Marc Levy - Vous revoir

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Si l’amour vit d’espoir il périt avec lui ! Bonne nuit, Don Rodrigue !

Et il sortit de la chambre d’Arthur.

*

Paul cherchait les clés de sa voiture au fond de sa poche, il ne trouva que son téléphone portable. Une petite enveloppe clignotait sur le cadran. Le message d’Onega disait : « À tout à l’heure, fais vite ! » Paul regarda le ciel et poussa un cri de joie.

— Qu’est-ce qui vous rend si heureux ? demanda Lauren qui attendait un taxi.

— J’ai prêté ma voiture ! répondit Paul.

— Qu’est-ce que vous prenez comme céréales au petit déjeuner ? dit-elle en le rejoignant dans son sourire.

Un break de la Yellow Cab Company s’arrêta devant eux, Lauren ouvrit la portière et fit signe à Paul de grimper.

— Je vous dépose !

Paul s’installa à côté d’elle.

— Green Street ! dit-il au chauffeur.

— Vous habitez cette rue ? demanda Lauren.

— Moi non, mais vous oui !

Lauren le regarda, interloquée. Paul avait l’air songeur, il chuchota d’une voix à peine audible « Il va me tuer, si je fais ça, il va me tuer ! »

— Si vous faites quoi ? reprit Lauren.

— Mettez d’abord votre ceinture, conseilla Paul.

Elle le dévisageait, de plus en plus intriguée. Paul hésita quelques secondes, il prit une grande inspiration et s’approcha d’elle.

— Tout d’abord une précision ; la folle furieuse dans la chambre d’Arthur avec sa gerbe de fleurs immondes, c’était une de ses ex, une ex qui date de la préhistoire, bref, une erreur !

— Et ensuite ?

— Je ne peux pas, il va vraiment m’assassiner si je continue.

— Il est dangereux à ce point-là, votre copain ? s’inquiéta le chauffeur de taxi.

— De quoi je me mêle ? Arthur sauve même les insectes ! rétorqua Paul d’un ton agacé.

— Il fait vraiment ça ? demanda Lauren.

— Il est convaincu que sa mère s’est réincarnée en mouche !

— Ah ! dit Lauren en regardant au loin.

— C’est complètement idiot de vous avoir dit ça, vous allez vraiment le trouver bizarre, n’est-ce pas ? poursuivit Paul d’une voix inquiète.

— Cela dit, interrompit le chauffeur de taxi, la semaine dernière, j’emmenais mes enfants au zoo et mon fils m’a fait remarquer qu’un hippopotame ressemblait trait pour trait à sa grand-mère, je vais peut-être y retourner pour voir !

Paul le fustigea d’un regard dans le rétroviseur.

— Bon et puis tant pis, je me lance, dit-il en prenant la main de Lauren… dans l’ambulance qui nous ramenait du San Pedro, vous m’avez demandé si l’un de mes proches avait été dans le coma, vous vous souvenez ?

— Oui, très bien.

— Eh bien à cet instant précis, cette personne est assise à côté de moi ! Il est temps que je vous raconte deux ou trois choses.

La voiture abandonna le San Francisco Memorial Hospital et remonta vers Pacific Heights. Le destin a parfois besoin d’un tout petit coup de pouce, aujourd’hui, l’amitié consistait à lui tendre la main.

Paul expliqua à Lauren comment, par une nuit d’été, il s’était déguisé en infirmier et Arthur en médecin pour enlever à bord d’une vieille ambulance le corps d’une jeune femme dans le coma qu’on voulait débrancher des appareils qui la maintenaient en vie.

Les rues de la ville défilaient derrière la vitre. De temps à autre, le chauffeur lançait un regard perplexe dans son rétroviseur. Lauren écouta le récit, sans jamais l’interrompre. Paul n’avait pas vraiment trahi le secret de son ami. Si Lauren connaissait désormais l’identité de l’homme qui la veillait à son réveil, elle ignorait toujours tout de ce qu’elle avait vécu avec lui quand elle était dans le coma.

— Arrêtez-vous ! supplia Lauren d’une voix tremblante.

— Maintenant ? demanda le chauffeur.

— Je ne me sens pas bien.

La voiture fit une embardée avant de se ranger sur le bas-côté dans un strident crissement de pneus. Lauren ouvrit la portière et claudiqua vers un carré de pelouse qui bordait le trottoir.

Elle se courba en deux pour mieux résister à la nausée qui montait. Son visage était assailli de picotements, une sensation de chaleur l’envahissait, pourtant elle frissonnait. Elle eut un haut-le-cœur, elle n’arrivait plus à respirer. Ses paupières étaient lourdes, les sons qui lui parvenaient, feutrés. Ses jambes se dérobaient, elle vacilla, le chauffeur et Paul qui se précipitaient eurent à peine le temps de la retenir. Elle tomba à genoux sur l’herbe et prit sa tête dans ses mains, juste avant de perdre conscience.

— Il faut appeler les secours ! dit Paul, paniqué.

— Laissez-moi m’en occuper, j’ai un brevet de secouriste, je vais lui faire du bouche-à-bouche ! reprit le chauffeur d’un ton assuré.

— On va être très clair ! Si tu approches tes lèvres adipeuses de cette jeune femme, je t’assomme !

— Je disais ça pour aider, répondit le chauffeur d’un air renfrogné.

Paul s’agenouilla près de Lauren et tapota ses joues doucement.

— Mademoiselle ? susurrait Paul d’une voix douce.

— Ah ben ! Comme ça, elle ne risque pas de se réveiller ! râla le chauffeur.

— Toi, tu vas aller faire du bouche-à-bouche à ta grand-mère hippopotame et tu m’oublies !

Paul posa ses mains sur le menton et appuya de toutes ses forces sur la jonction des mandibules de Lauren.

— Mais qu’est-ce que vous faites ? Vous allez lui déboîter la mâchoire !

— Je sais parfaitement ce que je fais ! hurla Paul. Je suis chirurgien intérimaire !

Lauren ouvrit les yeux et Paul toisa le chauffeur d’un regard plus que satisfait.

Les deux hommes l’aidèrent à remonter à bord. Elle avait retrouvé des couleurs. Elle ouvrit sa vitre et aspira une grande bouffée d’oxygène.

— Je suis désolée, ça va mieux maintenant.

— Je n’aurais pas dû vous raconter tout ça, n’est-ce pas ? poursuivit Paul d’une voix fébrile.

— Si vous avez d’autres choses à me raconter, au point où nous en sommes… allez-y, c’est le moment !

— Je crois que j’ai fait le tour.

Quand le taxi entra dans Green Street, Lauren le questionnait sur les motivations d’Arthur. Pourquoi avait-il pris tous ces risques ?

— Ce secret-là, je ne peux pas le trahir ! Je me demande s’il va me noyer ou m’immoler par le feu quand il saura que je vous ai parlé… vous ne voulez pas que j’achète aussi l’urne pour recueillir mes cendres !

— Moi je pense que c’est parce qu’il avait le béguin pour vous, affirma le chauffeur que la conversation passionnait de plus en plus.

La voiture se rangea devant l’immeuble de Lauren, et le chauffeur se retourna vers ses clients.

— Si vous voulez, on peut refaire un tour de pâté de maisons, je coupe le compteur. On continue un peu, juste au cas où vous auriez d’autres trucs à vous raconter !

Lauren se pencha au-dessus de Paul pour ouvrir sa portière, il la regarda, étonné.

— C’est vous qui vivez là, pas moi.

— Je sais, dit-elle, mais c’est vous qui descendez, j’ai changé de destination.

— Où allez-vous ? questionna Paul, inquiet, en sortant du taxi.

La vitre se referma et le taxi disparut dans Green Street.

— Et moi, je peux savoir où nous allons ? interrogea le chauffeur.

— D’où nous venons, répondit Lauren.

*

Miss Morrison avait caché Pablo dans son sac en traversant le hall de l’hôpital. Le petit chien s’était installé sur les genoux d’Arthur. Sur l’écran du téléviseur accroché au mur, Scarlett O’Hara descendait les marches d’un grand escalier et sur le lit Pablo remuait la queue. Dès que Rhett Butler entra dans la maison et s’approcha de Miss Scarlett, le petit chien se dressa sur ses pattes arrière et se mit à grogner.

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