José Gómez - Planète à louer

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Planète à louer: краткое содержание, описание и аннотация

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Dans un futur indéterminé, une guerre nucléaire totale est sur le point d’éclater. Afin de sauver la Terre, des espèces extraterrestres en prennent possession, après avoir fait montre de leur force en annihilant l’Afrique. Ils y imposent des règles draconiennes visant à rétablir l’équilibre écologique. Un siècle plus tard, notre planète est redevenue un paradis, un « monde souvenir », où les riches xénoïdes viennent faire du tourisme. Mais derrière l’image d’Épinal, les conditions de vie des Terriens sont loin d’être idylliques.
Buca, la prostituée, Moy, l’artiste métis ou Alex, le scientifique de génie, tous n’aspirent qu’à une seule chose : fuir… partir… s’exiler… quitter la Terre… par tous les moyens!

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Il tendit l’oreille pour tenter de savoir si ToiGrandeBrute avait déjà connecté la matrice mécanique. Bien que cela ne soit pas réellement nécessaire : ils disposaient du meilleur modèle existant sur le marché et le processus de synthèse était très rapide. Mais il était toujours plus tranquille en sachant que si un imprévu se produisait… Il écarta l’idée et poursuivit.

« L’art est toujours une automutilation. C’est l’extraction délibérée des viscères les plus secrets : les rêves. »

Un pendule à la lame extrêmement bien aiguisée et à demi circulaire – une référence à la nouvelle d’Edgar Allan Poe que ces Cétiens ne pouvaient pas comprendre – oscilla trois fois puis ouvrit avec une précision chirurgicale la cavité abdominale de l’artiste. Les drains inversèrent automatiquement leur fonction et pas une goutte de sang ne perturba la vision des organes.

Les nano-manipulateurs avaient préalablement injecté des colorants différents dans chaque viscère, et les entrailles de Moy étaient une symphonie vive de teintes qui puisaient. La drogue analgésique circulait dans ses veines, évitant qu’il perde connaissance ou qu’il devienne fou de douleur avant le point culminant du spectacle. Mais la sensation inconfortable d’être ouvert, sans défense, étrangement exposé, n’était pas liée à la souffrance.

« Les rêves sont la substance impalpable qui donne vie, épaisseur et volume à l’œuvre d’art. Ce qui la projette loin de ses étroits cadres matériels. »

Moy ferma la glotte, se concentrant pour respirer par le nez. De l’hydrogène sous pression fut insufflé dans ses intestins. Les circonvolutions, préalablement lavées par les nano-manipulateurs, se gonflèrent, fantasmagoriques, à moitié transparentes, jaillissant de son ventre comme les anneaux d’une horrible couleuvre larvaire. De surprenants jeux de lumière brillèrent à l’intérieur, sous l’effet du gaz.

« Bien que la lumière de l’art soit toujours éphémère, cette lumière personnalise le souffle vital de l’artiste. Son âme, qui s’éteint dans chaque œuvre. »

Un nano-manipulateur perfora une anse intestinale et le gaz extrêmement inflammable chuinta. Puis l’étincelle précipita l’embrasement et, pendant un instant, le corps de Moy fut enveloppé par une nuée ardente. Mais seulement une seconde. Plus longtemps, cela aurait pu lui brûler la peau et la chair. Le volume d’hydrogène avait été calculé au centimètre cube près.

« Et chaque critique, chaque exégèse, chaque interprétation d’une œuvre est une introspection, un voyage vers l’intérieur de celui qui l’a créée et revêtue d’une chair et d’une peau de concepts. »

Arrivé à ce point, Moy regrettait toujours de ne pas être une femme. Avec un utérus déchiqueté, cette partie du discours aurait suscité un meilleur effet. Pourtant, la vision était déjà bien parlante.

Les couteaux des nano-écorcheurs entamèrent son épiderme, et les lambeaux de peau flottèrent au vent comme des franges macabres. Sans aucun saignement : les capillaires superficiels étaient presque vides, les drains fonctionnant à pleine capacité et concentrant le fluide vital dans les organes essentiels.

Moy ressentit un vertige et fut sur le point de s’évanouir. Mais le neurostimulant qui circulait dans son système le réanima instantanément. Il sourit, ravi. ToiGrandeBrute était concentré à cent pour cent sur ses signes vitaux les plus minimes. Et il entendait déjà le bruit sourd de la matrice mécanique remplissant son office. Tout était OK. Comme toujours.

« Après la chair et le sang des émotions, il reste la découverte du squelette des théories et des schémas, la subtile trame de sexe et de pouvoir dans les substrats mélangés. »

Avec une parfaite synchronisation, les muscles furent d’abord coupés de l’intérieur, puis les os se brisèrent avec un craquement sinistre. Les deux jambes de l’artiste tombèrent sur l’estrade. Là, elles s’agitèrent convulsivement durant quelques secondes, avant de s’immobiliser.

Des artères fémorales sectionnées s’échappèrent quelques litres de sang, dégoulinant le long du pantalon étrangement vide. Puis les nano-manipulateurs les obturèrent. Ce n’était pas une erreur, mais un autre effet bien calculé et sans conséquences. Son corps étant pratiquement réduit à la tête et au tronc, Moy n’avait simplement plus besoin d’autant de fluides vitaux. En outre, cela aurait pu surcharger les drains.

L’artiste respira suivant une technique tibétaine.

La douleur n’existe pas. La douleur n’est qu’illusion. J’existe. Je suis réel.

« Que reste-t-il de l’art sans l’alphabet occulte du sexe ? » hurla-t-il.

Au même moment, les nano-manipulateurs tranchèrent le chiffon sanguinolent qu’était devenu son pantalon et son sexe se dressa, en érection, comme pour défier la mort. Ce n’était pas dû à une surpression artificielle de sang dans les corps caverneux ou à une dose opportune d’hormones. Moy était excité, comme toujours. L’antique ironie : Éros et Thanatos.

L’orgueilleuse exhibition ne dura que quelques secondes.

Moy se détendit. À présent, le plus difficile…

La colonne de chair érigée explosa en une cascade de liquide bleu. Les nano-manipulateurs sectionnèrent, de l’intérieur, les testicules qui churent avec un bruit sourd sur l’estrade.

Lorsque l’effet de l’analgésique se superposa à la souffrance et au vide qui puisaient dans son aine mutilée, Moy respira plus tranquillement. Le pire était passé. Ce qui restait était plus impressionnant que douloureux.

Kandria le regardait avec une authentique adoration. Il se dit qu’il devait profiter de l’état dans lequel se trouvait la fille. Ils allaient encore beaucoup s’amuser ensemble…

« C’est le sacrifice, le souffle de l’artiste qui donne l’envol créateur de son œuvre. »

Moy déglutit.

Le système d’oxygénation artificielle se mit en marche, échangeant le gaz vital contre le CO2 de ses cellules sans que ses poumons n’interviennent. Les nano-manipulateurs pénétrèrent dans ses bronches et de l’hydrogène fut injecté dans ses tissus pulmonaires. Le pendule refit un passage et trancha son thorax. Ses organes respiratoires enflés émergèrent comme des globes.

Son corps torturé s’éleva plus haut encore au-dessus de l’estrade, comme s’il luttait pour se libérer de ses liens. Il y parvint enfin et flotta, libre, sur la place.

Il eut un tonnerre d’applaudissements. Le public était à présent déchaîné.

Avec dédain, Moy pensa que, s’ils ne connaissaient visiblement rien de l’anatomie humaine, ils n’avaient pas non plus la moindre notion de physique élémentaire. Il était évident que le volume d’air déplacé par ses poumons remplis d’hydrogène était insuffisant pour le faire léviter, même sans bras ni jambes. Seul le champ antigrav soigneusement manipulé par ToiGrandeBrute rendait possible ce spectacle extraordinaire.

Il déglutit de nouveau. Sans air dans les poumons, seul le pompage attentif de la nano-machine pneumatique accolée à son larynx lui permettait de continuer de parler. Et il craignait toujours d’être ridicule si l’artefact défaillait.

« Mais toujours, inexorablement, après le dernier coup de pinceau, l’artiste retombe dans la dure réalité ! »

Moy ferma les yeux et le froid d’une autre dose d’analgésique envahit ses veines. Ses poumons éclatèrent dans un nouvel embrasement et son corps chuta. En bas, l’attendait la machine, déployant des pointes et des arêtes comme les mandibules d’un terrible insecte – une autre horreur de Poe : le puits. Une habile intertextualité gaspillée devant tous ces xénoïdes complètement ignorants de la culture humaine.

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