À titre d’exemple
« — Te casse pas la nénette, Madeleine, je vais la ravoir, ta chaussette…
À vrai dire, ma mère risquait assez peu de se la casser. Pour se casser la nénette, il aurait fallu au moins qu’elle sache ce que c’était. Tout comme moi, d’ailleurs. Ce que je sais, c’est que chacun d’entre nous porte en lui une nénette qui, en cas de malheur, risque de se briser à tout jamais… »
Gérard Mordillat,
Rue des Rigoles, 2002.
une femme qui affecte la pruderie, l’innocence
Qui est cette bienheureuse Nitouche ? Force est de constater qu’elle est absente de la liste des saints et des saintes du calendrier. Elle trompe son monde : une nitouche, canonisée ou pas, c’est une femme qui observe la plus grande réserve, qui manifeste pudeur et décence. L’expression faire la sainte nitouche s’emploie surtout à propos d’une femme de mœurs légères qui se cache en affichant une innocence outrée. Le mot est attesté depuis longtemps : Saincte Nytouche ! s’exclamait déjà Rabelais en 1534 dans son Gargantua .
Le nom de cette hypocrite n’est qu’un calembour : la sainte nitouche est la sainte (qui) n’y touche (pas) ! Ou du moins celle qui, sous ses airs de ne pas y toucher, n’en pense ou n’en fait pas moins. Théophile Gautier la révèle dans Le Capitaine Fracasse : « les prudes femmes, l’œil baissé sur la modestie, avec un air de Sainte N’y touche ». Une variante aujourd’hui disparue de l’expression était sainte-mitouche, où l’ancienne négation mie se manifeste (elle n’y touche mie) . Cette forme a peut-être été influencée par le mot mitouche par lequel on dénommait une chatte sournoise.
De même que cette coquine de Nitouche, somme toute assez peu chrétienne, d’autres saints pourtant célèbres manquent au calendrier, avec leurs fêtes, tels la saint-glinglin qui n’arrive jamais, le saint-frusquin*, qui désigne tout ce que l’on emporte, ou la sainte-touche qui célèbre le jour de paie. En matière de saints imaginaires, la langue française a toujours été féconde !
À titre d’exemple
« — Et ça ose s’habiller comme nous autres honnêtes filles de campagne, ajouta une des plus laides maritornes de la ferme.
— Avec son air de sainte-nitouche, reprit une autre, on lui aurait donné le bon Dieu sans confession. »
Eugène Sue,
Les Mystères de Paris, 1842–1843.
Chercher des noisesà quelqu’un
chercher querelle à quelqu’un
Si l’on cherche noise ou des noises à un boxeur colérique, on risque fort de prendre un marron ! La variante ancienne chercher noises pour noisettes pourrait vous égarer : le mot noise n’appartient pas à la famille de noix, bien que ces noisettes représentent un motif futile et indiquent qu’on se dispute pour peanuts !
En fait, l’origine du mot noise n’est pas claire. Certains le rattachent au latin nausea, qui a donné nausée . Une autre hypothèse le fait remonter au latin noxia, « faute, crime », mot de la famille de nocere, « nuire », et tire le mot vers le délit. Apparu au Moyen Âge au sens de « bruit, tumulte », le mot a évolué rapidement et faire noise à quelqu’un signifie « engager une querelle ». Furetière précise qu’elle « n’aboutit d’ordinaire qu’à des crieries, et il n’y a point d’effusion de sang » et que, avec le sexisme de l’époque — sous Louis XIV —, « c’est d’ordinaire la femme qui commence la noise ». Cette dame colérique, quand elle était fâchée, serait avantageusement rebaptisée La Belle Noiseuse, titre d’un film de Jacques Rivette inspiré de Balzac. Ce sens de noise a prévalu et le mot s’employait pour « querelle ». La Fontaine évoque dans sa fable La Perdrix et les Coqs « certains coqs incivils, peu galants, toujours en noise et turbulents ».
Le joli mot de noise tomba peu après dans l’oubli, non sans être passé en anglais où il a gardé son sens premier, prononcé autrement. Le français a conservé en lui l’idée de la bagarre dans ce chercher des noises, qu’on aurait tort, vu son ancienneté, de prendre pour une expression à la noix.
À titre d’exemple
« Lorsqu’ils étaient oiseaux, ils ne se querellaient que dans la saison des amours. Et maintenant ils se disputent en tous les temps ; ils se cherchent noise été comme hiver. »
Anatole France,
L’île des pingouins, 1908.
s’amuser, faire la fête
« Chaque fois qu’on monte en ligne on fait la nouba toute la nuit » se souvient Maurice Genevoix dans Ceux de 1914 . La Grande Guerre a été une grande pourvoyeuse d’expressions et de mots nouveaux. Beaucoup ont été diffusés par l’argot militaire, comme cette nouba, qui signifie aujourd’hui la fête, ce qu’on appelait faire la noce, des réjouissances débridées, sans qu’on ait conscience de son origine et de sa valeur initiale.
Le mot a été importé à la fin du XIX esiècle par les tirailleurs algériens de l’armée coloniale. C’est un mot arabe qui, à l’origine, désignait une chose assez abstraite. Nuba, en arabe maghrébin, correspond à l’arabe classique nawba, « tour », avec l’idée de « à tour de rôle », ce qui, à première vue, n’a rien à voir avec les plaisirs.
Au-delà de la Méditerranée, les militaires utilisaient le mot pour désigner un service de garde, un corps de troupe faisant son service à tour de rôle. Or, il était d’usage de jouer périodiquement de la musique devant la maison d’un officier ou d’un dignitaire. Les musiciens prenaient cette fonction, se succédant, chacun à son tour. C’est ainsi que la nouba devint le concert lui-même, puis le type de musique qui y était joué, essentiellement composé d’airs populaires d’Afrique du Nord, orchestré avec les instruments d’usage dans l’armée, notamment fifres et tambourins.
La musique, comme chacun sait, est indissociable des moments festifs, et la langue est friande de mots expressifs pour les désigner. Pas étonnant que les poilus aient pris goût à cette nouba siégeant — bien avant la teuf, verlan assourdi de fête — aux côtés de bamboche, bamboula, bombe, bringue, fiesta, java et noce dans la longue liste des réjouissances collectives.
Le mot du Petit Robert
nouba
[ nuba ] nom féminin
ÉTYM. 1897 ♦ arabe d’Algérie nuba « tour de rôle », désignant la musique que l’on jouait à tour de rôle devant les maisons des dignitaires
1. ANCIENNEMENT. Musique militaire des régiments de tirailleurs d’Afrique du Nord, comportant des instruments traditionnels (fifres, tambourins). […]
être extrêmement surpris, décontenancé par un événement inopiné
Le problème avec la célébrité c’est qu’elle est éphémère. Un jour la presse à scandale vous porte aux nues, loue votre beauté, votre talent, et le lendemain, vous tombez des nues quand vous découvrez que le public vous délaisse. Pourtant, vous ne vous êtes pas mis à nu en racontant votre vie privée aux paparazzis. Vous êtes simplement tombé d’un lieu où il est difficile de se tenir de pied ferme. Et pour cause ! Le mot nue désigne au sens propre un nuage, car le nuage est aux nues ce que le feuillage est aux feuilles. Par extension poétique, la nue est le ciel tout entier : terrain meuble s’il en est !
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