Mathias Enard - Boussole

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Le point de vue des éditeurs
La nuit descend sur Vienne et sur l’appartement où Franz Ritter, musicologue épris d’Orient, cherche en vain le sommeil, dérivant entre songes et souvenirs, mélancolie et fièvre, revisitant sa vie, ses emballements, ses rencontres et ses nombreux séjours loin de l’Autriche — Istanbul, Alep, Damas, Palmyre, Téhéran… —, mais aussi questionnant son amour impossible avec l’idéale et insaisissable Sarah, spécialiste de l’attraction fatale de ce Grand Est sur les aventuriers, les savants, les artistes, les voyageurs occidentaux.
Ainsi se déploie un monde d’explorateurs des arts et de leur histoire, orientalistes modernes animés d’un désir pur de mélanges et de découvertes que l’actualité contemporaine vient gifler. Et le tragique écho de ce fiévreux élan brisé résonne dans l’âme blessée des personnages comme il traverse le livre.
Roman nocturne, enveloppant et musical, tout en érudition généreuse et humour doux-amer,
est un voyage et une déclaration d’admiration, une quête de l’autre en soi et une main tendue — comme un pont jeté entre l’Occident et l’Orient, entre hier et demain, bâti sur l’inventaire amoureux de siècles de fascination, d’influences et de traces sensibles et tenaces, pour tenter d’apaiser les feux du présent.
Mathias Enard est notamment l’auteur de
(2008), de
(2010) et de
(2012), tous parus chez Actes Sud.
est son sixième roman.

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Le personnage de Gobineau avait quelque chose de touchant — c’était un poète atroce et un romancier sans grand génie ; seuls ses récits de voyage et les nouvelles qu’il tira de ses souvenirs semblaient présenter un réel intérêt. Il était aussi sculpteur, et avait même exposé quelques bustes, dont une Valkyrie , une Sonata appassionata et une Reine Mab (Wagner, Beethoven, Berlioz : le bonhomme avait du goût), des marbres plutôt expressifs, d’une belle finesse, d’après les critiques. Il avait été assez fameux, dans les cercles du pouvoir ; il avait rencontré Napoléon III, sa femme et ses ministres ; il eut toute une carrière de diplomate, en poste en Allemagne, puis deux fois en Perse, en Grèce, au Brésil, en Suède et en Norvège ; il fréquenta Tocqueville, Renan, Liszt et de nombreux orientalistes de son temps, August Friedrich Pott le sanskritiste allemand ou Jules Mohl l’iranisant français, premier traducteur du Shah Namé . Julius Euting lui-même, grand savant oriental de la Strasbourg allemande, racheta entièrement et pour le compte du Reich l’ensemble de l’héritage Gobineau après sa mort : les sculptures, les manuscrits, les lettres, les tapis, tout ce qu’un orientaliste laisse derrière lui comme breloques : le hasard et la Première Guerre mondiale ont fait que cette collection est redevenue française en 1918 — il est étrange de penser que les millions de morts de cette guerre idiote n’avaient pour objectif, en dernière instance, que de priver l’Autriche des plages adriatiques et de récupérer les vieilleries de la succession Gobineau, bogartées par les Teutons. Malheureusement, tous ces gens sont morts pour rien : il y a des millions d’Autrichiens en vacances en Istrie et en Vénétie, et l’université de Strasbourg a renoncé depuis longtemps, dans son petit musée, à exposer les reliques de Gobineau, victime du racisme théorique de son siècle, qui brûlent les mains des conservateurs successifs de l’endroit.

Le comte de Gobineau avait la démocratie en horreur — “Je hais mortellement le pouvoir populaire”, disait-il. Il savait être d’une grande violence ironique envers la bêtise supposée des temps, celle d’un monde peuplé d’insectes, armés d’instruments de ruine, “attachés à jeter à terre ce que j’ai respecté, ce que j’ai aimé ; un monde qui brûle les villes, abat les cathédrales, ne veut plus de livres, ni de musique, ni de tableaux et substitue à tout la pomme de terre, le bœuf saignant et le vin bleu”, écrit-il dans son roman Les Pléiades , qui s’ouvre par cette longue diatribe contre les imbéciles qui n’est pas sans rappeler les discours des intellectuels d’extrême droite d’aujourd’hui. Le fondement des théories racistes de Gobineau était la déploration : le sentiment de la longue décadence de l’Occident, le ressentiment envers le vulgaire. Où est l’empire de Darius, où est la grandeur de Rome ? Mais contrairement à ses disciples postérieurs, il ne voyait pas dans “l’élément juif” le responsable de la déchéance de la race aryenne. Pour lui (et c’est évidemment un élément qui ne devait pas être du goût de Wagner ou de Chamberlain), le meilleur exemple de la pureté de la race aryenne est la noblesse française, ce qui est plutôt comique. Cette œuvre de jeunesse, Essai sur l’inégalité des races humaines , doit autant aux approximations linguistiques qu’aux balbutiements des sciences humaines — mais Gobineau verra, en Perse, au cours de ses deux missions comme représentant de la France impériale, la réalité de l’Iran ; il sera convaincu, en découvrant Persépolis ou Ispahan, d’avoir vu juste quant à la grandeur des Aryens. Le récit de son séjour est brillant, souvent drôle, jamais raciste au sens moderne du terme, du moins en ce qui concerne les Iraniens. Sarah nous lisait des passages qui faisaient rire même Faugier l’angoissé. Je me rappelle cette phrase : “J’avoue que, parmi les périls qui attendent un voyageur en Asie, je mets au premier rang, sans nulle contestation, et sans me soucier des prétentions blessées des tigres, des serpents et des maraudeurs, les dîners britanniques qu’on est obligé de subir.” Sentence absolument réjouissante. Gobineau en rajoutait, sur les mets “proprement sataniques” servis par les Anglais et chez qui, dit-il, on sort de table malade ou affamé, “martyrisé ou mort de faim”. Ses impressions d’Asie allient les descriptions les plus savantes aux considérations les plus comiques.

Cette tisane a un goût acidulé de bonbon, artificiel, un goût anglais, aurait dit Gobineau. Loin des fleurs d’Égypte ou d’Iran. Il va falloir que je révise mon jugement sur l’ Octuor de Mendelssohn, c’est encore plus intéressant que je ne l’imaginais. Ö1 Klassiknacht , ma vie est tout de même assez sinistre, je pourrais être en train de lire au lieu de ressasser de vieux souvenirs iraniens en écoutant la radio. Le fou du musée Abguineh. Dieu que Téhéran était triste. Le deuil éternel, la grisaille, la pollution. Téhéran ou la peine capitale. Cette tristesse était renforcée, encadrée, par la moindre lumière ; les fêtes abracadabrantes de la jeunesse dorée du nord de la ville, si elles nous distrayaient sur le moment, me précipitaient ensuite, par leur contraste éclatant avec la mort de l’espace public, dans un spleen profond. Ces jeunes femmes magnifiques qui dansaient, dans des tenues et des poses très érotiques, en buvant des bières turques ou de la vodka, sur de la musique interdite en provenance de Los Angeles remettaient ensuite leurs foulards et leurs manteaux et se perdaient dans la foule de la bienséance islamique. Cette différence si iranienne entre le biroun et l’ andaroun , l’intérieur et l’extérieur de la maison, le privé et le public, que remarque déjà Gobineau, était poussée à l’extrême par la République islamique. On entrait dans un appartement ou une villa du nord de Téhéran et on se retrouvait soudain au milieu d’une jeunesse en maillot de bain qui s’amusait, un verre à la main, autour d’une piscine, parlait parfaitement anglais, français ou allemand et oubliait, dans l’alcool de contrebande et le divertissement, le gris du dehors, l’absence de futur au sein de la société iranienne. Il y avait quelque chose de désespéré dans ces soirées ; un désespoir dont on sentait qu’il pouvait se transformer, pour les plus courageux ou les moins nantis, en cette énergie violente propre aux révolutionnaires. Les descentes de la milice des mœurs étaient, selon les périodes et les gouvernements, plus ou moins fréquentes ; on entendait des bruits, selon lesquels un tel aurait été arrêté, un tel passé à tabac, une telle humiliée par un examen gynécologique pour prouver qu’elle n’avait pas eu de relations sexuelles hors mariage. Ces récits, qui me rappelaient toujours l’atroce examen proctologique subi par Verlaine en Belgique après son algarade avec Rimbaud, faisaient partie du quotidien de la ville. Les intellectuels et les universitaires, pour beaucoup, n’avaient plus l’énergie de la jeunesse, ils se divisaient en plusieurs catégories : ceux qui avaient réussi, bon an, mal an, à se construire une existence plus ou moins confortable “en marge” de la vie publique ; ceux qui redoublaient d’hypocrisie pour profiter le plus possible des prébendes du régime et ceux qui, nombreux, souffraient d’une dépression chronique, d’une tristesse sauvage qu’ils soignaient plus ou moins bien en se réfugiant dans l’érudition, dans les voyages imaginaires ou les paradis artificiels. Je me demande ce que devient Parviz — le grand poète à barbe blanche ne m’a pas donné de ses nouvelles depuis des lustres, je pourrais lui écrire, il y a si longtemps que je ne l’ai pas fait. Quel prétexte trouver ? Je pourrais traduire en allemand un de ses poèmes, mais c’est une expérience terrifiante de traduire d’une langue qu’on ne connaît pas vraiment, on a l’impression de nager dans le noir — un lac calme ressemble à une mer démontée, un bassin d’agrément à une rivière profonde. À Téhéran c’était plus simple, il était là et pouvait m’expliquer, presque mot à mot, le sens de ses textes. Peut-être n’est-il même plus à Téhéran. Peut-être vit-il en Europe ou aux États-Unis. Mais j’en doute. La tristesse de Parviz (comme celle de Sadegh Hedayat) venait justement du double échec de ses brèves tentatives d’exil, en France et en Hollande : l’Iran lui manquait ; il était rentré au bout de deux mois. Évidemment, de retour à Téhéran, il avait suffi de quelques minutes pour qu’il déteste de nouveau ses concitoyens. Chez les femmes de la police des frontières en marnaé qui prennent votre passeport à l’aéroport de Mehrâbad, racontait-il, on ne reconnaît ni le bourreau, ni la victime ; elles portent la cagoule noire de l’exécuteur médiéval ; elles ne vous sourient pas ; elles sont flanquées de soudards en parka kaki armés de fusils d’assaut G3 made in the Islamic Republic of Iran , dont on ne sait s’ils sont là pour les protéger des étrangers qui débarquent de ces avions impurs ou les fusiller au cas où elles leur manifesteraient trop de sympathie. On ignore toujours (et Parviz soufflait cela avec une résignation ironique, un mélange tout à fait iranien de tristesse et d’humour) si les femmes de la Révolution iranienne sont les maîtresses ou les otages du pouvoir. Les fonctionnaires en tchador de la Fondation des déshérités sont parmi les femmes les plus riches et les plus puissantes d’Iran. Les fantômes sont mon pays, disait-il, ces ombres, ces corneilles du peuple auxquelles on attache solidement leur voile noir quand on les exécute par pendaison, pour éviter une indécence, parce que l’indécence ici n’est pas la mort, qui est partout, mais l’oiseau, l’envol, la couleur, surtout la couleur de la chair des femmes, si blanche, si blanche — elle ne voit jamais le soleil et risquerait d’aveugler les martyrs par sa pureté. Chez nous, les bourreaux en capuche noire de deuil sont aussi les victimes que l’on pend à loisir pour les punir de leur irréductible beauté, et on pend, et on pend, et on fouette, on bastonne à plaisir ce que l’on aime et trouve beau, et la beauté elle-même prend le fouet, à son tour la corde, la hache et accouche du coquelicot des martyrs, fleur sans parfum, pure couleur, pur hasard du talus, rouge, rouge, rouge — tout maquillage est interdit à nos fleurs du martyre, car elles sont la douleur même et meurent nues, elles, elles ont le droit de mourir rouges sans être revêtues de noir, les fleurs du martyre. Les lèvres sont toujours trop rouges pour l’État qui y voit une concurrence indécente — seuls les saints et les martyrs peuvent souffler la douceur rouge de leur sang sur l’Iran, cela est interdit aux femmes qui doivent par décence teinter leurs lèvres de noir, de noir, et faire preuve de discrétion quand nous les étranglons, regardez ! Regardez ! Nos jolis morts n’ont rien à envier à personne, ils se balancent noblement au haut des grues, décemment exécutés, ne venez pas nous reprocher notre manque de technologie, nous sommes un peuple de beauté. Nos chrétiens, par exemple, sont magnifiques. Ils célèbrent la mort sur la Croix et se souviennent de leurs martyrs tout comme nous. Nos zoroastriens sont magnifiques. Ils portent des masques de cuir où le feu reflète la grandeur de l’Iran, ils donnent leurs corps à pourrir et nourrissent les oiseaux de leur chair morte. Nos bouchers sont magnifiques. Ils égorgent les bêtes avec le plus grand respect comme au temps des prophètes et de la lumière de Dieu. Nous sommes grands comme Darius, plus grands, Anoushirvan, plus grands, Cyrus, plus grands, les prophètes ont prêché la ferveur révolutionnaire et la guerre, à la guerre nous avons respiré dans le sang comme dans les gaz de combat.

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