Frédéric Dard - Vol au-dessus d'un lit de cocu

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Vol au-dessus d'un lit de cocu: краткое содержание, описание и аннотация

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Si San-Antonio n'existait pas, faudrait-il l'inventer ? Oui, sans hésitation. Le Monde.
Et bon, dans çui-là, y a Arthur Rubinyol, le fameux virtuose, qui vient sonner à l'agence. Alors ça effervescente tout azimut, on déroule le grand tapis rouge, en signe d'alléluia.
Ben heureusement qu'il était rouge, le tapis ! Comme ça, le raisin se voyait moins ! Et puis y a le rabbin Machin, pardon, Moshé, qui se fait éventrer d'entrée de jeu. Sans causer de la Ricaine que j'ai levée dans l'avion et qui se met à tirlipoter le Vieux !
Si tu ajoutes à ces plaisanteries notre équipée finnoise au cours de laquelle Béru s'est respiré la mégère du bûcheron, t'auras compris qu'il s'en passe des bizarres dans cet opuscule !
Et tout ça à cause d'un vieux coco vindicatif.
Tu parles d'une corne d'abondance !

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— Exact, mon petit. Pardon. La colère m’emportait. Filez m’attendre au bureau, je vais vous excuser auprès de cette aimable femme et je paierai la chambre.

— Ne serait-il pas mieux que je…

— Et merde, San-Antonio ! éclate le Tondu au point que j’en suis baba. Sachez que le troisième a été assassiné ! Nous n’avons pas de temps à perdre. Hâtez-vous, sacrebleu. Il s’agit de protéger le dernier coûte que coûte ! C’est un ordre. Si on me tuait le quatrième, San-Antonio, je serais contraint de donner ma démission après avoir exigé la vôtre ! Prenez ma Rolls, mon chauffeur va vous conduire ; moi je vous rejoindrai en taxi. Je fais ça pour la France, San-Antonio. Elle seule ! Unique ! Toujours. La Victoire, en chantant, nous ouvre la barrière…

Il fonce à rebrousse-hall en bramant le « Chant du Départ ». Je sais pourquoi dans le fond je demeure très attaché à cette vieille baderne : c’est quelqu’un de pas ordinaire.

PARIS

Mathias a déposé le petit bout de sourcil postiche dans l’un de ces sachets de plastique dont il a plein les poches de son gilet de notaire.

— Mathias, murmuré-je, as-tu vu le père Rubinyol quand il a séjourné ici ?

— Sachant par Claudette qu’il était chez nous, je me suis permis de venir dans l’antichambre sous un prétexte quelconque. J’ai la plupart de ses disques et ma femme qui a fait deux années de Conservatoire…

— Avait-il de faux sourcils ? l’interromps-je.

— Lui ! Ah sûrement pas, monsieur le commissaire.

— En es-tu certain ?

— Je le jurerais sur la vie de mes enfants, monsieur le…

— D’où te vient cette certitude ?

Le Rouquin a une expression réprobatrice. C’est pas un vaniteux, mais il n’aime pas que l’on mette en doute ses qualités.

— Vous savez bien, monsieur le commissaire, que j’ai l’œil pour repérer ce genre de chose ? Moi, une moumoute, des cheveux teints, une prothèse dentaire même parfaite, je les détecte au premier regard. Rappelez-vous cet espion iranien dont j’avais remarqué qu’un des petits pois de sa cravate recelait des micro-films !

La porte s’ouvre sur Bérurier.

— Qui veut des frites ? demande notre Valeureux en s’avançant, les bras chargés de pommes de terre croustillantes qui sentent la gare du Nord et la loge de concierge à midi.

— Moi ! accepte Claudette.

Bonne âme, le Gros verse une partie de sa cargaison sur le bureau de la donzelle, sans se soucier du sous-main de cuir ni du courrier fraîchement tapé. Claudette le traite de porc. Sévère riposte de l’Incriminé qui brode sur le thème de l’homme généreux dont les largesses ne sont pas appréciées à leur juste valeur et qui finit par pisser au cul de ces connasses vaniteuses pour lesquelles une innocente tache de graisse justifie les plus noires ingratitudes, qu’après tout, merde, il est trop bon de donner ses frites à cette pompeuse de paf éhontée, et que tiens donc, il les reprend, ma vache, ça l’apprendra.

— Tu tombes à pic, coupé-je, suis-moi.

— Où ce que ?

— On va rendre visite à un éditeur.

— Tu médites bien assez suffisamment comme ça, jeu-de-motise Alexandre-Benoît.

Peu rancuneux, il se penche sur le burlingue à Claudette ; approchant au plus près son visage de séducteur du sien.

— Allez, rancune pas, dit-il, t’veux qu’ j’ te dise quèque chose de passionnant, môme ?

— Quoi donc ? demande la ravissante, sans se méfier.

Béru avance encore sa trogne de la frimousse de notre secrétaire. Puis il lui balance un rot à l’huile de cheval qui coucherait un champ de blé mûr.

— Sale dégueulasse ! trépigne la malheureuse jeune fille, je ne resterai pas davantage dans une boîte pareille ! C’en est trop, je donne ma démission !

— Chouette, non ? me dit l’Infâme, t’ vas p’t-êt’ pouvoir engager une vraie escrétaire à la place. Choisis-z’en t’une qu’aura un peu plus d’ nichons, plize. Césarine, elle flanchait nett’ment du balconnet. Ses ogives chercheuses, on avait d’ la peine à les trouver, c’ qu’est t’un comb’ !

— Je pars, me dit Claudette avec l’expression d’une sainte Blandine qui ferait pipi dans sa culotte avant d’entrer dans l’arène aux lions.

— O.K., à ce soir, réponds-je en lui virgulant une main tombée au prose.

« Tu devrais lui faire une petite fleur, histoire de la calmer, soufflé-je à Mathias. Si Pinaud donne signe de vie, laisse-moi un mot sur mon bureau ! »

* * *

Le public imagine toujours que les éditeurs sont des gens somptueusement installés dans des locaux ultra-modernes et que le scotch coule à flots, que les secrétaires sont belles et salopes, tout ça bien. Tu parles ! Le luxe c’est valable pour le Fleuve Noir qu’a le privilège unique au monde d’éditer des auteurs qui tirent mieux que des cheminées de hauts-fourneaux. Chez nous, oui, y a de la moquette de dix centimètres, des portes à cellule photoélectrique, du champagne plein les bureaux, des jolies secrétaires habillées par Sonia Rykiel, des divans recouverts en peau de suédoise, des cloisons insonorisées tendues de soie ; y a en permanence un orchestre de chambre qui joue des trucs délicats, diffusés par circuit interne, pour endormir le personnel. T’as besoin de quèque chose, y t’ suffit d’appuyer sur un bouton. T’as besoin de rien, pareil ! Un simple bouton et t’as rien ! T’arrives : une hôtesse en bikini et chapeau haut-de-forme t’épingle une rose à la boutonnière (le P.-D.G. est socialiste). Dès que tu dépasses cent mille de tirage, on développe un tapis en poils de cul devant toi et t’es sucé dans l’antichambre par le service d’accueil. T’as des appareils distributeurs de chèques approvisionnés où il te suffit de taper la somme que tu veux en à-valoir pour que la belle image B.N.P. sorte de la fente. Non, franchement, je serais un nain gras de pas reconnaître le combien notre maison est aboutie dans le genre. Que d’ailleurs ça se bat pour y entrer : les potes des autres maisons à polars. Chaque jour, on doit appeler Police-Secours because ils s’empoignent pis que des chiffonniers devant les portes. Tiens, à propos de portes, tu te figures qu’elles sont en cuivre ? Pauvre con, va ! Du jonc, oui ! 18 carats, s’il te plaît ! Qu’est-ce que tu crois ? Je te dis, ça, c’est le Fleuve Noir.

Seulement t’as le reste.

Les bouffe-merde qu’éditent de la pseudo-littérature. Ceux qui font dans le para-génie ou dans le para génial. Qui publient des choses qu’on peut pas s’imaginer que des gonziers pensent à écrire ça ! Des trucs dont il est pas possible d’envisager qu’un seul mec au monde puisse les acheter, même avec le canon d’un revolver appuyé sur la nuque !

Et ce reste que je te fais état, l’aminche, constitue la majorité. Pas écrasante, oh que non ! Bien trop nulle pour écraser quoi que ce soit ! Ainsi, les éditions Gontrand Mazoche, peu connues, pas rentables, se situent dans une vieille imprimerie au fond d’une impasse lépreuse du côté de la République. Affaire de famille. Elle a connu des heures plus glorieuses, au temps du grand-père Jules Mazoche spécialisé dans les livres scolaires. Et puis le fils a été moins à la hauteur, et le petit-fils, quant à lui, c’est le franc navet, d’après ce que nous raconte le vieux comptable qui a connu les deux générations précédentes. Il continue de faire fonctionner les bécanes déglinguées en publiant des œuvres vachetement confidencieuses, de celles qui tirent à mille et se vendent à deux ou trois exemplaires à des aveugles fourvoyés. Titres du catalogue : « La pelade chez les ânes de la Basse-Egypte » ; ou : « Les lépidoptères de la région Nord de Vaison-la-Romaine ». Le vieux comptable, il acquiesce que c’est bien eux qu’ont publié l’altelas de giographie, comme dit Béru. Une réimpression. L’ouvrage fut édité par le père de Gontrand, Ludovic Mazoche. Là-dessus, l’Alsace et la Lorraine sont allemandes et il existait l’Afrique Equatoriale Française à la place des nouveaux bleds indépendants d’aujourd’hui. Mais ils ont rajouté des additifs récents à cette relique, entre autres ce chapitre sur l’ethnographie. Qu’avant, les expressions étaient pas appropriées. On montrait la photo d’un Noir et on disait : « nègre du Soudan », ce qui fait mauvais effet de nos jours où on surveille son vocabulaire et qu’on dira Monsieur à un Crouille marchand de cacahuètes, précise le comptable.

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