Je pensais sincèrement n’avoir jamais à reprendre la plume pour protester contre de pareilles pratiques que j’étais en droit d’estimer définitivement révolues. La dernière croisade que j’entrepris dans cet ordre d’idées remonte à un an et demi environ ; j’écrivis à cette époque un virulent article intitulé : « Libérez les ballons captifs ». Tous les hommes de cœur, y compris ceux de trèfle et de carreau, m’encouragèrent dans cette campagne, car, comme moi, ils avaient compris la honte qui rougissait le front de la société responsable du maintien dans un honteux servage de malheureux ballons auxquels il manquait la parole pour se défendre et faire prévaloir leurs droits à l’égalité de traitement avec les autres ballons.
Satisfaction me fut donnée ; il n’y a plus de ballons captifs ; seules subsistent des saucisses reliées au sol par des cordes. Mais il y a aussi loin d’une saucisse ficelée à un ballon captif que d’un harmonium à un chapeau Cronstadt.
Et voilà que ça continue ! Et voilà qu’il me faut repartir en guerre contre d’abominables abus ! Car, citoyens, il y a encore des taxis qui ne sont pas libres ! En pleine démocratie ! En plein épanouissement de la civilisation !
C’est comme j’ai la douleur de vous le dire ; je me suis livré à une enquête très serrée ; à diverses reprises, j’ai hélé un taxi, et non pas une fois, mais dix, le chauffeur m’a répondu en baissant la tête et son drapeau : « Pas libre. » Le malheureux, en proférant ces mots, semblait accablé par le poids d’un immense chagrin et ses yeux me faisaient comprendre à mi-voix l’injuste arbitraire d’une pareille situation.
Eh bien ! non, ça ne continuera pas ! Il faut que ce scandale cesse ! Qu’au temps du Moyen Age il y ait eu des taxis pas libres, ça s’explique ; mais pas maintenant. Il faut que les Chambres se réunissent au plus tôt en séance publiquement secrète ou secrètement publique, à leur choix ; il faut qu’elles votent de toute urgence une loi accordant la liberté totale, pleine et entière, aux taxis. Nous voulons, nous exigeons que cette réforme soit effectuée dans les quarante-huit heures ; nous voulons que, lorsque nous appellerons un taxi et que nous demanderons au chauffeur : « Êtes-vous libre ? » celui-ci puisse nous répondre fièrement : « Oui, je le suis ! »
Et ce « oui, je le suis » sonnera comme une clameur de triomphe et comme une revanche inéluctable sur un passé périmé qui ne doit plus renaître.
Alors, quand à nos oreilles ne résonnera plus ce lamentable « pas libre », quand les drapeaux des taxis flotteront audacieusement au vent et que les compteurs ne compteront plus que sur eux-mêmes, alors, mais alors seulement, nous pourrons être fiers d’être les fils d’une démocratie qui, à ce moment, pourra hautement se vanter d’être la belle-sœur par alliance de la République et de son indéfectible destin.
Libérez les taxis ! À bas l’esclavage !
Tout le monde doivent être égaux !
GRANDEUR ET DÉCADENCE DU SALSIFIS FRIT
Sic transit ! Ainsi va la vie ! À quoi tient la gloire ? À peu de chose, et le philosophe a raison qui dit : « Quand les cent bouches de la renommée se taisent, ça fait plus de bruit que lorsqu’elles parlent ! » Fragilité des choses d’ici-bas ! Enfin, rien ne sert d’épiloguer à perte de temps, mais il est cependant difficile de demeurer insensible devant l’étrange destinée du salsifis frit. J’entends d’ici, aussi bien que si je n’y étais pas, de graves personnages s’écrier : « Est-ce bien le moment de s’occuper de pareilles billevesées ? » Notre souci d’impartialité et d’objectivité constitue à lui seul la meilleure réponse aux insinuations malveillantes ; si, aujourd’hui, j’ai cru bon de m’occuper du salsifis frit, c’est que je sais les répercussions qu’il peut avoir sur notre économie générale.
Gambetta lui-même, qui n’était certes pas homme à jouer à la marelle au sein de l’Assemblée nationale, n’a-t-il pas écrit : « Quand le salsifis frit décroît, le peuple s’effrite « ?
Je viens de passer quelques nuits à relire attentivement l’histoire du salsifis frit ; je conseille à tous mes concitoyens d’en faire autant, car elle est particulièrement édifiante. Les faits sont là, probants, irréfutables, et la conclusion qui s’en dégage est la suivante : « Un gouvernement qui n’a pas de politique du salsifis frit n’a aucun espoir d’arriver à ses fins. »
Chez les Phéniciens, le salsifis frit était révéré au même titre que le bœuf Apis chez les antipodistes. Au Mexique, récemment encore, c’est lui qui remplaçait le gui porte-bonheur à l’époque des grandes marées de demi-saison, et bien rares sont ceux qui n’ont point conservé dans un repli de leur mémoire le souvenir de la charmante « Ballade du salsifis frit » de Paul Pons et Raoul le Boucher ; les premières strophes chantent encore à mes oreilles ; je ne puis me retenir de les citer :
Ô salsifis !
Salsifis frit
Honneur à qui
Même sale s’y fie
Frit !
Quelle tendresse, quelle poésie bucolique en ces quelques vers emplis d’une émotion contenue ! Hélas ! le salsifis frit ne jouit plus de la grande faveur du public ; les jeunes générations, si elles ne l’ignorent pas encore complètement, ont une fâcheuse propension à s’en désintéresser.
Aussi je pense que ce n’est qu’accomplir petitement mon devoir que d’attirer l’attention de nos gouvernants sur cette grave question pendant qu’il en est temps encore. Nous ne demandons pas, évidemment, la création d’un ministère du Salsifis frit ; ce n’est certes pas le moment pour l’État de se mettre de nouveaux frais sur les reins ; mais, dans un pur esprit de désintéressement, animés seulement par l’amour du bien public, mes camarades et moi nous nous déclarons tous prêts à nous occuper bénévolement de l’institution d’un Office du salsifis, moyennant simplement un honnête émargement budgétaire dont nous fixerons le taux d’un commun accord et suivant les circonstances.
Il nous faut une politique du salsifis frit ; les États totalitaires n’en ont pas : c’est ce qui causera leur perte ; profitons-en ; qu’on nous fasse confiance ; notre plan est à pied d’œuvre et nos responsabilités prêtes à être assumées ; nous n’attendons qu’un signe de « ces messieurs » pour entrer en action. Qu’il ne tarde pas trop, sans quoi, dépassés par les événements, nous ne pourrons que déplorer les conséquences indépendantes de notre volonté, dont le résultat sera la faillite de l’esprit démocratique et l’asservissement latéral de la liberté dirigée.
Au début des années cinquante, le roman policier américain envahit la France. Le succès des premières « Série Noire », une collection créée par Marcel Duhamel, donne l’idée à Pierre Dac d’écrire à son tour, un « polar » particulièrement haut en couleur…
Quelques extraits du dernier roman policier inédit du célèbre écrivain anglo-saxon, JAMES DANIEL HO HOM HASS GUESCHI :
PASSE LA POGNE MINIATURE
Traduit de l’américain et en correctionnelle par Slalom Jérémie Menerlache.
Prologue
Johnny Cannaghan, le célèbre détective privé reçoit un jour un étrange coup de téléphone d’un mystérieux inconnu qui lui donne rendez-vous dans la pièce à côté.
Méfiant, Cannaghan laisse tomber et, se faisant passer pour son propre beau-frère, il entre en rapport avec un nommé Dick Slogan, dont la sœur Judy est la maîtresse de Jack Leggins, le chef du gang des tractions à turbine de sinistre réputation. C’est à ce moment qu’intervient un certain Pedro y Gomez y Rodriguez y Gonzalès y Ramirez y Tirlachassdeau, entrepreneur de raz de marée au service d’une puissance étrangère dont la fille Dolorès entre au couvent par une porte et sort par l’autre.
Читать дальше