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Hugues Pagan: Profil perdu

Здесь есть возможность читать онлайн «Hugues Pagan: Profil perdu» весь текст электронной книги совершенно бесплатно (целиком полную версию). В некоторых случаях присутствует краткое содержание. Город: Paris, год выпуска: 2017, ISBN: 978-2-7436-4336-2, издательство: Éditions Payot & Rivages, категория: Полицейский детектив / Триллер / на французском языке. Описание произведения, (предисловие) а так же отзывы посетителей доступны на портале. Библиотека «Либ Кат» — LibCat.ru создана для любителей полистать хорошую книжку и предлагает широкий выбор жанров:

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Hugues Pagan Profil perdu

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En cette soirée de réveillon de l'année 1979, un inspecteur du Groupe stupéfiants interroge Bugsy, dealer connu des services, à propos d'une photo représentant une jeune femme. Le dealer ne dira rien, sinon qu'il faut « demander à Schneider ». Schneider est le chef du Groupe criminel. Flanqué de son adjoint Charles Catala, il sillonne la ville à bord de sa Lincoln Continental tel un fantôme. Deux évènements vont faire basculer sa vie : une enquête trouble sur l'attaque à main armée dont a été victime son collègue des stups, et une rencontre en forme de coup de foudre… Profil perdu La Mort dans une voiture solitaire « Pagan signe une foudroyante histoire d’amour. » Le Monde des Livres « Hugues Pagan est le meilleur auteur de romans noirs français. » L’Express

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— Un glass, prêcheur ?

— Non, refusa Meunier.

— C’est vrai que vous picolez pas.

— C’est vrai que je ne picole pas, admit Meunier d’un ton beaucoup trop sec.

Il était sur le point de tourner les talons. Les paupières de Stern s’étrécirent. Personne n’aurait jamais songé à lui répondre sur ce ton. Jamais aucun de ses chaouches*. Stern lui aurait volontiers écrasé la gueule à coups de pompe, seulement Meunier n’était pas tout à fait n’importe qui. À preuve : il n’avait pas besoin de sa paye de flicard pour vivre. Il ne prenait même pas de pognon au passage, ou de came sur les saisies, ce qui le rendait immédiatement suspect aux yeux de tous. Stern changea subitement d’axe et demanda de son ton de chef de service :

— Ça a donné quoi, avec votre larve ?

— Rien, regretta Meunier. Bugsy n’avait rien sur lui.

Stern laissa filtrer un regard de haine entre ses paupières serrées.

— Pauvre con. On vous amène le type sur un plateau, vous aviez plus qu’à l’attendrir un peu pour qu’il s’affale. Même pas beaucoup, deux trois mandales. Quelques claques dans la gueule et il s’allongeait à perte de vue. C’est pas difficile, quand même. (Stern explosa.) C’est quoi, ces conneries ? Vous êtes un flic ou une putain de bonne sœur ?

Meunier s’aperçut que le silence s’était fait autour d’eux.

— Vous êtes flicard, oui ou merde ? rugit Stern. Où c’est que vous avez vu écrit qu’une garde à vue, c’est une partie de plaisir ? Si vous êtes pas foutu de faire correctement votre job, rien ne vous empêche de laisser la place aux autres.

— Bugsy n’avait rien sur lui, répéta Meunier.

— Sur lui, peut-être, mais dedans ?

Meunier marqua le coup.

— Vous êtes allé voir dans son trou du cul ?

— Non, reconnut Meunier.

— Bugsy revenait du ravito*. D’après ce qu’on sait, il était allé faire son marché. Bugsy fait dans le demi-gros. Si ça se trouve, il avait l’ampoule rectale pleine. Maintenant, il y a deux cents grammes de dope de plus qui se baladent quelque part dans la ville. Le soir du réveillon. Vous en avez fait quoi, de votre macaque ?

— Remis en liberté à l’issue de son audition, récita froidement Meunier.

— Pauvre con, grinça Stern. On vous paye pour quoi ? Pour ravitailler le marché ? Une veille de fête ? Vous vous êtes pas demandé pourquoi Bugsy était allé se ravitailler le 31 décembre et pas le 12 ou le 15 du mois d’après ? Vous êtes nul à chier, Meunier. C’est votre connasse de bonne femme qui vous déteint dessus, ou quoi ?

Immédiatement, Meunier avança d’un pas. Il avait les poings serrés et le visage gris de rage. Immédiatement, le costaud qui servait de garde rapprochée à Stern fit mouvement. Il était bien chargé lui aussi, mais il faisait deux cents livres et avait une bonne expérience du combat rapproché. Il servait de force de frappe lors des interviews poussées. Deux cents livres vous brisent facilement les côtes d’un détenu, surtout celles d’un type menotté dans le dos. Dans la rue, tout le monde le redoutait sous le nom de code de Pablo Escobar, en référence à l’autre Pablo Escobar, le vrai. Pablo était la créature et le principal homme de main de Stern.

Pablo Escobar fit mouvement de manière à jouer le rôle de force d’interposition.

— À ta place, j’hésiterais, murmura-t-il.

— Dégage, déclara Meunier.

Il avait Stern bien dans l’axe. Il lui suffisait de faire deux pas en avant. Escobar avait cessé de compter. La gueule de Stern offrait une cible parfaite. Trapu, le visage bouffi par l’alcool, il avait les paupières lourdes et déjà des poches de vieux fêtard sous les yeux. Meunier savait que lui-même se tenait en équilibre précaire sur cette mince ligne de crête où d’une seconde à l’autre tout pouvait basculer, où à tout instant la rage pouvait se déclencher en ravageant tout sur son passage.

C’est votre connasse de bonne femme qui vous déteint dessus, ou quoi ?

Meunier allait lui écraser la tronche, même s’il savait qu’il finirait par succomber sous le nombre. Et subitement, il prit conscience que ce n’était plus de la haine qu’il lisait dans les yeux de Stern. Même pas de la peur. C’était le regard anxieux et désespéré d’un homme en train de se noyer en silence et déjà résigné à sa propre perte.

Meunier desserra les poings, pivota sur les talons et disparut.

Dans son dos, Stern tendit son verre à l’enquêteur de police Pablo Escobar pour qu’il le remplisse. Puis il leva le scotch lentement en ricanant d’une voix graillonnante :

— Ce fils de pute en a plus pour longtemps. À partir de maintenant, il est mort.

À cet instant, Stern ignorait à quel point il était proche de la vérité.

3

De nouveau, le vent avait forci et Schneider pressentait qu’il en serait ainsi toute la nuit et une bonne partie du lendemain, avec de courtes accalmies et de brusques retours de flamme. De grands bancs de nuages blêmes s’effilochaient par instants au ras des arbres à travers la lumière de la ville et fuyaient en hâte se réfugier dans le sombre tumulte de la nuit. La grosse Lincoln se comportait comme un chaland de débarquement qui tâche de tracer sa route en peinant contre les lames qui le prennent par le travers. Thème de l’année : Cotton Club. Schneider alluma une Camel avec un sourd sentiment d’irritation. Une Camel de trop. Schneider savait que toute Camel était une Camel de trop. Cotton Club. Connerie. Marina avait trente ans, Monsieur Tom avait passé les cinquante depuis un moment. Il marchait sur les soixante. Avec Marina, il se refaisait une jeunesse qui lui coûtait la peau des couilles, il le savait mais il s’en foutait. Tom avait les moyens de se foutre de tout.

Il tenait la ville dans sa main, comme son père l’avait fait avant lui et le père de son père au siècle d’avant. Monsieur Tom présidait la chambre de commerce et d’industrie, il était au Rotary, il donnait à la Croix-Rouge et dirigeait le conseil d’administration du CHU. Il tenait la presse locale sous perfusion et cotisait en tant que lambda aux Républicains Indépendants, tout en faisant les yeux doux au jeune député socialiste du coin. Jamais tous les œufs dans le même panier. Ceux qui ne l’aimaient pas le traitaient de margoulin* sans scrupule. Les autres tenaient Monsieur Tom pour un remarquable capitaine d’industrie et un homme de pouvoir. Il était partout où ça comptait.

L’habitacle sentait le cuir neuf et la cigarette blonde. Le fauteuil du passager faisait au loin près de deux mètres carrés. Schneider enfonça la cassette dans le lecteur au tableau de bord. Le Wild Man Blues s’éleva presque tout de suite et presque tout de suite, on entendit sinuer les volutes maléfiques d’une clarinette basse à la contre-mélodie puissante et dure. C’était une rare version enregistrée en 1936 par les Johnny Dodds Black Bottom Stompers. Personnel inconnu. Schneider s’engagea dans la longue allée qui conduisait jusque chez Monsieur Tom, en sinuant à travers une pinède sans âge. Schneider avait brusquement ressenti une curieuse sensation de paix, qui devait peut-être beaucoup à la fatigue. Depuis une semaine, le groupe criminel et son chef filaient nuit et jour une bande qui se préparait à monter au braquage. Ils travaillaient sur renseignement, et Schneider aux amphétamines.

Brusquement, il y eut une série d’appels de phares excédés dans le rétroviseur. Moins d’un mètre derrière son coffre, une Golf seize soupapes tentait de forcer le passage en se jetant de droite et de gauche, avec l’arrogance d’une voiture de circuit. Schneider ralentit et se rangea sur le côté. Au passage de la Golf, en une fraction de seconde, il lui sembla apercevoir, tourné vers lui, le beau visage carré et très en colère d’une jeune femme à la grande bouche sombre, et qui avait l’air de l’insulter. Il eut subitement un bref pincement au cœur, une sorte de spasme d’amertume. Ce genre de femme était bien trop cher pour un baltringue comme lui. Elle était même hors de prix et elle le savait. La Golf ne tarda pas à disparaître au premier tournant, en bombardant le bas-côté droit d’une grosse giclée de graviers. Schneider alluma une cigarette au cul de la précédente. Plus loin, à travers les arbres, on pouvait commencer à apercevoir des lumières. Monsieur Tom avait bien fait les choses : tout le parc à l’avant de la maison était éclairé comme a giorno et il y avait même des voituriers affairés à conduire les véhicules au parking, où déjà plus d’une cinquantaine de voitures étaient rangées sous les frondaisons comme pour un concours d’élégance.

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