Karine Giébel - De force

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De force: краткое содержание, описание и аннотация

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Le temps de l'impunité est révolu. Le temps des souffrances est venu. Elle ne m'aimait pas.
Pourtant, je suis la aujourd'hui.
Debout face au cercueil premier prix sur lequel j'ai pose une couronne de fleurs commandée sur internet.
Car moi, j'ai voulu l'aimer.
De toutes mes forces. De force.
Lorsque j'arrive devant la porte de mon ancienne chambre, ma main hésite a tourner la poignée. Je respire longuement avant d'entrer.
En allumant la lumière, je reste bouche bée.
Pièce vide, tout a disparu.
Il ne reste qu'un tabouret au centre de la pièce.
Sur le tabouret, une enveloppe.
Sur l'enveloppe, mon prénom écrit en lettres capitales.
Deux feuilles, écrites il y a trois mois.
Son testament, ses dernières volontés.
Je voulais savoir.
Maintenant, je sais.
Et ma douleur n'a plus aucune limite.
La haine.
Voila l'héritage qu'elle me laisse.

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Nouvelle interruption, qui dure de longues secondes. Tous les regards sont braqués sur lui.

« J’ai appelé Sara car je ne la voyais pas. Il faut dire qu’il n’y avait pas d’éclairage extérieur à cette période-là… Mais la lumière de la cuisine me permettait de me diriger. J’ai voulu contourner la piscine pour aller dans le fond du jardin et c’est alors que je l’ai vue… Elle flottait dans l’eau, sur le ventre… Je l’ai sortie de la piscine et j’ai tenté de la réanimer, mais je n’ai pas réussi. Alors, j’ai appelé les secours et… »

Luc coupe le caméscope et frappe un grand coup sur la table. Le trépied bascule. Tout le monde sursaute, y compris Abramov.

— Tu mens ! s’écrie-t-il. Tu mens, espèce de fumier !

— Non, je ne mens pas ! jure Reynier. Ça s’est passé comme je viens de le raconter !

Luc le fixe, telle une bête sauvage prête à l’égorger.

— C’est faux ! répète-t-il. Et si tu veux que Maud survive, je te conseille de dire la vérité.

Maud ferme les yeux.

Luc est prêt à la tuer. Froidement. Sans aucun état d’âme.

— T’en as rien à foutre, de la vérité ! rétorque le chirurgien. Tu veux entendre ce qui t’arrange ! Tu veux faire de moi un assassin !

La main de Luc se crispe sur la crosse du Glock.

— Si c’est vraiment la vérité que tu veux, je viens de te la dire. Sara avait bu, plus que de raison… L’eau était gelée et elle était habillée. Alors oui, elle s’est noyée ! Oui, je suis arrivé trop tard !

Reynier se met debout avant de continuer. Sa chaise verse en arrière.

— Oui, c’est ma faute si elle est morte ! Elle a bu parce qu’elle a appris que je l’avais trompée ! C’est ça que tu veux entendre, petit salopard ? hurle le chirurgien.

Les deux hommes se défient du regard de longues secondes.

— Assis, ordonne Abramov en ramassant la chaise.

Il appuie à nouveau sur les épaules de Reynier, qui se rassoit, soudain épuisé.

— Ce que je veux entendre, ce qu’on veut tous entendre, c’est ce que tu as fait ce soir-là, s’acharne Luc.

— Je viens de le dire, murmure Reynier. Et je ne vois pas ce que je pourrais ajouter.

Abramov s’approche à nouveau des deux jeunes femmes ligotées.

— Tu veux vraiment que je descende ta fille, professeur ? dit-il. C’est ça que tu veux ?

Le chirurgien cherche ses mots.

N’en trouve aucun.

— Mais tu sais, continue Abramov, avant de la tuer, je crois que je vais me détendre un peu avec elle, si tu vois ce que je veux dire…

— Je vous ai dit la vérité, s’entête Reynier. Mais si vous voulez que j’invente une autre histoire, vous n’avez qu’à me la dicter. Vous écrivez ce que vous voulez sur une feuille et je le lirai face à la caméra.

Le professeur fixe la toile cirée, évitant de regarder sa fille. Il décide de ne plus ouvrir la bouche. Parce qu’il sent bien que Luc est désarçonné, qu’il hésite. Qu’il ne sait plus où est la vérité.

Face à ce silence buté, Abramov décide de passer à la vitesse supérieure. Il s’empare d’Amanda, la conduit près du chirurgien et pose le canon du pistolet sur sa nuque.

Sans un mot, juste avec les yeux, la gouvernante implore son patron.

Reynier sait qu’il a choisi la bonne tactique. Il n’ouvre plus la bouche, ne supplie pas. L’air sûr de lui, il met fin à la négociation.

— Tu te crois malin, hein, professeur ? murmure Abramov.

— Je me contente de dire la vérité. C’est bien ce que vous vouliez, n’est-ce pas ?

Armand tourne enfin la tête vers Amanda.

Une fraction de seconde plus tard, il voit Abramov presser la détente.

54

La balle pénètre par l’occiput, ressort par le front.

Le crâne d’Amanda s’ouvre en deux.

Reynier reçoit une gerbe de liquide rougeâtre en pleine figure et la gouvernante s’effondre à ses pieds.

Un lourd silence succède au bruit de la détonation. Au fracas d’un corps qui touche le sol. D’une innocente qui vient de mourir.

Quelques secondes suspendues dans l’horreur absolue. L’épouvante sur tous les visages, dans tous les regards. Sauf dans celui de l’assassin.

Maud est la première à hurler. Un interminable cri d’effroi qui résonne dans toute la maison.

Luc ne bouge plus, comme victime d’un mauvais sort.

Armand, lui, se lève d’un bond et recule jusqu’au mur. Il frotte éperdument son visage, comme s’il allait s’arracher la peau, essayant de nettoyer le sang qui dégouline de son front jusque sur sa bouche. Il se met à pousser des cris, courts et paniqués, sortes de hoquets douloureux.

Luc n’a toujours pas fait un seul mouvement. Bouche entrouverte, il fixe le cadavre d’Amanda qui s’agite de quelques soubresauts pathétiques.

Maud tourne la tête de l’autre côté, pour ne plus voir. Mais elle entend.

Les pieds d’Amanda qui battent le sol de longues secondes encore.

Abramov fonce soudain vers Reynier, le saisit par les cheveux, lui plante le canon du pistolet dans la gorge.

— Tu me prends pour qui, connard ? crache-t-il. Tu croyais que je n’aurais pas le cran ?

Le chirurgien sent ses jambes le trahir et s’écroule dans les bras de son bourreau.

— Tu veux que je fasse la même chose à ta putain de fille ? hurle Abramov.

— Non ! Non, je vous en prie…

L’homme le remet de force sur sa chaise, pile en face de Luc, toujours tétanisé.

— Mettez le caméscope en marche, ordonne le tueur. Je crois que le professeur est à point pour terminer sa confession !

Luc n’a aucune réaction. Alors Abramov abandonne Reynier et entraîne le jeune homme jusque dans le salon. Il laisse la porte ouverte, pour surveiller ses proies, et parle à son complice. Si bas que personne dans la cuisine n’entendra ses paroles.

— Qu’est-ce qui vous arrive, bordel de merde ?

Luc n’a plus de voix. Plus de mots.

— Vous vouliez le faire parler, oui ou non ?… C’est ce que vous attendiez depuis longtemps ! rappelle Abramov. Et c’est pas le moment de flancher ou de vous dégonfler, compris ?

Luc hoche la tête machinalement.

— De toute façon, on aurait dû la buter. Fallait pas qu’elle vienne ici… Alors reprenez-vous, merde !

Luc serre les poings, ferme les yeux.

— On y va, ordonne Abramov.

Ils reviennent dans la cuisine et le regard de Luc tente d’éviter la collision avec le cadavre d’Amanda. Cette femme qu’il a serrée dans ses bras. Qui lui a fait confiance, au point de se donner à lui. Cette femme qu’il vient de tuer. Même si ce n’est pas lui qui a tiré le coup de feu mortel.

Il sent son estomac se retourner, se retient de justesse et prend appui sur la table.

Il réalise qu’il est bien trop tard pour reculer. Qu’il est déjà allé trop loin.

Il essaie de reprendre pied, dévisage Reynier pour se souvenir des raisons l’ayant conduit ici. Finalement, ce n’est pas lui qui a assassiné Amanda.

C’est Reynier. Ses mensonges et ses crimes.

Face à l’inertie de Luc, Abramov prend les choses en main. Il remet le caméscope en marche et s’adresse au chirurgien d’une voix abrupte.

— Parle, maintenant. Et dis-nous ce qu’on veut entendre. Sinon, ce sera au tour de ta fille. Mais elle mettra plus de temps à crever que ta bonniche !

Le professeur regarde la caméra, comme s’il la suppliait de lui souffler les mots justes. Ceux qui éviteront que le carnage ne continue. Mais il prend soudain conscience que personne ne sortira vivant de cette maudite maison. De ces maudites gorges.

— Que s’est-il réellement passé le 11 janvier 1998 ? interroge froidement Abramov.

— J’ai déposé Maud dans sa chambre, murmure Reynier, puis je suis redescendu…

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