Frédéric Dard - Le silence des homards

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Le silence des homards: краткое содержание, описание и аннотация

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A TOUS MES LECTEURS ! Qu'ils soient mâles, femelles ou hermaphrodites.
Ce livre est incontournable si vous souhaitez rester dans la grande famille san-antoniaise. Il marque un virage important dans ma carrière.
Si vous avez des amis en voyage aux antipodes (voire même aux propodes), achetez-le-leur, car ils risqueraient de ne plus le trouver à leur retour ; et ce serait affreux pour eux.
S'ils ne vous le remboursaient pas, Dieu vous le rendrait.

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— Quel commissaire San-Antonio, mon ami ? Où voyez-vous un commissaire San-Antonio ? Il n’y a jamais eu de commissaire San-Antonio. C’est une fable, un leurre, une légende sordide ! Foutez-moi ce bougnoule de merde à la morgue sous la rubrique « accident de la circulation » et allez baiser vos femmes, messieurs, car il est tard !

Je m’en vais.

A pied.

Les larmes aux joues.

J’ai l’impression d’être un petit garçon. Il me semble avoir vécu un truc de ce genre, jadis… C’était… Non, rien !

CHAT CLOUW 19

— Ça tourne ! lance le « compagnon » préposé à la caméra.

L’appareil n’est pas du dernier cri ; rien de commun avec les nouveaux appareils japonais que tu gagnes dans tous les jeux télévisés. Celui-là appartient au Masque de Velours, il a au moins vingt-cinq ans et il cliquette en moulant des images comme la crécelle des lépreux que tu rencontres dans la rue.

— Allez-y ! fait le metteur-en-scène-président à sa vedette.

Bérurier a un pistolet dans chaque main.

— Je vais finir les deux bastos de mon outil à moi ! annonce-t-il.

L’homme masqué sourit devant cette obstination ridicule. Le Gros marche jusqu’au groupe. Il avance son pétard sombre jusqu’au dos de Jérémie et tire. L’inspecteur Blanc a un soubresaut, un cri pas terminé et bascule ; le tueur vérifie que la deuxième praline est bien en place dans son logement et, cette fois, abat Violette. Elle s’écroule, foudroyée.

Ayant terminé ses propres munitions, Bérurier remet sa rapière dans son holster et braque le beau feu nickelé contre la nuque de Mathias. Mais le coup ne part pas.

— Dites donc, Monseigneur, grommelle l’artiste-équarrisseur, y aurait pas comme un défaut à votre séringue ?

Il examine l’arme.

— Avez-vous bien relevé le cran de blocage ? demande le chef.

— Je veux, ouais ; mais y a quéqu’chose qui a l’air bizarre, venez-voir, tous.

C’est magique, une arme à feu, ça intéresse aussi sûrement les hommes qu’un bébé intéresse les femmes. Les gars se rapprochent, font cercle.

— C’est ici, affirme Bérurier en caressant le flanc de la crosse de son pouce, là, voyez, y a un machin qui dépasse.

Ils se penchent. Et alors ce qui se produit demeurera à tout jamais unique dans les annales policières.

Sept secondes !

Pas une de plus.

En sept secondes Loup de Velours et les cinq hommes de sa garde prétorienne sont morts avec chacun une balle dans un œil. Le Gros aurait pu effacer les six gonziers en six secondes, mais quelque diable rancuneux le poussant, il a voulu mettre deux quetsches dans la physionomie du chef. Et maintenant, il a une frime hallucinante, cézigue, avec les deux flots de sang qui jaillissent des deux trous du masque. C’est surréaliste à déféquer sur les tapis de la marquise !

Sa « mission » accomplie, le Mastar souffle sur le canon du feu, façon western. Il sort son mouchoir cauchemardesque et l’utilise pour « essuyer » l’arme dont il vient d’user.

Il est tout joyce et sifflote Les Matelassiers .

Ensuite il dépose le feu au centre du cercle des défunts, puis s’approche des vivants. De son Opinel, il tranche liens et bâillons.

— Vous deviez commencer à vous faire vieux, mes drôlets ! lance-t-il.

Le père Pinuche, au lieu de remercier, fulmine :

— Qu’est-ce qui t’a pris d’abattre Jérémie et Violette !

— Fallait qu’j’inspirasse confiance z’aux z’autres, plaide Sa Majesté. Ce début d’éguesécution a fait qu’ils sont été sans méfiance pour après, comprends-tu-t-il ?

— Comme tu y vas : sacrifier deux amis pour donner bonne impression à ces criminels, c’est un peu cher payé !

Le rire de Mathias le laisse coi. Il regarde tantôt le Rouillé, tantôt l’Obèse avec incertitude.

— Il a tiré avec une arme de mon invention, César, rassure le Rouquemoute. Balles anesthésiantes sans grande force d’impact. Elles inoculent une légère dose de soporifique et s’anéantissent. Dans moins d’une heure, nos deux amis seront sur pied.

La Pinoche retrouve son beau sourire de vieil archange devenu ganache.

— Je me disais aussi… Un homme comme toi, Alexandre-Benoît, ça ne peut pas devenir un tueur nazi, même s’il a une aversion pour les Noirs.

Bérurier bombe le torse.

— Ça y est, traite-moi de racisse, pendant qu’t’y est ! Où qu’t’as vu que j’aimais pas les Noirs ? A cause qu’ j’chahute Blanc, parfois ? J’voudrais qu’tu le suçasses une fois pour toutes, César : moi, les Noirs, j’les raffole. La seule chose qu’j’leur reproche, c’est d’être nègres par moments !

CHAT CLOWN 20

Félicie a un sursaut de bonheur en m’apercevant. Sa radio marchait, lui dévidant le discours d’un politicard aux assises du C.Q.F.D. et elle ne m’a pas entendu arriver. Paroles fortes applaudies en bourrasques.

— « Ce qui est, est ! Et tout ce qui a été n’est plus. »

On sent que les assistants mouillent plein leurs slips.

Comme je m’avance à deux bras, Féloche recule.

— Je vais te mettre plein de farine, mon grand !

Elle est en train d’étirer de la pâte au rouleau sur sa table de cuisine.

— T’inquiète pas pour la farine, m’man.

Je presse ma chère tête contre moi. Toujours cette mystérieuse odeur de coutil neuf et de violette fanée et puis de cheveux bien lavés aussi.

Quand on se dégage de nos retrouvailles, elle remarque avec inquiétude :

— Tu as l’air d’être au bout du rouleau, Antoine ? fait-elle en reprenant le sien.

— Au bout du rouleau, mais pas au bout de mes peines, dis-je. Tu prépares une tarte ?

— Non : des friands, mais je peux confectionner également une tarte si tu en as envie ?

— Penses-tu, je raffole des friands et je vais m’en faire péter la sous-ventrière ! L’inspecteur Latouche n’est pas là ?

Elle se trouble.

— Non, il m’a demandé la permission d’emmener Maria au cinéma. Ça a l’air de bien marcher, eux deux, et il parle de l’épouser car, nous a-t-il dit, la femme qui partage sa vie est seulement sa concubine.

Je me sens knouté par la colère et la jalousie. Cette grande pute de Maria que j’enamoure d’un regard, voilà qu’elle me fait du contre-carre avec le dernier de mes subordonnés !

Je m’emporte (pas loin mais fort) :

— En voilà un qui va comprendre sa douleur ! Il est ici pour vous protéger, pas pour s’envoyer la bonne ! Désertion de poste, c’est le limogeage pur et simple.

— Ne fais pas le croquemitaine, mon Grand. C’est moi qui leur ai dit de sortir !

— Bravo ! On paie une bonniche pour qu’elle assure la félicité des sens d’un vieux branleur de perdreau qui n’est encore à la Grande Taule que grâce à un oubli de l’Administration !

Comme elle est éplorée, la vieille chérie, je me sourdine les rancœurs. C’est bien fait pour ma pomme ! Je caracole avec trop d’assurance dans les basses-cours, voilà qui me rabattra le caquet. Dieu nous envoie des mortifications pour nous aguerrir, je le sais. Note qu’en ce moment, Il m’octroie la forte dose !

— Fais-en beaucoup, des friands, m’man, j’ai une faim d’ogre. En attendant, je vais prendre une douche et changer de fringues : je me sens pollué comme toute la ville d’Athènes.

Elle stoppe ma volte en posant sa main sur mon épaule.

— Qu’est-ce qui ne va pas, Antoine ?

— Tout, rétorqué-je. (Rire cynique.) Mais à part ça, tout va bien !

— Tu ne veux pas me dire ?

— Te dire m’obligerait à revivre. Disons que j’ai subi un échec professionnel et que… Enfin, tu me connais : ça coince ! Mais le temps guérit tout.

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