Tatiana Rosnay - Moka

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Le plus dur, c'était de tenir. Tenir. Calquer le quotidien sur l'horreur qui nous arrivait. Et puis le réveil. Le moment où on ouvrait les yeux, on ne se souvenait de rien, on se sentait léger, du moins le croyait-on. Puis tout revenait. Le poids qui s'installait, qui étouffait. On se souvenait qu'on avait un fils dans le coma, à l'hôpital. Et qu'il fallait se lever, et continuer. Vivre sa vie, malgré tout. Tenir pour la petite. Tenir pour soi. Tenir. Aller au Franprix, errer dans les rayons, poussant son Caddie. La radio qui passait des vieux airs de Mylène Farmer. Les clients qui chantaient malgré eux « Je suis libertine, je suis une catin ». Ne pas regarder les céréales et les pains au chocolat qu'il fallait stocker en masse pour Malcolm. Ne pas les voir. Passer devant. Avoir envie de les acheter quand même. Tenir. Répondre au gentil monsieur du magasin de journaux, qui n'était pas au courant, que Malcolm allait bien. Pleurer sur le chemin du retour. Dans l'ascenseur, essuyer ses larmes. Tenir.

Parce que je devais me dépenser, d'une façon ou d'une autre, brûler ce désespoir qui me rongeait, j'allais nager dans la piscine municipale qui sentait le chlore et les pieds, je faisais des longueurs, une longueur après l'autre, crawl, brasse coulée, dos crawlé, un ersatz de papillon, des longueurs à en perdre haleine. Jamais je n'avais nagé avec une telle férocité, une telle détermination, mes mains aux doigts collés fendaient l'eau avec une puissance nouvelle, j'avançais encore et encore, une longueur après l'autre, et encore une autre, mes bras et mes jambes battaient l'eau, luttaient contre elle, et je sortais de là exsangue, la peau fripée, les yeux rougis malgré mes lunettes spéciales, et le corps élastique, léger. Léger, avant que le poids se réinstalle et prenne possession de moi.

Une autre façon de tenir, c'était de me jeter dans le travail. J'avais accepté la traduction du livre américain. C'était sûrement une erreur, mais au point où j'en étais, je n'avais pas le choix. Le livre était dense, riche. J'allais mettre des mois à le traduire. Je n'avais jamais traduit un texte où il était question d'actes sexuels explicites. Cela ne me faisait pas peur. J'avais besoin de mettre la barre très haut. J'avais besoin de plonger dans la difficulté. De ne plus y voir clair. De m'enfoncer dans quelque chose d'obscur, d'interminable. La première scène érotique ne m'a pas impressionnée. Ce n'étaient que des mots, après tout. Et mon travail, c'était les mots. Mais je n'ai pas pu m'empêcher de sourire, à cause de ces mots-là. Ils n'avaient rien à voir avec les mots que je traduisais d'habitude. Ils étaient les mots qu'on ne disait pas. Les mots qu'on ne prononçait pas. Pourtant ils étaient là, noir sur blanc, sur l'écran de mon ordinateur. Cock. Fuck. Dick. Ass-hole. Cunt. Pussy. Twat. Blow-job. Me paraissaient-ils moins obscènes en anglais ? Moins forts, moins puissants, car ils n'étaient pas dans ma langue maternelle ? Ils ne me faisaient pas rougir, devant mon clavier. Ce qui me faisait rougir, c'étaient ces hommes croisés rue de la G., à dix heures du matin, qui sortaient pressés des sex-shops aux rideaux pailletés (devantures qui fascinaient Georgia : « Mais maman, c'est quoi ces magasins avec les jolis rideaux où il n'y a que des messieurs ? »). Des hommes comme Andrew, comme mon frère ou mon père, des hommes aux yeux furtifs, honteux, l'attaché-case à la main, et qui n'osaient pas soutenir mon regard. Je les imaginais dans leur petite cabine poisseuse, visionnant ces films aux couleurs criardes, le Kleenex à la main, un quart d'heure de plaisir solitaire avant d'aller travailler ou de retrouver leur vie, leur femme. Bizarrement, c'étaient ces hommes-là qui me faisaient rougir, c'était leur gêne, leur malaise, leur façon de s'éloigner rapidement, tête basse. Leur honte me faisait rougir.

Mes journées se découpaient entre l'hôpital, chaque matin, puis le retour à la maison, Georgia, et le soir, la traduction. Andrew n'avait plus vraiment sa place dans ce nouvel emploi du temps. Il passait voir Malcolm en début de soirée. On se retrouvait pour le dîner avec la petite. Puis je m'installais devant mon ordinateur, et lui devant la télévision, dans la chambre. On se parlait peu. Juste des échanges sur l'état de notre fils ce jour-là. Ou parfois un commentaire sur une infirmière du matin qu'on préférait à celle du soir, sur le médecin et ce qu'il avait pu nous dire, à l'un ou à l'autre.

Andrew ne posait jamais de questions sur l'enquête de la police. Je ne comprenais pas pourquoi. Il semblait se contenter de cet état de fait. Il leur faisait confiance. Cela me mettait hors de moi. Sa passivité me donnait envie de hurler. Parfois, je devais lui tourner le dos, ou regarder autre part pour ne pas lui dévoiler mon écœurement. J'avais besoin de parler. De partager avec lui cette peur qui me vrillait le ventre. D'envisager le pire. De lui dire ces mots si difficiles à prononcer. Mais je ne pouvais pas. Il se fermait. Il ne voulait pas m'entendre. Il se protégeait. Alors je parlais à mes amies. Je leur parlais des soirées, des nuits entières. Elles m'écoutaient. Elles me donnaient ce qu'Andrew ne me donnait pas. Leur soutien, leur empathie. Souvent, après le dîner, après une heure ou deux passées sur la traduction, je filais. Je le laissais devant sa télévision, avec Georgia endormie dans sa chambre. J'allais retrouver Laure, Catherine ou Valérie, dans un des bars du quartier. Dans le bruit et la fumée, dans la nuit qui avançait, dans la chaleur de leur amitié, je me sentais revivre.

C'était un court répit. Sur le chemin du retour, le poids s'installait à nouveau sur ma poitrine. J'avais du mal à respirer. À avancer. Quelqu'un m'avait dit, il y a longtemps, que c'était dans l'épreuve qu'un couple se révélait. Dans la douleur. C'était ainsi qu'un couple tenait, ou pas. Soir après soir, dans notre salon, où l'absence de Malcolm se faisait de plus en plus criante, je sentais Andrew s'éloigner.

Il était dans la même pièce que moi pourtant, à quelques mètres. Mais je le sentais partir. Et je ne faisais rien pour le retenir.

Les week-ends, on allait en famille à Saint-Julien-du-Sault, un petit village près de Sens, où on avait acheté une vieille maison pour une bouchée de pain au début de notre mariage. Depuis l'accident, on n'y était pas retournés. J'ai eu envie de m'y rendre, après l'hôpital, un matin. Sans personne. J'ai roulé sur une autoroute étrangement vide. La maison sentait le renfermé, l'humidité. J'ai ouvert toutes les fenêtres, j'ai laissé entrer la lumière.

Je me suis souvenue du dernier week-end avant l'accident. Malcolm avait passé beaucoup de temps dans le jardin, à construire une sorte de cabane avec des vieux morceaux de bois et de taule. Il avait fait beau, dès le matin. Andrew avait tondu le gazon devant la maison. Georgia avait invité sa petite copine, Stéphanie. Je nous revoyais. Une famille parfaite. Heureuse. Une famille qui ne se doutait pas, en reprenant la route le dimanche soir, après avoir fermé la maison, que tout allait basculer, le mercredi après-midi. Je me suis promenée à travers les pièces, comme une étrangère qui visitait des lieux pour la première fois. De cette vieille bicoque sombre, mon architecte de mari avait patiemment fait naître un miracle. Il y a quinze ans, il n'avait pas encore monté sa boîte. Il avait tout fait lui-même, avec l'aide d'un ami hollandais, un entrepreneur qui connaissait une filière de Polonais payés au noir, ravis de venir passer un peu de temps en France pour retaper une maison. Les Polonais ne parlaient ni anglais, ni français, mais souriaient en permanence. Je leur faisais des sandwichs au pâté, distribuais des bières. En quelques mois, la petite bâtisse renfrognée fut transformée. Elle était devenue une maison lumineuse, simple, chaleureuse. Elle n'avait pas vraiment de style particulier. C'était pour cela que je l'aimais tant. Elle n'avait pas de nom, notre maison. On disait : on va à Saint-Julien. Cette maison, c'était notre famille.

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