Karine Giébel - Purgatoire des innocents

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Purgatoire des innocents: краткое содержание, описание и аннотация

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Je m'appelle Raphaël, j'ai passé quatorze ans de ma vie derrière les barreaux. Avec mon frère, William, nous venons de dérober trente millions d'euros de bijoux. Ç'aurait dû être le coup du siècle, ce fut un bain de sang. Deux morts, un blessé grave. Le blessé, c'est mon frère. Alors, je dois trouver une planque où il pourra reprendre des forces.
Je m'appelle Sandra. Je suis morte, il y a longtemps, dans une chambre sordide. Ou plutôt, quelque chose est né ce jour-là… Je croyais avoir trouvé le refuge idéal. Je viens de mettre les pieds en enfer. Quelque chose qui marche et qui parle à ma place. Et son sourire est le plus abominable qui soit… « Fascinant. »
Sud-Ouest

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William a réussi à s’adosser au mur, il compresse sa jambe, essayant de stopper l’hémorragie. Comme si ça avait encore de l’importance.

— Lève-toi, petite ordure ! ordonne Patrick.

Le jeune homme ne réagit pas, tourne la tête vers son frère.

Ils savent tous les deux qu’ils ne se reverront plus jamais. Qu’ils échangent leur dernier regard.

— Debout ! hurle papa.

Il tire sur la longe, William s’étrangle, se retrouve à nouveau par terre.

— Debout, ou…

Papa pointe l’arme vers Raphaël. Alors, son frère consent à se mettre debout en s’aidant du mur.

Patrick n’aurait pas dû révéler qu’il emmenait William à l’abattoir. Raphaël sera d’autant plus dur à sortir de la pièce.

Mais il voulait voir la souffrance dans ses yeux, sur son visage. N’a pas pu s’en empêcher.

Et le braqueur est si faible qu’il arrivera bien à le mener à sa guise.

S’il le faut, il le traînera avec une corde.

— Avance, maintenant ! Ta tombe t’attend, junior…

Encore un regard pour son frère. Tellement effrayé, tellement douloureux, que Raphaël ne peut se retenir de crier.

— Will !

Le jeune homme se retrouve dans le couloir, le colt planté dans le dos, avec ce malade qui le tient en laisse.

Avec sa jambe qui lui fait si mal qu’il est sur le point de tourner de l’œil.

Avec la voix désespérée de Raphaël qui hurle son prénom.

— Will !

— Avance, sinon je troue la peau de ton frère ! Tu veux que je lui tire une balle dans chaque bras ? Une dans chaque jambe ?

— Non…

— Alors magne-toi.

*

Elles virevoltent de l’autre côté de la barrière de Plexi. Parfois, elles s’y cognent, poussant des plaintes aiguës.

Sandra ne les a jamais vues d’aussi près. Les mains plaquées contre la séparation invisible, elle observe leur manège étourdissant.

Bientôt, ses yeux n’arrivent plus à suivre. Elles sont si nombreuses, il émane d’elles tant de reproches, tant de colère…

Les créatures l’ont retrouvée. Et, cette fois, Sandra sait qu’elles vont l’aspirer jusqu’au purgatoire.

— Je n’avais pas le choix, murmure-t-elle.

Une autre silhouette les disperse soudain brutalement.

Celle du capitaine Morel.

La porte s’ouvre, Sandra recule jusqu’au fond de la geôle.

— Venez, ordonne-t-il. Le commissaire souhaite vous parler.

Il est obligé d’aller la chercher, obligé d’employer la force.

— Non ! hurle-t-elle. Je veux rester ici !

— Calmez-vous ! Arrêtez votre cirque, madame…

Il l’empoigne par un bras, la traîne hors de la cellule. Elle a l’air tellement effrayée qu’il préfère la menotter le temps du transfert.

Il l’escorte ainsi jusqu’au bureau du premier étage, l’assoit sur sa chaise.

Sandra tourne la tête vers le visage de Raphaël, seul point de repère dans cette tourmente.

Lefèbvre se campe face à elle et porte immédiatement sa première attaque.

— On dirait que la cellule vous a rendue nerveuse, madame Sandra Thuillier

Elle reste bouche bée, le considérant avec étonnement.

— Eh oui, madame, nous savons qui vous êtes maintenant. Sandra Thuillier, vétérinaire à Mermaisan. Qui habite avec un certain Patrick Thuillier. Votre mari, je suppose ?

Sandra baisse la tête, fixe ses chaussures.

Elles sont sales.

— Nous allons nous rendre chez vous, Sandra, poursuit le commissaire. Mais peut-être avez-vous des choses à nous dire, d’abord ? Je vous donne une dernière chance de coopérer avec nous. À vous de voir.

— Comment vous… m’avez retrouvée ?

Le flic lui sourit un peu crânement.

— Vous conduisez un Nissan Qashqai, immatriculé CP-82-PA. Dont un pneu a crevé, ce matin… ça vous va, comme explication ?

Il la laisse digérer son échec dans un silence pesant.

Tant de choses se passent dans sa tête. Un chaos assourdissant qui dure plusieurs minutes.

J’ai tout tenté. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour le sauver.

Alors, un semblant de calme revient dans son crâne. Et, lentement, elle relève la tête. Son visage est moins dur, moins sévère.

— Je m’appelle Sandra Thuillier, j’ai 35 ans. Ma mère est morte quand j’avais 3 ans. Elle s’est jetée d’un pont sur l’autoroute…

Le capitaine se précipite sur le clavier de l’ordinateur portable, le commissaire s’installe dans son fauteuil.

— J’ai été recueillie par mon oncle, Patrick. C’est… comme mon père. Parce que je n’avais pas de père… Nous habitions à Saint-Étienne, à l’époque. J’étais une bonne élève, j’avais toujours de bonnes notes à l’école… Je voulais devenir vétérinaire, j’ai toujours voulu devenir vétérinaire…

Les flics se regardent, interloqués.

Sandra n’est pas en train de passer aux aveux.

Ce n’est même pas une confession. Plutôt une délivrance.

Son histoire.

Sous les assauts, la digue va peut-être céder.

*

William est déjà tombé deux fois. Mais papa l’a forcé à se relever en tirant sur la longe avec une force incroyable.

Ils sont à l’orée du bois, au milieu du brouillard épais. Une pluie fine coule sur le visage du jeune homme.

— Avance ! braille papa. T’es presque arrivé !

Presque arrivé.

Presque mort.

Ce n’est plus qu’une question de minutes. Une poignée de secondes.

Autant dire, rien.

William s’est souvent demandé ce que ça faisait d’être sur le point de mourir. Surtout quand il s’est mis à marcher sur les traces de son grand frère.

Maintenant, il sait.

Ça fait seulement peur.

Ça fait seulement mal. Une douleur terrible au creux du ventre.

L’impression d’être un enfant dans le noir, qui appelle sa mère.

Il traîne sa jambe ensanglantée derrière lui, se retrouve bientôt devant sa propre tombe, fraîchement creusée et recouverte d’une bâche en plastique bleu, tenue par quatre grosses pierres.

D’habitude, quand on meurt, on ne voit pas sa tombe. Le trou dans lequel on va pourrir.

William est pétrifié par cette vision. L’eau froide continue à couler sur ses joues, mêlée à ses propres larmes. Il se met à trembler sans le moindre contrôle.

Ses dents s’entrechoquent, ses menottes aussi.

Il entend que papa enlève la sécurité, arme le chien. Il ferme les yeux.

Ses jambes ne vont pas tarder à s’affaisser, mais il lutte pour rester debout. Pour mourir en homme, comme dirait son frère.

Son frère.

Mourir, peut-être. Sûrement.

Mais pas comme ça.

Soudain, William se retourne et, dans un hurlement de rage, se jette sur Patrick.

La détonation déchire le silence, un oiseau s’envole en poussant un effroyable cri.

La balle traverse William mais ne l’arrête pas. Il heurte papa de plein fouet, les deux hommes roulent sur le sol détrempé. Le colt atterrit un mètre plus loin, sur le tapis de feuilles en décomposition.

William continue de hurler, il attrape Patrick à la gorge, lui tape le crâne plusieurs fois sur le sol.

— Je vais te crever, salaud ! Je vais te crever !

Papa lui file des coups de poing dans les côtes, se défend comme un diable.

Mais William a la rage. Une rage inconnue qui décuple ses forces déjà colossales. Tandis que la vie s’enfuit de son corps, il veut prendre celle de son bourreau.

Il s’acharne sur le visage de papa, lui brisant le nez, les mâchoires, les dents.

Enfin, Patrick ne bouge plus, ses bras tombent en croix.

William prend alors une grosse pierre sur sa droite, la soulève à deux mains.

Et cogne, plusieurs fois. Sans cesser de hurler.

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