d’accent dans sa voix. Je sursaute.

— Vous aussi ?

— Non, fait-il, mais j’ai passé dix ans en France ; c’est un pays qui me plaît beaucoup. J’y vais toujours pour mes vacances. J’ai une petite amie du côté de Lille. Vous aimez Lille ? C’est la ville des pommes de terre frites ! Là-bas on ne mange que ça et on en mange tout le temps…

Il a l’air joyeux. Sa petite copine française l’a sérieusement dégrossi. Elle lui a raclé le standing jusqu’au derme et maintenant, le mec ressemblerait à un titi s’il n’avait pas une vraie gueule à monter la garde sous le rocher de Gibraltar.

Il me vient une idée lumineuse. Faut vous dire que des idées lumineuses j’en ai en moyenne douze à la minute. Et elles sont tellement lumineuses que l’intérieur de mon crâne doit ressembler à un feu d’artifice.

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