Chapitre XXIII
Johnny Cannaghan est assis à son bureau. Son mâle visage porte les stigmates de la fatigue mais, toujours élégant, il a les traits tirés à quatre épingles.
Bérénice, sa secrétaire, se tient debout devant lui avec, sous le bras, une serviette-éponge bourrée de documents.
— Vous n’avez besoin de rien ? lui dit-elle.
— Non, merci.
— Très bien, je vous l’apporte tout de suite.
Et elle sort en fredonnant la dernière scie en vogue à Broadway : Si tu n’en veux pas, j’la remets dans mon blue-jeans, ça ne mange pas de biscottes .
Chapitre XVI
Deux heures plus tard.
Johnny Cannaghan pénètre à pas feutrés dans la villa « My good love snack », ce qui en français et en hébreu peut se traduire par Montre-moi ton lino je te ferai voir ma moquette …
Promenant dans l’ombre le faisceau lumineux de sa torche électrique, il découvre, tapie dans une encoignure, sa secrétaire Bérénice.
— Qu’est-ce que tu fous là ? dit-il.
— Je prépare mon trousseau.
— Personne dans la maison ?
— Si.
— Qui ?
— Vous et moi.
Chapitre 203
Johnny Cannaghan arpente nerveusement son bureau et ronge son frein à un tel degré qu’il a fallu à trois reprises en changer la garniture.
— Une fille qui vous demande, annonce Bérénice.
— Fais-la entrer !
La fille, c’est Judy, la maîtresse de Jack Leggins, un beau châssis avec des pare-chocs où il faut.
— Hello ! fait Johnny, qu’est-ce qui t’amène ?
— Un taxi.
— Je vois. Et alors ?
— Johnny, y a longtemps que je voulais te le dire, je t’ai dans les hormones !
— Non !
— Si, j’en ai marre de Jack Leggins et si tu veux l’avoir, je peux te dire où il est.
— C’est bon. On verra. Seulement, je te préviens, si jamais t’essaies de me doubler…
— Oh ! Johnny, tu me connais mal et il ne tient qu’à toi de me connaître davantage…
— Ça va, on en reparlera !
— Johnny, reprend-elle, tu ne veux pas que… Nous deux ?
— C’est pas le moment, dit-il, se dégageant.
— Oh, tu sais, fait-elle, vexée, c’est pas tellement pour la bagatelle, c’est plutôt histoire de prendre quelque chose avant de sortir.
Dans une pinède, en Californie.
Cannaghan, pour feinter Jack Leggins, a posté un peu partout des hommes à lui, camouflés les uns en nouveau-nés qui se portent mutuellement sur les bras, les autres en pins maritimes.
Un de ces derniers porte un bracelet-montre à une basse branche. Cannaghan s’en approche et dit :
— Vous êtes un vrai pin ou un faux pin ?
— Je suis un faux pin, répond le pin. Je suis l’inspecteur Eggs and Bacon qu’on a peint en pin, suivant vos instructions.
— En somme, constate Johnny, vous êtes un pin peint ?
— À vos ordres, fait le pin, en essuyant la résine qui coule de son front.
Chapitre 205
À Londres, dans Soho, le quartier des mauvais garçons de la capitale britannique.
Un brouillard d’une exceptionnelle densité enveloppe la ville d’un angoissant linceul. Pas un bruit ne trouble cette atmosphère de cauchemar dans laquelle tout s’estompe, se confond, se dilue visqueusement.
Tout à coup, à l’angle de Schpoutzmoutz Street et de Jibremol Gardens, un cri terrible retentit, lugubrement et mystérieusement étouffé.
Qui donc avait poussé ce cri ?
Qui ? Qui ? Qui ?
C’était un homme qui, trompé par la brume et n’y voyant strictement rien, venait de se moucher avec le nez d’un autre, en croyant que c’était le sien.
Chapitre 146
À proximité d’un pavillon isolé au milieu d’un pâté de maisons en croûte, Johnny Cannaghan est à l’affût dans un champ grégorien, derrière une baie steeple-chase.
Le silence est absolu, total, inquiétant. Puis, des chuchotements, des craquements, des pas furtifs. Cannaghan, alerté, les muscles tendus, se ramasse sur lui-même d’abord puis dans le caniveau, car un type vient de lui placer une droite capable de mettre à gauche tout ce qu’il avait devant lui.
Chapitre 11
Le même soir, dans la banlieue de Brooklyn, près d’un pont de chemin de fer qui enjambe le canal.
L’endroit, sinistre, est complètement désert. Deux policiers en uniforme font une ronde en se tenant par la main.
— Sale coin ! fait le premier.
— À qui le dites-vous, fait le second.
— Mais à vous, mon vieux, puisque il n’y a personne d’autre.
Soudain, un brutal coup de frein, le bruit d’une portière qu’on claque, une rafale de mitraillette, et un corps violemment projeté atterrit à leurs pieds.
— Oh, oh ! fait le premier, les macchabées volent bas ce soir.
— Oui, signe d’orage, fait le deuxième.
— Y a un papier épinglé sur la poitrine du type !
— Voyons. Oh ! Oh ! Quelque chose d’écrit…
— Quoi donc !
— Voyez vous-même : Zut pour celui qui le lira .
Écœurés, les deux hommes s’éloignent et s’enfoncent respectivement, l’un dans la nuit et l’autre un clou dans la fesse droite.
Voilà. Et maintenant, repos pour le suspense, vacances pour la bagarre, assez d’émotions fortes pour aujourd’hui et la suite à un de ces jours…
À l’inverse d’une idée reçue, le « Schmilblick » n’a pas été inventé par Coluche ou par Guy Lux. Au début des années cinquante, Pierre Dac, d’origine alsacienne, donne naissance à ce mot en même temps qu’à l’extraordinaire invention des frères Jules et Raphaël Fauderche…
« C’est dans la nuit du 21 novembre au 18 juillet de la même année que les frères Fauderche ont jeté les bases de cet extraordinaire appareil dont la conception révolutionnaire bouleverse de fond en comble toutes les lois communément admises tant dans le domaine de la physique thermonucléaire que dans celui de la gynécologie dans l’espace.
Voici les principales caractéristiques de cette géniale invention.
Le Schmilblick des frères Fauderche est rigoureusement intégral, en ce sens qu’il peut à la fois servir de Schmilblick d’intérieur, grâce à la taille réduite de ses gorgomoches, et de Schmilblick de campagne grâce à sa mostoblase et à ses deux glotosifres qui lui permettent d’urnapouiller les istioplocks même par les plus basses températures.
L’un des principaux éléments du Schmilblick est la papsouille à turole d’admission qui laisse passer un certain volume de laplaxmol, lequel, comme nul ne l’ignore, n’est autre qu’un combiné de smitmuphre à l’état pur et de roustimalabémol sulsiphoré. Le laplaxmol, après avoir été soumis à un courant polyfoisé de l’ordre de 2 000 spickmocks exactement — moins, ce ne serait pas assez, plus ce serait trop —, se transforme alors en troufinium filtrant, non pas à l’état métalbornique, ce qui serait non seulement ridicule, mais encore totalement inopérant, mais bel et bien à l’état guilmanuré, d’où formation de gildoplate de raboninite, élément neuromoteur et fondamental du Schmilblick.
La mise en marche du Schmilblick est, vous allez en juger, d’une déconcertante facilité puisqu’elle s’opère par simple rivaxion de la rabruche.
Automatiquement, le flugdug — le flugdug métranoclapsoïdique, naturellement, autrement, ça n’aurait aucun sens —, le flugdug, donc, entraîne, par le jeu de sa liquemouille et de ses trois spodules, le bournoufle du grand berdinière, qui faisant pression sur la rutole de sibergement libère la masse des zavaltarépodes, lesquels poussent le clampier dans la direction du viret d’alcalimon. Jusqu’à ces derniers temps, il y avait à ce stade un risque permanent de calcifrage par suite du passage du flagdazmuhl dans le calcif du propentaire de nortification.
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