Bernard Minier - N'éteins pas la lumière

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N'éteins pas la lumière: краткое содержание, описание и аннотация

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« Tu l’as laissée mourir… »
Christine Steinmeyer croyait que la missive trouvée le soir de Noël dans sa boîte aux lettres ne lui était pas destinée. Mais l’homme qui l’interpelle en direct à la radio, dans son émission, semble persuadé du contraire… Bientôt, les incidents se multiplient, comme si quelqu’un avait pris le contrôle de son existence. Tout ce qui faisait tenir Christine debout s’effondre. Avant que l’horreur fasse irruption.
Martin Servaz, de son côté, a reçu par la poste la clé d’une chambre d’hôtel. Une chambre où une artiste plasticienne s’est donné la mort un an plus tôt. Quelqu’un veut le voir reprendre du service… ce qu’il va faire, à l’insu de sa hiérarchie et de ses collègues.
Et si nos proches n’étaient pas ce que nous croyons  ? Et si dans l’obscurité certains secrets refusaient de mourir  ? Non, n’éteignez pas la lumière, ou alors préparez-vous au pire… Après les grands succès de
et du
, Bernard Minier revient avec un thriller sur la manipulation et l’emprise, en explorant nos cauchemars les plus intimes, nos phobies et nos obsessions…

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Son doigt glissa sur le pavé tactile, hésita, lança finalement la vidéo.

Elle la reconnut tout de suite…

La porte du 19B.

Vue de l’intérieur du petit appartement… Une webcam … Branchée face à la porte d’entrée. Un bruit grêle de sonnette. Celui qu’elle avait produit en pressant le bouton. Puis la longue silhouette de la stagiaire entrant dans le champ de la caméra. De dos. Nue. Ses fesses rondes, pâles, séparées par un sillon profond. Elle déverrouille la porte. Tire le battant et Christine apparaît. De face. Étrangement familière et étrangement différente de l’idée qu’elle se fait d’elle-même.

Sur son MacBook, Christine vit Christine regarder Cordélia, puis le regard de Christine glisser le long du corps de la jeune femme jusqu’à s’arrêter longuement sur son sexe. Christine sentit son visage s’enflammer. Sur la vidéo, Christine avait les yeux écarquillés, le regard luisant. Et l’objet de sa fascination ne faisait pas le moindre doute. Puis la voix de Cordélia disant calmement : « Entre » — et Christine pénètre dans l’appartement à la suite de la stagiaire.

Comme si tu étais attendue, se dit-elle. Comme si tu étais déjà venue…

Comme si tout cela était prévu et naturel…

Image suivante.

Christine assise dans le canapé, tournant le dos à la caméra.

On ne voit que sa nuque et ses épaules ; Cordélia se tient debout devant elle. Dans une pose éminemment suggestive. Elle écarte les cuisses ; ses doigts aux ongles peints en jaune néon entrouvrent les lèvres de son sexe, en un geste d’une choquante impudeur et d’une troublante intimité. Elle dit, dans une sorte de transe, le regard lubrique : « On appelle ça un piercing du triangle, toutes les femmes ne peuvent pas en mettre un : il faut un capuchon du clito suffisamment proéminent. En plus de l’aspect esthétique, il stimule le clitoris par l’arrière ; tu n’imagines pas les sensations que ce truc te procure… tu n’as pas idée du pied que c’est … » Christine ne bouge pas. Immobile comme une statue.

Dos tourné à la caméra, son attitude suggère qu’elle fixe le sexe de la jeune femme, comme elle l’a déjà fait à la porte.

Image suivante. Christine eut un sursaut : Christine et Cordélia nues dans le canapé, face à la caméra cette fois. Elles s’embrassent . Christine a les yeux fermés, sa main est blottie entre les cuisses de la stagiaire, leurs bouches jointes. La jeune femme gémit. Christine ne bouge pas — et pour cause.

Dernière image : Christine voit Christine dans le canapé, une nouvelle fois dos tourné à la caméra ; la stagiaire lui fait face — elle compte une liasse de billets :

« 1 600…

1 700…

1 800…

1 900… Deux mille… OK, je vais retirer ma plainte… Mais c’est pas seulement pour l’argent, c’est parce que tu m’as bien fait jouir. »

Neige sur l’écran. Fin du petit porno à usage privé.

Elle déglutit. Les tempes bourdonnantes. Elle avait une partie de la réponse sur ce qui s’était passé pendant qu’elle avait perdu connaissance.

Un montage. Personne ne contesterait que certaines parties avaient été coupées si cette vidéo venait à circuler. Mais personne n’aurait le moindre doute non plus sur le fait qu’elle était là de son plein gré en la voyant à la porte en train de mater le con de cette petite garce…

Piégée … Si Guillaumot ou n’importe qui à la radio venait à visionner cette vidéo, cela conforterait les déclarations de Cordélia. Et sa carrière serait définitivement terminée. Celle de Cordélia aussi, soit dit en passant, mais, primo : celle-ci n’était qu’embryonnaire, contrairement à la sienne ; secundo : Christine soupçonnait que cette salope n’y tenait pas tellement que ça, en définitive — qu’elle avait d’autres projets dans la vie. Comme, par exemple, celui d’escroquer son prochain et de trouver d’autres pigeons à plumer.

Un chantage ? Était-ce la prochaine étape ? On allait la faire chanter ? C’était ça la finalité ? Mais elle avait déjà perdu son fiancé et son boulot… que lui restait-il à perdre ?

Elle se sentit lessivée, groggy. Incapable de réfléchir. Il n’y aurait pas de Grand Rebond de Christine, cette fois. La drogue qu’on lui avait administrée devait encore voyager dans ses veines, car elle avait le cerveau embrumé et les membres lourds.

L’éclairage expressionniste filtrant entre les lames des stores soulignait d’ombres les moulures au plafond. Elle avait aimé cet appartement mais, soudain, il lui apparaissait comme un lieu hostile — qui menaçait de se refermer sur elle et de l’étouffer.

Tout à coup, elle pensa à sa besace, regarda anxieusement autour d’elle et éprouva un intense soulagement en la découvrant dans un coin du lit. Il y avait un rectangle blanc posé à côté, sur le drap noir. Un ticket ou un message…

Elle se saisit du bout de papier et l’amena dans la lueur de l’écran.

Un ticket de retrait bancaire. La panique s’empara d’elle.

Elle reconnut les premiers et les derniers chiffres : ceux de son compte en banque… Il était écrit : « Retrait, date : 28/12/12, heure : 09 H 03, automate : 392081 » : une somme de deux mille euros avait été débitée de son compte le matin même ! À cette heure-là, elle était dans le bureau de Guillaumot en train d’écouter les élucubrations de Cordélia. Puis, avec un hoquet incrédule, elle fit le rapprochement avec les images de la vidéo où on voyait la gamine en train de compter une liasse de billets.

Le piège était à double détente

Il y avait autre chose sur le drap, à côté du MacBook. Le boîtier en plastique d’un CD. Elle s’en empara.

Madame Butterfly . De l’opéra, bien sûr…

Elle se souvint en frissonnant que M meButterfly se suicidait à la fin. C’était à peu de chose près tout ce qu’elle savait en matière d’opéra.

La peur s’insinua entre ses côtes et dans tous les recoins de son cerveau. Était-ce vers cela qu’on la poussait ? Un souvenir affreux : son père la serrant contre lui à lui faire mal, sa voix bizarrement aiguë et hachée répétant sans cesse : Oh, ma chérie, il est arrivé un terrible, terrible, terrible accident…

Elle n’avait appris la vérité que bien plus tard : Madeleine s’était pendue.

Pendue — à seize ans.

Cette histoire, pourquoi ça m’arrive à moi ? se demanda-t-elle encore une fois. Est-ce que c’était comme le Loto mais à l’envers : au lieu d’une chance inouïe — une sur des millions —, un malheur inouï ?

Elle referma le lecteur vidéo et s’aperçut alors que sa messagerie était restée ouverte sur l’écran. Ou plutôt que quelqu’un l’avait ouverte pendant son sommeil … Merde, elle avait téléchargé un pack complet de sécurité, effacé tous les cookies, changé de mot de passe, comment était-ce possible ? Son regard balaya machinalement les mails qui étaient arrivés depuis la dernière fois qu’elle l’avait consultée. Il y en avait un provenant du vétérinaire intitulé « Iggy », plusieurs mails de centrales d’achat, puis son regard se figea : malebolge@hell.com… Le mail s’intitulait « OPERA ». Elle retint sa respiration et cliqua sur le pavé numérique.

J’espère que tu aimes l’opéra, Christine .

Rien d’autre.

Sale enfoiré de merde !

Elle agrippa le MacBook à deux mains et — dans un geste libératoire et vengeur — le projeta de toutes ses forces contre le mur de la chambre, où elle le vit et l’entendit se fracasser avant qu’il ne retombe sur le plancher, hors d’usage mais presque intact : les MacBook sont solides…

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