Frédéric Dard - Béru et ces dames

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Béru et ces dames: краткое содержание, описание и аннотация

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A l'enterrement de mon onc' Prosper, à Saint-Locdu, mon village natable, yavait Sana. Pas très corrèque, y m'refile, au moment des gondoléances, un œuf frais dans la pogne. Bon, passons !
Y avait aussi ma cousine Laurentine, la plus foutue garce du canton. Voilà-t-il pas qu c'te vilaine haridelle glisse et tombe dans la fosse, surl'cercueil à m'n'onc ! Et quand Collignier, l'notaire — un sacré biberonneur, soit dit en passant — nous annonce que l'héritage de Tontonva reviendre à son animal de compagnie et qu'nous deux, la Laurentine et moi, on s'ra que les jus-de-fruitiers, alors là, la cousine, è s'dresse comme un fantôme sur une lande écossaise…
Mais c'est pas l'tout : l'animal dont auquel il est question, c'est pas un chien, ni même un gros matou. C'est un coq, Mongénéral qu'y s'suce nomme…
Sacré Tonton ! Dommage qu'y soye canné. Parce que, s'il avait su tout ce qui s'en aye suivi, y serait resté baba…
Comme moi…

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— Arrive, Gros, c’est pas le moment des fredaines.

Nous parvenons devant le numéro de la môme Hildegarde. Une porte basse, deux marches. Les rideaux de sa vitrine sont fermés. Je tourne le loquet et ça s’ouvre. Je débouche dans une pièce pas plus grande qu’une cuisine parisienne. Il y a un canapé face à la fenêtre-vitrine. Une forme est allongée dessus, tout habillée. Je reconnais le ciré noir, la chevelure blonde…

— Je m’excuse de vous réveiller, Fräulein…

Hildegarde sursaute et se dresse sur un coude. En me reconnaissant, son visage se convulse. Elle doit se croire en pleine hallucination. Une valise de cuir est posée sur le plancher. Elle a les traits tirés. Elle a dû conduire toute la nuit, car elle paraît épuisée. Et ce coup de stupeur pour finir ! Le revenant ! San-A. dressé hors de son sépulcre dans un impeccable pardingue en vigogne, une limace bleu pervenche et cravaté d’une régate rouge et bleu… San-A. présent ! San-A. vengeur ! San-A. implacable malgré son sourire. San-A. et son Béru excité.

— C’est vous ! ne peut-elle s’empêcher de murmurer.

— C’est moi, ne puis-je m’empêcher de lui répondre.

On se dévisage.

— Pas assez prompt, votre ciment, Hilde, en tout cas moins prompt que mon copain.

— Que me voulez-vous ?

Béru en glapit.

— C’est la meilleure ! Mademoiselle nous kidnappe, nous tue, nous cimente et elle demande qu’est-ce qu’on lui veut ! Ah, je te jure, faut venir à Hambourg pour entendre ça. En France, on n’oserait pas. C’est boche, cette question. Ces mecs, leur force est dans l’inconscience.

Je le calme.

— Hildegarde, nous avons appris l’essentiel de la bouche de votre amie Isabeau. Mais le gros point d’interrogation qui me reste à élucider concerne votre personne. Ce château plein d’éclopés, ça veut dire quoi ? C’est une couverture ? Vous êtes riche et vous tapinez dans la rue aux putains, par vice ?

Elle rit triste et fort.

— Personne ne pourra me comprendre, et surtout pas un Français, dit-elle.

— C’est ça, laisse-nous traiter de crêpes, s’indigne l’Avantageux.

— Ta gueule ! lui dis-je.

Je m’assieds sur le canapé près d’Hildegarde. Chose curieuse, je n’ai plus peur d’elle. Elle est pourtant dans son fief, mais il me semble que ses maléfices sont conjurés.

— Essayez tout de même de m’expliquer, Hilde…

— Mon enfance a été un cauchemar. La chute de l’Allemagne. Mon père traqué. Les polices de toutes les nationalités tuant ma mère à coups d’interrogatoires et de brimades. Ce complexe affreux…

— Malgré ce que vous pensez, il me semble que je saisis, lui dis-je.

Cette fille est folle. Folle à sa manière. Elle charrie depuis toujours un complexe affreux en effet. Un complexe de culpabilité, le pire de tous…

— Vous avez voulu réparer les crimes de votre père ?

Elle acquiesce.

— Il a fait violer d’honnêtes jeunes filles ; alors, pour réparer, vous vous êtes prostituée. Il a torturé des hommes, alors vous essayez d’en récupérer pour les soigner ?

— Si j’ai pris cette honteuse officine, c’est pour recruter ses victimes, soupire-t-elle. Ici, ne viennent que des hommes de condition modeste. De pauvres types. Des mutilés, des infirmes, des disgraciés. Il est arrivé qu’on en amène dans des petites voitures et qu’on les coltine jusqu’à moi pour que je leur donne un instant d’oubli. Je cherche ceux qui portent tatoué sur le flanc leur numéro de détenu. Quand il s’agit de gens qui furent déportés dans le camp dirigé par mon père, je m’arrange pour leur venir en aide.

La lassitude rend sa voix plus rauque que de coutume. Curieuse histoire, mes amis, que celle d’Hildegarde.

— Pourquoi alors avoir entrepris cette équipée sanglante pour aider le prince Kelbel ?

— J’avais une dette envers lui, commissaire. Il avait aidé mon père à un moment où le malheureux avait l’univers entièrement contre lui.

Je continue de comprendre. De bien comprendre… Car tout cela est clair, tout cela est infiniment triste.

— Vous aimiez votre père, malgré ses crimes ?

— Oui, et c’est pour honorer sa mémoire que j’ai entrepris de réparer…

Quel beau monstre, cette Hildegarde ! Trop et pas assez de cœur ! Un sentimentalisme excessif, ahurissant, démentiel, et la plus extraordinaire des implacabilités. Ange et démon. Le génie du mal et celui du bien. Doctoresse Jeckyl and Mrs. Hyde !

Elle quitte le canapé et va ouvrir un placard.

— Eh ! faites gaffe, tonne le Mastar en s’interposant. Pas de blagues, ma gosse, je suis là !

Elle lui coule un froid regard.

— Imbécile, fait-elle.

Curieux, mais le Gros, n’importe qui d’autre lui aurait balancé ça, il y allait de la grande torgnole. Il se contente de fulminer :

— Soyez polie !

Elle prend un flacon dans le placard. Un petit flacon bleu avec un bouchon de verre en forme de papillon. Je crois piger. Que dis-je, j’ai déjà pigé. Je n’interviens pas. Au contraire, comme Béru tend la main pour capter l’objet, je m’entends lui dire :

— Laisse, va !

Hildegarde boit, d’un coup. A la Erich von Stroheim. C’est raide, c’est déterminé. Elle lâche le flacon bleu qui n’en finit pas de rouler sur le plancher. Elle reste un moment droite, dodeline la tête et s’abat doucement sur le canapé.

Son beau et démoniaque visage est enfoui dans un coussin de velours jaune sur lequel est brodé un innocent petit chat.

Bérurier s’incline sur Hildegarde et lui tâte le dos à l’emplacement du cœur. Au bout d’un moment il se redresse.

— Toi, me dit-il, toi, je te comprendrai jamais !

JUSTE POUR DIRE D’ÉPILOGUER

Quelques jours plus tard, nous sommes tous réunis chez les Bérurier, afin d’« arroser ça ». Se trouvent rassemblés pour le galimafrage géant : M. et M meBéru, cousine Laurentine avec la tronche enturbannée, Odile, moi et Mongénéral.

Le coq est encore drôlement patraque, mais il reprend lentement de la plume de la bête. Il a la crête sur l’oreille, toujours à la chasseur alpin, et celle-ci, quoique blafarde, conserve quelque chose de crâne.

On ne le met plus dans sa cage. Il demeure en liberté dans le logement du Gros. Sa Majesté le couve d’un œil jaloux et veille personnellement à ce que ses remèdes reconstituants lui soient administrés. Laurentine, Berthy et le Mastar ne parlent plus que du claque de la rue Legendre. Ils ont décidé de l’exploiter en commun. Berthe et Laurentine superviseront M meFroufrou puisqu’en sa qualité de flic, mon ami ne saurait déployer une activité quelconque dans une maison de tolérance ; les bénéfices seront équitablement partagés.

On écluse quelques bouteilles de beaujolais avant de mettre le gigot à griller devant la cheminée. Berthe est sur la sellette, à cause de son bonhomme qui ne se lasse pas de lui faire raconter ses prouesses chez le prince. Non seulement il en a pris son parti, mais maintenant il se sent confusément flatté que son épouse ait été la favorite d’un authentique monarque.

— Berthe, assure le Gros complaisamment, je l’avais toujours dit que c’était un morceau de roi.

Son passage dans les alcôves princières du Seigneurial Palace, c’est comme qui dirait les Mille et Une Nuits béruriennes.

— Raconte ce qu’y te faisait faire, après la planche savonnée et le chalumeau en zigzag, chérie.

Alors, bonne pâte, elle raconte. Elle explique le martinet gaucho, le bicorne à jugulaire, la moule à lorgnons, la dune déboisée, le carnaval very nice , l’olifant de chichoune, la figue cramoisie, le bâtonnet à vaseline et le fromager à glissière.

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