C’est beaucoup, non ?
Oui, tu trouves ? La loi des séries, que veux-tu.
Nous dessertons de concert (je n’écris pas « de conserve », tu pourrais croire qu’on en clape).
Elle me propose ensuite du café, mais je n’en fais jamais le soir. On décide d’un petit tour à l’extérieur pour s’humidifier les soufflets.
L’est en pleines vapes amoureuses, la dame du paralytique. Nos doigts s’entremêlent, nos cuisses se frôlent. Chaque deux pas, elle décrit une demi-volte pour me proposer sa langue délicate et agile. Très pointue, je remarque, d’une prestesse de prêtresse. Me contraint d’arquer au pas de l’oie. Nuit de Chine, nuit câline !
Cette partie de fion qui se profile ! Je la vis par la pensée, échafaude mille jolies péripéties agrémenteuses… Pourtant, mon esprit reste lié à Mélanie Izaure, mon aquarelliste. On est pas banals, les matous : nous sommes là à pâmer pour une gerce tandis que notre cœur est plein d’une autre !
* * *
N’ayant pas prévu de dormir chez l’habitant, je ne me suis muni d’aucun vêtement de nuit ; nous décidons que c’est ma sublime conquête qui viendra dans ma chambre et non moi dans la sienne, ainsi n’aurai-je point à déambuler dans le couloir.
Vêtu de ma seule toison naturelle, je m’allonge sur le grand lit paysan de la pièce où, la fatigue de la journée aidant, je sombre presto dans un sommeil rural.
Des aboiements de chiens, lointains, montent à mes fenêtres. J’adore ces appels de la nuit, qui en éveillent d’autres, toujours plus loin à travers la campagne.
Mon abandon est intense ; j’ai été bien inspiré de suivre mon instinct. L’existence ici doit être souveraine. La vieille demeure arc-boutée dans ses vignobles environnants, le rythme lent des saisons inexorables, les joies radieuses que dispense la nature… N’ai-je pas toujours rêvé d’une vie rurale ?
Des écharpes de brume se dissipent momentanément pour me livrer le tendre visage de Félicie : son soupir de miséricorde, ses yeux anxieux qui voudraient sauver le monde entier. Je sommeille dans la béatitude.
Je dois carrément dormir, et profondément, puisque, tout à coup, je sens mister Popaul happé par une bouche tiède. Oh ! que la réalité est longue et douce à me revenir.
D’un effort, je joins le geste à l’extase et m’empare délicatement d’un sein dur comme ceux de Maillol.
— Je vous réveille, s’excuse mon hôtesse.
— Merveilleusement, assuré-je.
J’actionne l’antique poire électrique. Une tulipe de verre fixée au-dessus du page me découvre l’un des vêtements de nuit les plus émouvants qu’il m’ait été donné de visiter au cours de ma vie vaguement libertine. Plus que vaporeux : arachnéen, dirait un romancier agréé par la commission des Sites. Cela ressemble à une buée bleue ouatant ses doux volumes. Ah ! les divins bouchons de carafe taillés dans des rubis ! Ah ! la forme sublime des seins ! Et ce ventre parfaitement plat, t’en as déjà rencontré de semblables ? Ces cuisses profilées, cette chatte mystérieuse (même pour moi qui m’en suis goinfré naguère !). Petit Jésus, y a que Vous pour accorder de tels présents à Vos créatures !
Je la monte style partie de dada du dimanche. Négligemment, pour ainsi dire. L’arrive même qu’à force d’une langueur trop poussée je déjante, because la madame, question babasse, c’est entrée libre ! La vraie craquette de pouliche.
Telle qu’elle décarre, notre séance nocturne peut se prolonger toute la nuit. Petite tringlette amitieuse à laquelle succèdent : tarte aux poils et taquinerie canaille dans l’œil de bronze, toutes choses d’un intérêt certes mineur, mais qui obtiennent généralement un vif succès d’estime.
Je termine l’exploit caméléonesque que représente un cunnilingus, lorsque j’entends gratter à ma lourde.
Quittant pour un instant l’autel des voluptés, comme l’écrit si bien mon ami Robert Hue dans son ouvrage sur la vie des Chartreux, je vais ouvrir et, la bite en liesse, me trouve en face (avec un fort surplomb) de Salami.
— Mon cher, pesté-je, vos interventions noctrunes sont intempestives et pour tout dire de mauvais goût !
Il me virgule l’un de ces regards dont seuls sont capables les chiens de sa race, et crache à mes pieds un objet qu’il avait en gueule.
Quelle n’est pas mon ahurisserie en constatant qu’il s’agit de la fameuse boucle en diamants et saphirs découverte dans la cuisine d’Éléonore à Saint-Cloud.
Je la ramasse. Mon cador pénètre dans la piaule et va s’affaler sur la descente de lit, où il flaire le déshabillé de ma conquête. Mine de rien, je glisse la découverte du brave toutou dans un vase contenant des fleurs séchées, à la saine odeur de foin.
Reprise de mes occupations en cours. Troublé par l’étrange gibier que m’a ramené Salami, j’écourte la saillie. Pique des deux, opère une passe pour combat singulier à la lance (infortuné Henri II) et vide les ballasts afin de pouvoir refaire surface. Ce que je.
La viticultrice n’en finit pas de me bisouiller de-ci, de-là, et ailleurs, apparemment conquise. M’explique qu’elle doit rallier sa chambre, mais m’informe qu’elle passera pour le gentil calumet de l’aube. Les nanas séduites tiennent à t’essorer de fond en comble. Souci du travail bien fait ? Preuve d’amour ? Volonté de ne rien laisser perdre ? Une fois de plus, je donne ma langue au chat.
Salami également, qui se croit autorisé, de par la situasse, à lui frivoler sa longue menteuse sur le mollusque. Hélène en émet un cri de surprise puis, réalisant la nature de cette bonne manière supplémentaire, déclare en riant :
— Tel maître, tel chien !
On ne peut lui reprocher de se montrer bégueule.
Ayant donné un tour de clé, je vais explorer le pot de fleurs où j’ai planqué la boucle. L’en retire, accompagnée de bleuets. L’examine dans la lumière de la lampe d’opaline.
Incontestablement, il s’agit bel et bien du second pendant d’oreilles. Voilà qui se corse.
— Salami, appelé-je, vous pouvez me dire où vous avez trouvé ce bijou ?
Un grognement me fait comprendre qu’il est à moitié dans le sirop et qu’il n’a pas envie de me fournir un rapport détaillé dans l’instant.
Sans doute a-t-il raison ?
Je vais mettre le joyau dans la poche supérieure de mon veston, sous ma pochette de soie, et me confie aux bras de Morphée. Repos bien mérité après un voyage de plusieurs heures et des coups de rapière répétés.
Mon endormissement s’opère moelleusement, comme lorsque tu pousses une pirogue à l’eau.
26
ET SI ON ALLAIT SE FAIRE FOUTRE ?
Rien de plus vivifiant qu’un coq !
Rien de plus chiant aussi quand, aux jeunes aurores, il attaque ses vocalises sur un tas de fumier ou la ridelle d’une charrette. Le Chantecler de service y va de la gorge plein pot, le sagouin ! En moins de jouge me voici plus réveillé qu’un soleil de 14 juillet ! Dans un sens, c’est préférable, compte tenu du ruban que j’ai à parcourir.
Salle de bains exquisement désuète dont les appareils ont traversé plusieurs générations sans encombre. Le bain purificateur que je m’octroie manque de quelques degrés ; il n’en est que plus stimulant. N’ayant pas de rasoir à dispose, je conserve ma barbe de veilleur de nuit et renfile mes hardes d’hier, bien décidé de filer directo à Saint-Cloud en arrivant.
Mon chien se lèche les roustons, puis mordille dans son pelage ras une puce campagnarde qui s’y est fourvoyée.
Avant de quitter l’hospitalière (ô combien !) demeure, je griffonne sur une page de mon agenda : Merci de tout ♥, ce fut sublime , et vais la glisser sous l’huis de Mme de la Liche.
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