Le mot du Petit Robert
orfraie
[ ɔʀfʀɛ ] nom féminin
ÉTYM. 1491 ; orfres 1200 ♦ latin ossifraga, proprement « qui brise les os »
■ Rapace diurne, souvent confondu avec l’effraie. […]
être dans la misère
Si vous n’arrivez pas à vous sortir du « pétrin », certains, qui n’envient pas votre sort, diront que vous êtes dans la panade, c’est-à-dire dans la misère.
Il est vrai que panade, mot emprunté au provençal panado, dérivé de pan, équivalent occitan de pain, désigne dès son apparition, au XVI esiècle, une soupe bien modeste, faite de pain, d’eau et, quand on en avait, de beurre, auxquels on ajoute, en guise de liant, un jaune d’œuf (voire du lait ou de la crème). La panade est signalée comme un plat destiné aux malades par Montaigne, qui décrit dans ses Essais, non sans ironie, les médecins mangeant « le melon et [buvant] le vin frais, cependant qu’ils tiennent leur patient obligé au sirop et à la panade ».
Pourtant fortifiante, cette bouillie se prête aussi à des métaphores négatives, qui tiennent autant à sa consistance pâteuse qu’à ses ingrédients, typiques de jours difficiles. On a vu dans les années 1830 panade désigner avec mépris un homme mou et sans énergie. Mais c’est au sein de l’expression être dans la panade, apparue à la fin du XIX esiècle, que le mot survit aujourd’hui, sous l’influence du sens de « misère » ou de « manque d’argent » que recouvrait le mot panne .
Le langage familier a gardé d’autres métaphores culinaires de la pauvreté, comme être dans la purée, autre plat peu coûteux et qui peut évoquer l’idée d’enlisement. La plus proche de la panade est incontestablement la mouise, cette soupe de mauvaise qualité, venue de l’allemand Mus (« bouillie, purée »), et qui a même pu un temps renvoyer aux excréments.
Car les situations les plus difficiles sont celles où l’on s’empêtre, et qu’on a du mal à digérer. Qu’on songe aux synonymes argotiques de la malchance, véritable menu où l’on est invité à choisir selon son appétit : bouillabaisse, confiture, marmelade, moutarde, sirop, jusqu’aux plus qu’indigestes poisse ou goudron !
À titre d’exemple
« D’anciens amants tombés dans la panade, auxquels elle donne l’apparence d’hommes de Bourse sérieux. »
Goron,
L’Amour à Paris, 1890.
tomber dans le piège
Les panneaux sont aujourd’hui surtout publicitaires ou de circulation. On les voit, ils nous obsèdent, pour la seconde catégorie on doit les respecter. Ce sont, depuis des siècles, des signes figurant sur un support rigide, en général plat.
Le mot, pourtant, évoque à l’origine tout autre chose, et une matière souple, car il vient du diminutif latin de pannus « morceau d’étoffe », grâce auquel on parle des pans d’une chemise. Au Moyen Âge, on s’asseyait sur le panneau de la selle, qui, heureusement pour les fesses des cavaliers, était un coussinet. Comme tout morceau d’étoffe pouvait être appelé panneau, le mot désigna de manière inattendue un filet tendu verticalement pour prendre le petit gibier, par exemple les oiseaux.
Tendre un panneau pour chasser se dit panneauter et on en a fait au figuré l’équivalent de tendre un piège . Si le chasseur prépare et dispose ses panneaux en les tendant, le chassé peut les éviter ou pas, et dans ce cas malheureux pour lui, comme se trouver brusquement dans cette situation lamentable est souvent exprimé par tomber dans (ou en ) la situation en question, on a commencé à dire, au XVII esiècle, pour « être pris au piège », tomber dans le panneau .
À l’origine, comme la chasse au panneau était courante, la métaphore était un peu différente de celle du piège : on imaginait l’animal dirigé malgré lui vers le filet qui le retenait. Les siècles passant, et les panneaux changeant de nature, l’expression est devenue peu explicable. Mais on sent bien qu’il s’agit d’autres panneaux que publicitaires lorsqu’un gogo achète cher une marchandise médiocre, tombant dans le panneau d’une publicité. Ce rattrapage un peu acrobatique est l’effet de l’oubli.
Si l’on cherche à rendre logiques et claires les manières de dire, reste à préférer tomber dans un piège à ce panneau trompeur. Le langage nous tend aussi quelques pièges et chausse-trapes et nous adorons tomber dans les panneaux qu’il nous tend.
À titre d’exemple
« Non, moi, ce qui m’énerve, […] ce sont toutes les nouvelles fêtes que la pub a inventées pour pousser les gens à consommer : j’en ai ras le bol de voir ma famille tomber dans le panneau. »
Frédéric Beigbeder,
99 francs, 2000.
une vie agitée, dissipée
Mais qui est donc Patachon ? Ce prince de la fête, ce seigneur de l’ivresse, cet aventurier qui a bourlingué aux quatre coins du monde, cet homme dont la vie est passée en proverbe, à quoi ressemble-t-il ? Ce bon vivant, ce jouisseur a-t-il écrit ses mémoires ? À notre déception, nul ouvrage, en aucune bibliothèque, n’en retrace l’existence. Le sieur Patachon n’a jamais existé !
Au XIX esiècle, on appelait patache un petit navire de guerre préposé à la surveillance des côtes. Le mot vient de l’espagnol pataje, lui-même issu d’un mot arabe. Plus tard, patache a désigné la barque du service des douanes, bateau souvent en mauvais état, puis, par comparaison, une mauvaise diligence à deux roues, mal suspendue, et dans laquelle on voyageait à peu de frais. Cette patache brinquebalante était une mauvaise voiture, mais elle voyageait.
C’est ainsi qu’on a nommé patacheux ou patachon le cocher de cette piteuse diligence. Ce patachon, toujours sur la route, menait son piètre véhicule d’une ville à l’autre. Il avait la réputation de boire à chaque relais de poste, devenant malgré lui le patron des fêtards. Agricol Perdiguier en dresse ainsi le portrait dans ses Mémoires d’un compagnon :
« Vu l’état des chemins, nous jugeâmes à propos de monter dans une patache, et nous roulâmes dans l’affreuse voiture, oui, affreuse ! mais le patacheux, plus affreux encore, s’arrêtait à toutes les auberges, à tous les cabarets, à tous les bouchons qu’il rencontrait, buvant, se grisant, et se moquant des pauvres voyageurs qui se plaignaient de son peu de célérité. »
Supplanté par le patachon, ce patacheux menait donc une vie de bâton de chaise . Et s’il a disparu, tout comme son véhicule et comme les bâtons de la chaise à porteurs, c’est grâce à cette expression qu’il roule toujours sa bosse, menant joyeuse vie.
À titre d’exemple
« La vie de patachon, les nuits trop brèves, les patates, les vestes élimées, les corvées, les métros. »
Georges Perec,
Les Choses, 1965.
En faire tout un pataquès
en exagérer l’importance
Faire un scandale pour une broutille, en grossir les conséquences, c’est en faire tout un fromage ou tout un pataquès . Les deux expressions étant synonymes, on pourrait penser que le pataquès est une spécialité fromagère. Eh bien non : un pataquès ne se mange pas. Aucun rapport non plus avec un véhicule, malgré l’homonyme c’est pas ta caisse .
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