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Frédéric Dard: Cette mort dont tu parlais

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Frédéric Dard Cette mort dont tu parlais

Cette mort dont tu parlais: краткое содержание, описание и аннотация

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Retraité précoce, un fonctionnaire rencontre une jeune femme par petite annonce et l’emmène vivre dans une ferme de Sologne. Mais le fils qu’elle a déjà, sous des dehors charmants, est une petite frappe inquiétante et perverse. Elle-même… — En somme, vous êtes heureux ? — C’est un grand mot… — Elle paraît gentille. Peut-être un peu trop, non ? Dans un climat d’érotisme et de peur, de cupidité et de haines contenues, Frédéric Dard nous montre, avec sa cruauté baroque jusqu’où peut conduire l’asservissement sexuel. Et c’est terrible.

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Elle ne se lassait pas de me regarder.

— Vous autres, les honnêtes gens, quels beaux assassins vous faites quand vous vous y mettez.

— C’est un trop gros mot, Mina… Moi qui suis du genre pudique, j’appellerais plutôt ça une forme de légitime défense !

La lueur morte de ses yeux semblait se coaguler. J’ai lu ma mort dans le regard qu’elle me décochait. Mina allait me tuer… C’était fatal.

Une paix grise est descendue en moi. J’acceptais… La mort me semblait être une issue inconnue et raisonnable.

— Je pense qu’après ça, tu vas me tuer, n’est-ce pas. Mina ?…

Elle a hoché la tête.

— Je le pense aussi, Paul. Que puis-je faire de plus pour Dominique ?

— Très bien, ce sera comme tu voudras. Seulement, auparavant, je veux te faire comprendre…

— Me faire comprendre quoi ?

— Pourquoi j’ai agi de la sorte…

Elle a secoué la tête.

— Tu n’y parviendras jamais, Paul !

— Viens toujours…

Elle a eu une légère hésitation, puis elle m’a suivi.

Nous sommes montés au grenier l’un derrière l’autre. Une fois là-haut j’ai branché le magnétophone sur la baladeuse qui s’y trouvait encore.

— Tu vas écouter ça, Mina… Pense à ce que peut éprouver un homme amoureux en entendant ce petit enregistrement.

Je lui ai passé la bande qui contenait leur amour… Ces soupirs, ces râles de l’être mort étaient insupportables… Je me suis bouché les oreilles pour ne pas les entendre.

Mina s’est mise à crier. Elle pleurait et se pressait les tempes de ses mains affolées.

— Dominique ! suppliait-elle. Oh ! mon Dominique, pourquoi n’es-tu plus là… Je t’attends, mon amour ! Je t’attends… Viens ! Dominiiique ! Écoute, mon chéri, j’ai besoin de ta voix… J’ai besoin de ta chaleur, de ton sourire…

J’ai arrêté la diffusion.

Je pleurais aussi. Je pleurais de sa peine… Nos amours se confondaient maintenant. Elles étaient toutes les deux du même métal…

Elle est partie en courant. Je l’entendais dévaler l’escalier en sautant les marches. Je me disais qu’elle allait chercher une arme pour en finir… Et j’ai attendu…

Il faisait chaud dans le grenier… À travers la tabatière poussiéreuse, j’apercevais le ciel pommelé de Sologne et des feuilles mortes soufflées par le vent…

Bon, elle allait me tuer… J’allais finir là, dans ce grenier tiède… C’était très bien ainsi.

Peu de temps s’est écoulé. Son pas a retenti de nouveau dans l’escalier. Mais il était plus lent… Je conservais tout mon calme, mais je me demandais quelle arme elle ramenait…

Elle est apparue enfin, toute blanche sous ses cheveux de cuivre. Elle tenait à la main le petit flacon de poison que Dominique avait trouvé en fouillant le sol. C’était lui qui avait préparé ma mort avant que je songe à la sienne.

Mina s’est assise sur la malle.

— Remets encore la bande, Paul…

— Non !

— Je veux que tu la remettes, tu m’entends ? Je veux…

J’ai appuyé sur le bouton d’enroulement, puis j’ai actionné le déclencheur…

Je n’avais pas enroulé à fond et le son a démarré pile sur un petit cri de Dominique. Un cri de plaisir, voluptueux et avide.

Mina a écouté sans rien dire. Elle ne pleurait plus… Moi je n’arrivais pas à détacher mes yeux du flacon… Elle n’avait tout de même pas la prétention de me faire avaler ça ?

Lorsque la bande a cessé d’émettre. Mina a ôté le petit bouchon de caoutchouc du flacon. Elle a porté celui-ci à ses lèvres et avant que j’aie pu intervenir, elle en avait avalé le contenu.

Je me suis mis à beugler :

— Espèce de c…, on ne joue pas du Shakespeare !

Je lui ai arraché le flacon brun des doigts et l’ai jeté à l’autre extrémité du grenier.

Je bredouillais… « Mina ! Mina, il faut faire quelque chose… Mina, il faut… »

Je devais prévenir un médecin, seulement j’avais détérioré le poste téléphonique. Que faire ?

L’emmener de force au village ?

Elle m’a imposé silence de la main.

— Tais-toi, Paul… Laisse-moi au moins mourir tranquille…

Je courais autour d’elle en claquant des dents et en me tordant les mains.

— Voyons, Mina, ça n’est pas possible ! Tu ne vas pas me faire ça… Tu ne vas pas me laisser seul ! Encore seul ! Seul !

Elle a eu un léger sourire.

— Tu ne resteras pas sans compagnie, Paul… N’oublie pas que j’ai souscrit une assurance-vie à ton profit. Beaucoup de gens vont s’intéresser à toi maintenant !

Je ne pensais pas qu’il fût possible d’injurier un agonisant. Et pourtant je l’ai fait. Sa vengeance était trop démoniaque décidément.

— Mina, tu n’es qu’une s… ! Mina, je te maudis !

Elle a murmuré :

— Merci, Paul. Venant de toi, c’est une bénédiction…

Sa pâleur s’accentuait encore. Elle a porté la main à sa poitrine et ses traits se sont creusés.

— Les femmes n’ont pas de chance dans cette maison, a-t-elle gémi…

J’avais cessé de m’affoler. Je la regardais. Le magnéto toujours branché émettait un petit sifflement électrique.

Elle avait retrouvé sa beauté. On eût dit une statue. À mesure que la vie se retirait d’elle, elle revêtait la froide majesté du marbre.

Je me suis agenouillé devant elle.

— Je te demande pardon, Mina… Je t’aimais trop… Je ne vous oublierai jamais, toi et lui.

Je crois que cette dernière exclamation l’a touchée. Elle a traversé son engourdissement.

Ses paupières se sont relevées un peu.

— Paul…

Elle avait encore une voix audible.

— Parle, ma chérie… Parle… Je t’écoute…

— Tout le monde est seul, a-t-elle balbutié. Crois-tu que les morts le soient aussi ?

Je me suis levé, je l’ai prise dans mes bras et, d’un pas titubant, j’ai descendu l’escalier de bois. En arrivant en bas, je l’ai allongée sur le canapé et j’ai vu qu’elle ne respirait plus. C’est à cet instant seulement que j’ai répondu à sa question.

— Je ne sais pas si les morts sont seuls, Mina, mais ils ne peuvent pas l’être plus que moi !

FIN

Примечания

1

Chasses aux grands fauves organisées par des guides spécialisés.

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