Bernard Minier - Glacé

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Prix du meilleur roman francophone au Festival Polar de Cognac 2011
Prix de l’Embouchure 2012 Décembre 2008, dans une vallée encaissée des Pyrénées. Au petit matin, les ouvriers d’une centrale hydroélectrique découvrent le cadavre d’un cheval sans tête, accroché à la falaise glacée.
Le même jour, une jeune psychologue prend son premier poste dans le centre psychiatrique de haute sécurité qui surplombe la vallée.
Le commandant Servaz, 40 ans, flic hypocondriaque et intuitif, se voit confier cette enquête, la plus étrange de toute sa carrière. Pourquoi avoir tué ce cheval à 2 000 mètres d’altitude ? Serait-ce, pour Servaz, le début du cauchemar ?
Une atmosphère oppressante, une intrigue tendue à l’extrême, une plongée implacable dans nos peurs les plus secrètes, ce premier roman est une révélation !

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BERNARD MINIER

Glacé

À la mémoire de mon père.

À ma femme, à ma fille et à mon fils.

À Jean-Pierre Schamber

et Dominique Matos Ventura,

qui ont tout changé.

DE :

DIANE BERG

GENÈVE

À :

DR WARGNIER

INSTITUT PSYCHIATRIQUE WARGNIER

SAINT-MARTIN DE COMMINGES

Curriculum vitae de Diane Berg

Psychologue FSP

Spécialiste en psychologie légale SSPI.

Date de naissance : 16 juillet 1976

Nationalité : Suisse

DIPLÔMES :

2002 : Diplôme d’études supérieures en psychologie clinique (DES), université de Genève. Mémoire de diplôme : « Économie pulsionnelle, nécrophilie et dépeçage chez les tueurs compulsifs ».

1999 : Licence de psychologie, université de Genève. Mémoire de licence : « Quelques aspects des peurs enfantines chez les 8-12 ans »

1995 : Maturités, classique et latine

1994 : First Certificate of English

EXPÉRIENCES PROFESSIONNELLES :

2003 — Cabinet privé de psychothérapie et de psychologie légale, Genève

2001 — Assistante de P. Spitzner à la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (FPSE), Université de Genève

1999–2001 — Psychologue stagiaire, Institut universitaire de médecine légale, Genève

Psychologue stagiaire du Service médical de la prison de Champ-Dollon

SOCIÉTÉS PROFESSIONNELLES :

International Academy of Law and Mental Health (IALMH)

Association genevoise des psychologues-psychothérapeutes (AGPP)

Fédération suisse des psychologues (FSP)

Société suisse de psychologie légale (SSPL)

INTÉRÊTS :

Musique classique (dix ans de violon), jazz, lecture

Sports : natation, course à pied, plongée, spéléologie, saut en parachute

PROLOGUE

Dgdgdgdgdgd — tactactac — ddgdgdgdgdg — tactactac

Les bruits : celui, régulier, du câble et, par intermittence, les roues des pylônes lorsque le sabot du téléphérique passait dessus, communiquant ses secousses à la cabine. À quoi s’ajoutait la plainte flûtée du vent, omniprésente, comme des voix d’enfants en détresse. Et celles des occupants de la cabine, gueulant pour couvrir le vacarme. Ils étaient cinq — Huysmans compris.

Dgdgdgdgdgd — tactactac — ddgdgdgdgdg — tactactac

— Putain ! J’aime pas monter là-haut par ce temps ! dit l’un d’eux.

Silencieux, Huysmans guettait l’apparition du lac inférieur — mille mètres plus bas, à travers les rafales de neige qui cernaient la cabine. Les câbles semblaient étrangement lâches, décrivant une double courbe qui s’enfonçait paresseusement dans la grisaille.

Les nuages s’entrouvrirent. Le lac apparut. Brièvement. Pendant un instant, il eut l’air d’une flaque sous le ciel, un simple trou d’eau entre les cimes et les bandes de nuages qui se déchiraient sur les hauteurs.

— Qu’est-ce que ça peut foutre, le temps ? dit un autre. On va passer une semaine coincés sous cette putain de montagne, de toute façon !

L’usine hydroélectrique d’Arruns : une série de salles et de galeries creusées à soixante-dix mètres sous terre et perchées à deux mille mètres d’altitude. La plus longue mesurait onze kilomètres. Elle conduisait l’eau du lac supérieur vers les conduites forcées : des tubes d’un mètre et demi de diamètre qui dévalaient la montagne et précipitaient l’eau du lac supérieur vers les turbines assoiffées des groupes de production, en bas dans la vallée. Pour accéder à l’usine, au cœur de la montagne, un seul chemin : un puits d’accès dont l’entrée se trouvait presque au sommet, la descente en monte-charge jusqu’à la galerie principale qu’on suivait, vannes neutralisées, à bord de tracteurs à deux places : un voyage d’une heure au cœur des ténèbres, le long de huit kilomètres de galeries.

L’autre moyen, c’était l’hélico — mais uniquement en cas d’urgence. Une aire avait été aménagée près du lac supérieur, accessible quand le temps s’y prêtait.

— Joachim a raison, dit le plus vieux. Avec un temps pareil, l’hélico ne pourrait même pas atterrir.

Ils savaient tous ce que cela voulait dire : une fois les vannes rouvertes, les milliers de mètres cubes d’eau du lac supérieur s’engouffreraient en rugissant dans la galerie qu’ils allaient emprunter dans quelques minutes. En cas d’accident, il faudrait deux heures pour la vider à nouveau, une autre heure en tracteur à travers la galerie pour revenir au puits d’accès, quinze minutes pour remonter à l’air libre, dix de descente en télécabine jusqu’à la centrale et trente autres de route jusqu’à Saint-Martin-de-Comminges — à supposer que la route ne fût pas coupée.

Si un accident survenait, ils ne seraient pas à l’hôpital avant quatre bonnes heures. Et l’usine vieillissait… Elle fonctionnait depuis 1929. Chaque hiver, avant la fonte des neiges, ils passaient là-haut quatre semaines, isolés du monde, pour l’entretien et la réfection de machines d’un autre âge. Un travail pénible, dangereux.

Huysmans suivait le vol d’un aigle qui se laissait porter sur le plat du vent, à cent mètres environ de la cabine.

Silencieux.

Il tourna son regard vers les vertiges glacés qui s’étendaient sous le plancher.

Les trois énormes tuyaux des conduites forcées plongeaient vers l’abîme, collés au relief de la montagne. La vallée avait depuis longtemps quitté leur champ de vision. Le dernier pylône était visible trois cents mètres plus bas, dressé là où le flanc de la montagne formait un épaulement, se profilant solitaire au milieu du brouillard. À présent, la cabine grimpait tout droit vers le puits d’accès. Si le câble venait à rompre, elle ferait une chute de plusieurs dizaines de mètres, avant d’exploser comme une noix sur la paroi rocheuse. Elle se balançait dans la tempête tel un panier au bras d’une ménagère.

— Eh, cuistot ! Qu’est-ce qu’on va bouffer cette fois ?

— Pas du bio, en tout cas.

Seul Huysmans ne rit pas ; il suivait des yeux un minibus jaune sur la route de la centrale. Celui du directeur. Puis le minibus sortit lui aussi de son champ de vision, avalé par les bandes de nuages, pareil à une diligence rattrapée par des Indiens.

Chaque fois qu’il grimpait là-haut, il avait l’impression de saisir une vérité élémentaire de son existence. Mais il était incapable de dire laquelle.

Huysmans déplaça son regard vers le sommet.

Le terminus de la télécabine — un échafaudage métallique accroché à l’entrée bétonnée du puits d’accès — se rapprochait. Une fois la cabine immobilisée, les hommes emprunteraient une série de passerelles et d’escaliers jusqu’au blockhaus de béton.

Le vent soufflait avec violence. Il devait faire dans les moins dix dehors.

Huysmans plissa les yeux.

Il y avait quelque chose d’inhabituel dans la forme de l’échafaudage .

Quelque chose en plus…

Comme une ombre parmi les entretoises et les poutrelles d’acier balayées par les bourrasques.

Un aigle, songea-t-il, un aigle s’est pris dans les câbles et les poulies.

Non, absurde. Mais c’était pourtant ça : un grand oiseau aux ailes déployées. Un vautour peut-être, prisonnier de la superstructure, empêtré entre les grilles et les barreaux.

— Eh, regardez ça !

La voix de Joachim. Il l’avait repéré, lui aussi. Les autres se tournèrent vers la plate-forme.

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