— Lis plutôt ça.
W.K. – Fais ton testament – Tu n’as plus qu’une semaine à vivre.
A.C.B.
— Georges, c’est vraiment une menace dirigée contre ce W.K. ? Ils annoncent qu’ils vont le tuer, comme ça, en public ? Alors qu’on peut retrouver la piste ?
— Je ne sais pas. Et il n’est peut-être pas aussi facile que ça de retrouver la piste d’une annonce. Je me demande ce que ce sera demain ? Six jours ? Est-ce que ce W.K. attend tranquillement la fin ? A moins que ce ne soit une sorte de campagne de publicité…
— Impossible de le savoir. (Je comparais l’annonce avec la situation dans laquelle nous étions.) Georges, est-ce qu’il est possible que toutes ces menaces diffusées sur tous les canaux fassent partie d’un énorme canular très compliqué ?
— Tu oserais suggérer que personne n’a été tué et que toutes ces informations étaient fausses ?
— Euh… je ne suggère rien de particulier.
— En un sens, Marjorie, oui, c’est un énorme coup monté, puisque trois groupes différents revendiquent ces actions. Deux d’entre eux, donc, trompent le monde entier. Mais je ne pense pas que les assassinats soient un canular. C’est comme pour les bulles de savon : un canular a des limites. Que ce soit dans le temps ou dans le nombre de gens impliqués. Non, c’est trop gros, trop étendu. D’ailleurs, les démentis seraient déjà arrivés. Encore un peu de café ?
— Non, merci.
— Autre chose ?
— Non, rien, vraiment. Un seul gâteau avec du miel et je crois que je vais éclater.
De l’extérieur, c’était une simple porte de chambre d’hôtel : 2100. En entrant, je me suis écriée :
— Georges ! Mais pourquoi ?
— Une jeune mariée a droit à un appartement de jeune mariée.
— C’est merveilleux. Splendide. Tu n’aurais pas dû faire cette folie. Tu as déjà réussi à transformer un triste voyage en partie de pique-nique. Mais si tu avais l’intention de me considérer comme une jeune mariée ce soir, il fallait éviter de m’offrir ce repas. Je suis toute gonflée mais pas brûlante.
— Mais si, tu l’es.
— Georges ! Ne joue pas avec moi. Tu sais qui je suis depuis que j’ai tué Dickey.
— Je sais que tu es une jolie fille courageuse.
— Tu sais parfaitement ce que je veux dire. Tu es dans la profession. Tu m’as identifiée sur l’instant.
— Tu as été améliorée, oui, je sais. Je t’ai vue à l’œuvre.
— Alors, tu sais ce que je suis. Je l’avoue. J’ai appris depuis des années à ne pas le révéler, mais ce salaud n’aurait pas dû braquer son arme sur Janet !
— Non, il n’aurait pas dû faire ça. Et je te serai toujours reconnaissant de ce que tu as fait.
— Tu es sincère ? Ian pense que je n’aurais pas dû le tuer.
— La première réaction de Ian est toujours conventionnelle. Et puis, il réfléchit. Ian est un pilote naturel. Il pense avant tout avec ses muscles. Mais, Marjorie…
— Je ne m’appelle pas Marjorie.
— Hein ?
— Tu peux m’appeler par mon vrai nom. Mon nom de crèche, je veux dire. C’est Vendredi. Et c’est le seul nom que je porte, bien entendu. Quand j’en ai besoin, j’utilise un des surnoms de crèche. D’habitude, c’est Jones. Mais Vendredi est mon vrai nom.
— Et c’est comme ça que tu veux que l’on t’appelle ?
— Oui, je le pense. C’est comme ça qu’on m’appelle quand je n’ai pas besoin de me cacher. Quand je suis avec des gens en qui je peux avoir confiance. Et je crois que je ferais aussi bien de te faire confiance, non ?
— J’en serais flatté. Et je ferai en sorte de mériter ta confiance. Je te dois tellement plus.
— Comment cela, Georges ?
— Je pensais que c’était évident. Quand j’ai vu ce que faisait Mel Dickey, j’ai décidé de me rendre immédiatement plutôt que de faire courir un danger aux autres. Quand il a menacé Janet avec son brûleur, je me suis juré de le tuer à la première occasion. (Georges sourit.) Je ne m’étais pas plutôt dit ça que tu as surgi comme l’ange de la vengeance. Voilà ce que je te dois.
— Un autre meurtre ?
— Si tu le souhaites, oui.
— Probablement pas. Comme tu l’as dit, je suis améliorée. Quand il le faut, je sais me tirer d’affaire toute seule.
— C’est comme tu veux, Vendredi, ma chérie.
— Bon Dieu, Georges, je ne veux pas que tu aies le sentiment d’avoir une dette envers moi. A ma manière, moi aussi, j’aime Janet. Rien qu’en la menaçant, ce salopard a signé son arrêt de mort. Je n’ai pas fait ce que j’ai fait pour toi, mais pour moi. Donc, tu ne me dois rien.
— Vendredi, tu es aussi adorable que Janet. Je l’ai très vite compris.
— Alors, pourquoi ne pas régler tout ça au lit ? Je sais que je ne suis pas humaine et je n’espère pas que tu m’aimes comme une autre femme, pas vraiment. Mais tu sembles avoir de l’affection pour moi et, en tout cas, tu ne te comportes pas comme ma famille néo-zélandaise. Pas comme la plupart des gens avec les EA. Et tu ne le regretteras pas. J’ai reçu une formation spéciale et… je ferai tout mon possible…
— Oh ! mon Dieu ! Qui a pu te faire tant de mal ?
— Moi ? Mais tout va bien. Je voulais seulement t’expliquer que je sais ce que vaut le monde. Je ne suis plus une enfant qui essaie de se débrouiller sans s’appuyer sur la crèche comme sur une béquille. Un être artificiel ne peut espérer un sentiment amoureux d’un humain. Nous le savons, toi et moi. Et tu le comprends encore mieux que le commun des mortels puisque tu appartiens à la profession. Je te respecte et je t’aime sincèrement et profondément. Si tu le veux, je coucherai avec toi et je ferai de mon mieux pour te procurer du plaisir.
— Vendredi !
— Oui, monsieur ?
— Tu ne vas pas coucher avec moi pour me procurer du plaisir !
J’ai senti des larmes me monter aux yeux. Un événement rare.
— Monsieur, je suis navrée, ai-je dit d’un ton lamentable. Je ne voulais pas vous offenser.
— Bon Dieu, est-ce que tu vas t’arrêter ?
— Monsieur ?…
— Cesse de m’appeler « monsieur » ! Et cesse de te comporter comme une esclave ! Appelle-moi Georges. Et rien ne t’empêche de dire aussi « très cher » et même « chéri » comme tu l’as déjà dit. Ou bien traite-moi comme un copain. Un ami. Cette dichotomie entre « humain » et « non-humain » est une invention de la masse obscurantiste. Tous ceux qui exercent ma profession savent que c’est une absurdité. Tes gènes sont des gènes humains qui ont été soigneusement sélectionnés. Cela fait peut-être de toi une super-femme, mais certainement pas une non-humaine. Est-ce que tu es fertile ?
— Euh… stérilité réversible.
— Avec une simple anesthésie locale, en dix minutes, je te change ça. Ensuite, je pourrai te féconder. Et notre bébé sera-t-il humain ou non ? Semi-humain ?
— Humain ?
— Bien sûr ! Il faut une mère humaine pour porter un bébé humain ! N’oublie jamais ça.
— Je ne… je ne l’oublierai pas.
Tout au fond de moi, j’ai ressenti un curieux pincement. L’envie sexuelle, mais pas comme je l’avais jamais ressentie auparavant, moi qui suis comme une chatte en chaleur.
— Georges… c’est cela que tu veux ? Me féconder ?
Il a eu l’air très surpris. Puis il s’est approché de moi, il m’a prise par le menton, puis il m’a serrée entre ses bras et m’a embrassée. Cela valait un neuf sur dix. Impossible de faire mieux en position verticale et habillés. Puis il m’a soulevée de terre, s’est assis dans un fauteuil et il m’a prise sur ses genoux. Il a commencé à me déshabiller, doucement. Janet avait absolument voulu que j’emprunte ses vêtements et ce que je portais était plus intéressant qu’une combinaison de saut. Mon Superskin était dans mon sac.
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