Elle les fournit, précisant le numéro de la plaque minéralogique.
— Pourquoi avez-vous aidé ces hommes ? demanda Kriss. C’est très grave de devenir la complice de dangereux criminels, demandez au juge.
— Ils juraient qu’ils étaient innocents, balbutia Dorothy.
— Et vous les avez crus !
L’Anglaise espérait gagner du temps jusqu’au retour de ses protégés. Lorsqu’ils arriveraient, il y aurait de la bagarre.
— Ils paraissaient sincères.
— Vous n’êtes qu’une enfant, Mrs. Trabadjalamouk, une horrible petite fille dégueulasse ; quand je pense que des hommes ont le courage de grimper sur votre pourriture de carcasse, j’ai envie de vomir.
L’incriminée eut un rire pleutre, un rire infiniment servile.
— Vous n’êtes pas gentil, minauda-t-elle.
— Non, admit Kriss, pas gentil du tout.
Il fit glisser dans ses mains la mitraillette logée sous son bras ; d’un geste expert il en ôta le chargeur et se mit à compter les balles qu’il contenait. Il y en avait 16. Kriss réenclencha le chargeur et mit la mitraillette en position du coup par coup.
— Seize balles divisées par trois, fit-il, d’un ton de soliloque, ça ne fait pas un compte rond. Alors disons qu’il y en aura cinq pour chacune des dames, et six pour l’homme.
Le juge et Rézéda poussèrent des grognements inarticulés sous le sparadrap qui les bâillonnait.
— Je suis navré, fit Kriss au juge, mais il n’y a vraiment pas possibilité de procéder autrement. Vous avez eu tort de vous laisser enlever comme un bébé.
Il braqua sa mitraillette sur le magistrat avec un calme qui donnait à ses gestes une forme de ralenti cinématographique.
Quand il pressa la détente, une première balle pénétra dans le bas-ventre du juge. L’homme eut un soubresaut et ses yeux devinrent démesurés. Dorothy se mit à hurler. Kriss s’approcha d’elle et lui plaça un coup de pied à la tête, d’un shoot qui révélait son incroyable souplesse. Elle se tut et s’écroula en hoquetant.
Kriss revint au juge.
La deuxième balle entra dans la région du nombril, la troisième en pleine poitrine, la quatrième traversa le cou, la cinquième lui fit éclater la tête ; bien que la sixième fût superflue, il la lui ajusta en plein cœur, un cœur qui ne battait plus depuis plusieurs secondes déjà.
— Et cinq pour vous ! dit Kriss en s’inclinant sur la collaboratrice du juge.
Elle était à demi inconsciente. Kriss lui plaça les deux premières balles dans les yeux. Il s’interrompit ensuite pour contempler le visage de cauchemar. Rézéda ressemblait à un masque de carnaval bavarois. Kriss la composta ensuite au niveau de la taille, selon une ligne horizontale.
On eût dit un sculpteur maniant le ciseau. Il sculptait la mort sur ces corps sans défense. Cette besogne le passionnait. Quand il eut « distribué » à la malheureuse les cinq balles qui lui étaient dévolues, il s’intéressa à Dorothy Trabadjalamouk. Celle-ci rampait lourdement en direction de la porte. Kriss eut un sourire de presque apitoiement.
— Oh ! le gros boa qui voudrait se sauver, fit-il. Croyez-vous que vous pouvez allez loin, gros boa plein de merde ? Non, non ! Restez tranquille et retroussez votre robe, gros boa.
Comme Dorothy gisait, inerte, il lui administra un maître coup de pied dans les côtes.
— Allez, allez, gros boa : exécution ! On relève sa robe ! Voilà. Bravo ! Quelles horribles cuisses gélatineuses et roses ! Non, non, ce n’est pas un boa mais une truie, pardon ! Mettez-vous à genoux, pour voir. J’ai peine à croire qu’il existe de telles dégueulasseries. Vous avez un foutu cul plein de vergetures et de cellulite ! Vraiment, il se trouve des types pour enfoncer leur pénis là-dedans ? La nature humaine est mystérieuse. Ça pendouille de partout, ma chère truie. Vous êtes répugnante ! Ne bougez surtout pas. Je vais vous prendre à mon tour. J’y tiens. Ouvrez-vous tout à fait, truie ignoble ! Plus largement encore ! Quelle horreur !
Il introduisit le canon de la mitraillette dans le sexe béant de la grosse femme.
— C’est bon, ma truie ? Vous me recevez bien ?
Il imprima un mouvement de va-et-vient à l’arme. Dorothy restait à genoux, grotesque sur ses coudes, le ventre pendant, les fesses largement offertes.
Kriss joua un instant de la mitraillette comme d’un gode.
Il s’enfiévrait un peu, donnait à sa voix des modulations qui pouvaient exprimer le désir.
— Vous êtes heureuse, la truie ? Abandonnez-vous complètement ! C’est exquis, n’est-ce pas ? Je crois que je ne vais pas tarder à jouir. Joignez-vous à moi ! Déchargeons ensemble ! Vous voulez bien, la truie ? Ah ! que c’est divin !
Il précipitait le mouvement du canon. Au bout d’un long moment de son manège, Kriss poussa un cri d’orgasme.
— Je décharge ! cria-t-il.
Il pressa la détente et la garda en position de tir. Les cinq dernières balles se perdirent, l’une après l’autre dans le corps difforme de Mrs. Trabadjalamouk. Le cri qu’elle voulut pousser mourut dans la paume de Kriss. Il retira sa main, tandis que la pauvre femme terminait ses jours sur un râle léger. Sentant ses doigts gluants de salive, il les essuya à la robe de sa victime. La mitraillette était restée plantée dans le sexe de Dorothy. Kriss l’y enfonça davantage de la pointe de son soulier. Quand il se retourna, il vit le chauffeur debout dans l’encadrement de la porte qui lui souriait, amusé.
— Ça défoule, dit Kriss sans s’émouvoir. Tout est paré ?
— La fille est dans le coffre de la voiture.
— Alors, allons-nous-en.
Ils remontèrent les degrés de ciment. L’odeur de la poudre et du sang grimpait avec eux.
Le Noir les attendait assis à la place passager. Il s’efforçait de nettoyer des taches de sperme sur son pantalon.
— Si j’avais su, je me serais moins pressé, bougonna-t-il.
— C’était bon tout de même ?
— Impeccable. C’est une petite salope.
— Si le docteur n’est pas trop pressé, j’aimerais bien l’essayer un peu, ricana le chauffeur.
— Tu te taperais les restes d’un négro ? demanda le Noir d’un ton sarcastique.
— Je me taperais même une chèvre qu’un juif vient d’enfiler, assura le chauffeur. Mon zob et mon cerveau font bande à part.
Il éclata de rire.
Kriss retira ses gants qui puaient la poudre, les roula en boule et s’en servit pour faire briller ses chaussures. Il regretta de n’avoir pas téléphoné à la police depuis la villa des Trabadjalamouk, histoire de leur refiler le numéro de la voiture utilisée par les fugitifs. Il le ferait en arrivant à « Sherazade House », après tout, it’s a long way de Suez à Alexandrie.
Chapitre XII
LA KERMESSE HÉROÏQUE
— Acré, mec ! lance Sa Majesté gonflante en m’empalmant le brandillon.
Je pile net.
— Quoi, donc, Gros ?
— Y a d’ la visite, ou y en a z’eu.
— Où tu as vu ça, Nostrabérus ?
— Su’ la p’louse. Vise : des traces de pneus. On a fait une manœuv’ y a pas longtemps, les fleurettes à ma fée des braguettes sont toutes écrasées. Quéqu’un sont v’nus, mec.
Je stoppe et nous déhotons au milieu de l’allée. Un silence profond comme les réflexions d’un adjudant en retraite règne sur la propriété des Trabadjalamouk. On entend voler les insectes, et jusqu’aux papillons veloutés qui donnent l’impression de faire un chahut de tous les diables !
Instantanément, ça se resserre vilain dans mon alambic. Imparable, la certitude qu’il s’est produit une couillerie phénoménale m’empare.
— Faut en avoir la cornette, déclare le Mastar. J’ vais en r’pérage, gars. Placarte-toi, tu me couvriras en cas est-il qu’aurait besoin.
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