Frédéric Dard - Le silence des homards

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Le silence des homards: краткое содержание, описание и аннотация

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A TOUS MES LECTEURS ! Qu'ils soient mâles, femelles ou hermaphrodites.
Ce livre est incontournable si vous souhaitez rester dans la grande famille san-antoniaise. Il marque un virage important dans ma carrière.
Si vous avez des amis en voyage aux antipodes (voire même aux propodes), achetez-le-leur, car ils risqueraient de ne plus le trouver à leur retour ; et ce serait affreux pour eux.
S'ils ne vous le remboursaient pas, Dieu vous le rendrait.

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Putain ! Je vais lui chialer dans le giron ! Lui faire le coup de « maman bobo » !

Alors, un gros mimi au front et je m’arrache.

De retrouver ma chambrette de célibataire, ça me calme un peu. Tout est si tranquille, si rassurant. Ma collection de Tintins sur un rayon, un dessin original de Wolinski, agrémenté d’une dédicace salée. Faut dire que ça représente moi à poil sur une plage, avec un tricotin d’enfer et une pépée en folie qui joue à la girouette sur mon chipolata.

Je me dessape en matant les détails du chef-d’œuvre. Il a un de ces coups de crayon, le gars Georges !

Une fois en costar d’Adam, je passe dans ma salle de bains. Et me voilà brusquement attendri en découvrant une rose d’automne, plus qu’une autre exquise, plantée dans mon verre à dents. Ça, c’est Maria. Cette pétasse, malgré les manigances de Latouche, continue de me vouer son culte. Elle baise en relais, en play-back aussi, peut-être, mais me conserve son cœur ibérique. Olé !

Douche. Très chaude, puis que j’attiédis. Mon eau de Cologne à foison, sur ma poitrine, mon bas-ventre (attention de pas en foutre sur la tronche de Mister Pollux qui s’irrite d’un rien).

Je me saboule, par réaction, en San-Antonio-commissaire-de-charme. Djine noir, T-shirt jaune (cocu), veste de daim noir déstructurée. Je fais franchement Casanova pour midinette en quête d’un bon coup. Mocassins d’autruche pour parachever. Tu juges le bon goût de l’artiste ?

Mon moral péclote encore, malgré l’attention que je viens d’accorder à ma personne. Mon ami Dupeyroux me dit : « Quand je suis trop triste, je vais m’acheter quelque chose. » C’est un sage conseil. Demain, si je suis encore dans la gadoue mentale, j’irai m’acheter « quelque chose ». Mais quoi ? J’ai envie de rien. Blasé, comprends-tu ? J’ai ma maman, un peu de blé et je suis beau.

N’empêche que je viens de me comporter en fouteur de merde. J’ai rien déniché à propos des tueurs de nègres, je suis sans nouvelles de mes chers disparus, Rosette est à l’hosto de Chalon-sur-Saône, le Vieux me conspue, je dois lâcher une affaire qui me passionnait, je…

Maman sort du lavabo des invités. Elle s’est lavé les bras, a brossé ses cheveux et ses vêtements enfarinés. Et puis, tiens, elle a ôté son sempiternel tablier. Quelque chose dans sa physionomie révèle le contentement : une lueur dans un pétillement. Elle a le sourire qui s’impose tout seul, alors qu’elle cherche à le réprimer.

— T’as l’air en liesse, mother , je lui dis, comme si tu venais de décrocher le gros lot à la loterie ; encore que toi, le pognon, c’est pas ta tasse de camomille.

— C’est que j’ai deux choses importantes pour toi, mon Grand : une nouvelle inouïe et… et disons une sorte de cadeau !

— Depuis que je suis monté me changer ?

— Le bonheur, c’est parfois comme le malheur : ça vous tombe dessus sans crier gare ! assure la chère âme.

Oh ! l’amour.

— Je commence par la nouvelle, annonce Félicie.

— Attends !

Je la prends dans mes bras et je la serre passionnément contre moi. M’man… Ma vieille… Ma Féloche d’amour…

— Il y a dix minutes, ils ont annoncé aux informations que M. Achille, votre directeur, a été limogé avec effet immédiat !

Oh ! le vertige qui me déguise en hélice d’hélico ! Carrousel de pensées enveloppées de la ouate de la stupeur.

— Le Vioque… limogé ? « Ils » ont dit pourquoi ?

— Non, le journaliste a déclaré que cette décision ne s’assortissait d’aucun commentaire.

Je continue de dodeliner du chef (c’est le moment !).

— C’est effectivement une nouvelle inouïe, m’man.

— Attends, elle est incomplète. Ils ont donné le nom de son successeur.

— Voilà qui est intéressant, pourvu qu’ils ne nous aient pas infligé un vieux requin ne connaissant rien à la police !

— Rassure-toi, ils ont choisi quelqu’un de jeune et de très compétent.

— Qui ?

— Toi !

Tu vas pas me croire. Ma réaction, c’est la colère. Pire : la rage !

— Moi ! Directeur de la Rousse ! Mais de quel droit ! Je n’ai rien demandé ! Je ne suis pas un bureaucrate, mais un « homme de terrain » comme disent les médias. Je refuse !

Ma sortie la rend chagrine, m’man. Elle qui rayonnait en apprenant ma fabuleuse promotion !

Elle murmure :

— Tu sais ce qu’on dit chez nous, Antoine ? Quand on a une décision importante à prendre, il faut dormir dessus avant de livrer sa réponse. Attends demain pour trancher. Dès cette annonce, le téléphone s’est mis à carillonner ; je l’ai débranché afin que tu aies la paix.

— Tu as bien fait. Et le fameux cadeau promis ?

Elle retrouve son sourire, me prend par la main et me guide en direction du salon. Un fragile instant, je me crois revenu à l’époque de la maternelle. J’avais horreur de ça, l’école. Je puisais du courage dans le contact de cette main et, quand elle lâchait la mienne, je pénétrais dans la classe comme on se jette en parachute la première fois.

C’est elle qui tourne le loquet, mais elle me laisse pousser la lourde. Je suis le môme qui va mater ses pompes, le matin de Noël, voir ce que le barbu lui a largué de sa hotte.

Et il est là, mon cadeau. Plus époustouflant que tout ce que j’essayais d’imaginer. Il est cinq. Il se met à hurler d’une même voix :

— Vive monsieur le directeur !

Béru, Mathias, Pinaud, Blanc, Violette.

Les homards se sont remis à bouger !

Le Noirpiot est quasiment blanc à force de pansements sur la frime. Et ce qui n’est pas blanc est rose ou violet. Cette dérouillée ! Un gus qui aurait essayé de secouer la tire de Cassius Clay au moment où il se pointait ne serait pas dans un pire état. Leur cri « Vive le directeur ! » m’a meurtri, mais leur vue me transporte.

Scène des retrouvailles. Etreintes, bisous, larmes…

Et puis, et puis, bien sûr : explications. Chacun y va de son historiette. Honneur aux gonzesses : c’est Violetta qui commence. Elle me narre l’épisode de l’ Hôtel du Roi Jules . Ils avaient entrepris une monstre baisance, Jéjé et elle. Tu penses, cette belle chopine sénégalaise, rose à peau noire, le régal qu’elle représentait !

Il est au supplice, Mister Blanc. Il fait des « Allons, Viovio, je t’en prie ! » Mais la Viovio, malgache bonno ! Elle mouille à raconter tout bien, la manière suave qu’il la montait en levrette, et en danseuse sur le plumard grinçant. Ses deux grosses mains bien plaquées sur son aimable cul pour cadrer imper. Et l’enfilade romantique à la Valses de Vienne ! Dix coups dans la moniche, dix autres dans l’œil de bronze : ils sont voisins de palier. Elle griffait les draps, mangeait le polochon. De l’assassinat par overdose de paf. L’extase poussée à un tel registre côtoie l’agonie.

Il était en train de la limer pour la cinquième fois consécutive lorsqu’on a frappé à la porte. C’était le commissaire Mizinsky qui venait les chercher de ma part. Ils sont partis par la porte de derrière et ont pris place à l’arrière d’une fourgonnette dans laquelle se trouvait un gonzier inconnu d’eux. A peine qu’installés, le type a sorti un vaporisateur de sa poche et leur a mis quelques coups d’un spray soporifique dans les naseaux.

Quand ils se sont réveillés, ils étaient ligotés au fond d’une cave et des gens, dont l’un avait un tatouage représentant une araignée sur le dos de la main, se sont mis à molester Jérémie. Par la suite, on les a endormis de nouveau et emportés dans une espèce de grotte où Bérurier les a revolvérisés. Ils sont revenus à eux plus tard, dans une chambre d’hôpital.

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