Frédéric Dard - Lâche-le, il tiendra tout seul

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Lâche-le, il tiendra tout seul: краткое содержание, описание и аннотация

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« Dis-moi, Bicouillet, des livres d'horreur, t'en as lu des livres d'horreur ?
Oui ?
Et d'épouvante ?
Aussi ?
Ils t'ont plu ?
Pas toujours !
Parce qu'ils étaient écrits par des moudus, mon pote. Les auteurs te la jouaient surnaturelle : fantômes, vampires, hémoglobine !
A glagla, mon cul !
Ligote ce
et écoute la différence !
Si t'as pas froid aux noix, c'est parce que t'auras mis ton slip de vison !
N'en plus, y a la haine, ce vilain brasier de l'âme ; elle flambe haut, et moi qui me croyais incapable d'en éprouver !
Ben tu nous verrais en cavaliers de l'apocalypse, Jérémie, Béru et ma pomme !
De la folie furieuse !
Tu veux que je te dise, cette histoire ? J'aurais dû l'écrire au lance-flammes ! » San-Antonio

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— Tiens ! V'là l'aut' qu'est en train d'oublier sa pute ! ricane la Glorieuse.

— On est arrerivés just' pou' t' délivrer ! reprend ce Télémaque heureux d'avoir reconquis le royaume d'Ithaque. Mes potes voulaient pas qu' j' forçasse la lourde du camion ; mais moive, l'instincte m' poussait : la voie du sangue, quoi !

— Vous l'entendez ? questionne la Vachasse. Y joue Manon après m'avoir obligée à bouffer le cul de sa pétasse ricaine ; y a une pointe d'abus, non ?

— Maint'nant qu'elle est nase, on peut faire la trêve des confiseurs, propose notre Somptueux.

Sa grandeur d'âme ébranle l'Odontocète. Berthe accepte d'enterrer cette hache de guerre qui tentait de mettre bas l'arbre de leur amour.

Long baiser brûlant et baveur, applaudi par l'assistance.

Je pénètre dans le camion. Le compartiment aménagé derrière la place conducteur est une sorte de minuscule studio comportant une couchette et un gogue avec lavabo.

Visiblement, cette « cellule » aux parois capitonnées a été créée dans une intention très claire : séquestrer dans un premier temps les personnes kidnappées, puis, dans une seconde phase, les acheminer sur un lieu de détention plus durable, ou — qui sait ? — les assassiner.

Les conducteurs alertés par les exploits du Fracassant se retirent, l'impitoyable mouchard signalant la durée des arrêts ! Négriers, va !

Nous déponons les lourdes arrière du véhicule rouge. Il contient bien une cargaison de pâtes, comme annoncé sur ses flancs.

— Je me demande où est passé le chauffeur ? soupire Jérémie, très abattu.

— Il va revenir, prédis-je, sauf s'il a rappliqué pendant que les routiers faisaient cercle ! Auquel cas, il aura pris la tangente.

Brève réflexion, je décide :

— Béru et Berthe vont rentrer sur Paname, conduis-les jusqu'à la gare la plus proche, tandis que je resterai placardé dans le secteur. Tu viendras me rejoindre ensuite.

— J'irai mett' ma gazelle en lieu sûr chez Alfred, déclare notre Grenadier normand. L' temps d'y faire un' bonne manière d' conciliation a'v'c Alfred qu'est toujours prêt à porter queue forte et j' vous r'joigne !

Ils partent sur ces paroles de paix.

Je déniche un coinceteau arborisé, avec un chêne pour jouer à Saint Louis, et je laisse filer le temps à travers ma vie bouillonnante.

Tout à l'heure, la Grossasse narrant son rapt a déclaré que le « Monsieur » qui conduisait la voiture a interpellé son compagnon en le nommant Angelo .

Ce céleste prénom rital me rappelle quelque chose : dans le précédent volume, notre service d'anthropométrie a découvert que les assassins de la fille Grey s'appelaient Pierre Labbé et Angelo Angelardi. Nul doute que le coravisseur de la Vachasse soit l'Angelo de la clinique.

* * *

Peut-on appeler somnolence, l'immobilité physique et cérébrale du guetteur à l'affût d'un gibier (le mien est de potence) ?

Mon esprit étale continue de vigiler, mais sans phosphoration superflue. Le bruit de la route, sa houle grondante, m'aident à me maintenir en éveil. Je pense à ma mignonne Antoinette, à sa maman qui doit débarquer de Suède, l'âme fendue en deux dans le sens de la hauteur.

La haine continue de croître en moi. A m'en rendre fou ! Ma volonté de retrouver ma petite fille et Ramadé, puis d'écraser cette bande de cancrelats est si intense que je ne doute pas d'y parvenir.

Enfin, à travers la rumeur de l'endroit, la pétarade d'une mobylette retentit. Il en existe d'autres sur la nationale, mais mon sub' m'avertit que c'est celle-là « la bonne ».

O merveille de l'intuition triomphante !

Un type débouche sur sa péteuse entre les mastodontes à l'arrêt. La trentaine, les tifs rouquinants, avec un anus de bébé au milieu du menton. Il a une cicatrice sur l'arête du pif et le regard poreux.

Il stoppe son engin à l'arrière du camion, descend la béquille et se met à compisser les roues jumelées de son gigantesque bahut.

Comme il se la secoue (pauvres hommes que nous sommes d'avoir à nous égoutter la zigounette), je le rejoins à pas d'autant plus feutrés que j'ai laissé mes mocassins dans l'herbe, et appuie l'œil d'acier de mon ami Tu-Tues sur sa nuque bronzée.

— Remets ton morceau de tripe en place et ne cherche pas à t'émanciper, sinon je te fais exploser la gueule !

Il y a des intonations qui accréditent les menaces.

Lui, c'est un pro : il connaît toutes les nuances du grabuge. Il pige illico que son destin est mal barré.

— On va aller dans l'appartement des invités ! reprends-je. Pas la peine de chercher la clé : il est ouvert.

D'un coup de genou dans les meules, je lui intime d'avancer. Il remonte son autobus à petits pas, jusqu'à la porte donnant accès à la cellule où était retenue la Bérurière de mes burnes.

— Maintenant, entre !

Si je t'avouais que je ne reconnais plus ma voix. Celle de Frankeistein ressemble au chant du rossignol, comparée à elle. Bon, nous voici dans la place. J'actionne le commutateur. Le plafonnier répand une lumière mitigée, dans les jaune code.

— Retourne-toi ! Je sais qui tu es, dis-je, avant son obtempération : Pierre Labbé, un gredin classé 5 sur l'échelle du crime. C'est toi qui as scraffé la fille ricaine en compagnie d'une frangine et de ton pote Angelo, dont tu viens prendre le relais ici. »

A l'extérieur du camion, il a été pris de court. Un homme avec la queue à l'air perd ses moyens. Mais voilà-t-il pas qu'il se force à goguenarder, le malheureux.

— Tu ne devrais pas ricaner, fais-je en lui faisant éclater le genou droit !

Fou de douleur et de médusance, il s'abat sur la couche plus étroite que la porte de Gide et que son trou du cul.

— On débute à pas de loup, reprends-je, chaque chose en son temps. Si tu as pour deux ronds de psychologie, tu comprendras que tu as en face de toi un fauve enragé.

Et pour le lui prouver, je tire une nouvelle bastos dans sa seconde (et dernière) rotule.

— Tu vas droit à la chaise roulante ! assuré-je avec flegme.

Des gouttes de sueur grosses comme les diamants de la Couronne britouille dégoulinent sur sa vitrine convulsée.

— Il existe dans ta carcasse des tas de points non vitaux que mes balles vont explorer. Ici, par exemple !

Et je lui en sers une troisième dans la clavicule gauche.

— Si tu ne me révèles pas ce que je veux savoir, poursuis-je, je t'en mettrai encore une dans les roustons.

Je te passe sur les clichés inhérents à la situasse : pâleur de cire, gueule grande ouverte, regard révulsé, souffle haletant.

— Vois-tu, Pierrot, maintenant tu commences à te faire une idée précise de ce qu'est un homme dingue. Mais je ne te laisserai pas crever sans t'affranchir. Je suis San-Antonio, mon bijou, le papa de la fillette que ta bande franco-amerloque a enlevée. Tu vois bien qu'il faut vider ton sac avant que je vide mon chargeur dans ton ventre et ta tête !

19.

LE MALHEUR REND MÉCHANT

Un autre Sana me regarde tristement : ma conscience. Ce double hoche la tête au spectacle du forban que je viens de mutiler. Une voix s'élève sur fond de harpe : « Es-tu satisfait, misérable bonhomme, de répondre au mal par le mal ? »

« — Fais pas chier ! rétorqué-je. Il existe des moments où, tendre la joue gauche, est une foutaise. »

Venant opportunément faire diversion, un chant mélopesque retentit :

Dans ma Savane
Banane
Y a bon les nichons
A Dondon.

Délicieux hymne au soleil composé par le fameux chantre africain Tavumaqueu, prix Nobel d'Enculage à sec.

Aucun doute : Jéré est de retour. Il rôde, inquiet, autour du camion, se demandant où je me trouve car il a repéré la mobylette dehors.

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