Frédéric Dard - Les deux oreilles et la queue

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Les deux oreilles et la queue: краткое содержание, описание и аннотация

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Les deux oreilles et la queue, tu le sais, représentent la suprême récompense qu'un jury de corrida accorde à un toréador qui a magistralement scrafé son bestiau.
Dans notre affaire, j'ai obtenu les deux oreilles et la queue. Et tu sais qui me les a accordées ? Monsieur le président de la République royale française !
Juré craché !
Si tu ne me crois pas, t'as qu'à lire… Les deux oreilles et la queue, moi, tu te rends compte ?
Plus quelques jolis culs qui passaient par là, naturellement.

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Alors, je la remets soigneusement dans mon porte-cartes Vuitton, cadeau d’une personne dont j’ai un peu délayé le sensoriel avant de me brancher sur la Tzarine.

— Je respecte le chagrin, répété-je d’une voix tendre, seulement la vie continue, ma petite fille. Il va falloir penser un peu à toi, maintenant. Tu ne veux pas qu’il t’arrive la même bricole, môme ?

Là, elle se raccroche à la cordée.

— Comment, qu’il m’arrive la même bricole ? On m’a dit…

— Qu’il avait eu une crise cardiaque dans sa lampe à faire des nègres ?

— Ben oui ; c’est pas ça ?

Là, je me lance dans ma partition :

— Si c’était ça, pourquoi serais-je ici ?

— Que voulez-vous dire ?

— Devine !

— Il aurait été…

— T’en doutes ? Un gars comme Prince ; quarante balais, beau comme une bite neuve, se farcir un infarctus, tu parles d’une maldonne !

— Ils l’ont buté ?

— Un vrai velours, ma poule !

Maintenant, me faut savoir qui elle englobe dans son « ils ».

— Et tu devines pourquoi ils se le sont payé ?

Elle ne répond pas.

— L’affaire de la G.D.B., conclus-je. Et toi aussi, tu vas avoir droit au mignon lardeuss en sapin qui a des poignées à la place des manches.

Elle allait chiquer au « je ne sais de quoi vous parlez », mais la fin de ma phrase fait capoter ses dénégations. Alors elle regobe ses indignations bidon pour gémir :

— Mais pourquoi, moi ? J’ai rien à voir dans ces giries !

— Tu leur diras, peut-être qu’ils te croiront.

J’ajoute au bout d’un silence convenable :

— Ou peut-être pas.

Bérurier, indifférent à cet échange, chantonne une scie d’avant 14 :

Tu pues des pieds mais je t’adore
Parce que tu sens plus fort que moi

Il a dégauchi cette fois une vraie bouteille contenant, comme il le dit, « de la vraie alcool », et sa joie de vivre s’amplifie. Il va et vient dans l’appartement, ouvrant des tiroirs à sa guise, et puis des placards, tout ça…

— Je n’ai rien fait ! lance Marie-Anne en frappant du pied.

La peur prend doucettement le pas sur la peine. Sa peau lui semble plus importante que celle de son défunt.

Je lui donne une petite tape affectueuse sur la joue.

— Y a des moments où il faut comprendre où est son intérêt, fais-je en modulant. Si tu t’obstines à battre à niort, bon, je te laisse et advienne que pourra. Par contre, si tu nous éclaires la vitrine en grand, comme pour Noël, alors là, on fait le ménage et t’es peinarde dans ton veuvage en attendant de refaire ta vie ; belle et jeune comme tu es, excuse-moi, mais ça paraît inévitable. Tu m’as pigé, ou je dois faire venir un traducteur ?

Elle a un léger mouvement d’épaules. Oui, oui, elle comprend.

— Tu vois bien, poursuis-je, que je suis au courant de l’essentiel ; que tu parles ou que tu te taises, je découvrirai ce qu’il me faut savoir ; seulement si tu la boucles ça prendra un peu de temps, et c’est ce temps-là qui risquerait de t’être néfaste, do you capite, mein Fraülein ?

Comme elle ne répond pas, je lui en distille encore quelques centimètres :

— Si tu y mets du tien, avant la fin de la journée tout peut être terminé sans bavures. On est une équipe à part, capable de travailler sans filet.

Béru s’avance en tapotant l’un contre l’autre deux fascicules bleus. Des passeports.

— Vous alliez partir pour le Venez-suer-là ? demande-t-il.

Il m’ouvre les carnets couleur d’espérance à une page où s’étale effectivement le visa du Venezuela.

Je trouve l’ouverture.

— Vous prépariez un voyage de noces, petite fille ? Tu sais que tu peux le faire seule !

CHAPITRE XVII

ON CHARGE

Non, mais tu vas voir, ma jolie petite fille, si salope, combien cette aventure est édifiante et stupétrange. A n’y pas croire.

Crois-la pas si tu voudras, comme dit Béru, les fesses sont là, indéniables, et oublille pas une chose, mon tendron : trop de scepticisme engendre la solitude. Moins tu croiras, plus tu seras abandonnée en ce pauvre monde devenu si petit qu’on sera bientôt obligés de s’y tenir sur un pied.

Moi, du temps que Marie-Anne hésite, je bigophone au pécé, demander à Mathias si les braves autres pieds nickelés ont donné de leurs chères nouvelles.

C’est Achille qui me répond, bien découillé par son essoreuse chichiteuse. Il a sa superbe de jadis : timbre d’airain (tintin), inflexions sonores du tribun qui s’écoute jacter et qui n’attaque pas la phrase suivante que les échos de la précédente ne soient morts de leur bonne mort.

— Où êtes-vous, que faites-vous ? m’interroge-t-il.

Dis, tu permets, il se croit revenu au temps du muet, le Dabe. Va-t-il me falloir lui rappeler à tout bout de champ que dorénavant, c’est San-Antonio qui tient la barre ?

— Je suis où je dois être, Achille ; ensuite ?

Douché, il mesure la modestie de sa position dans le groupe et lâche dix tonnes de lest.

— Naturellement, mon bon, naturellement. Ah ! que je vous dise : lorsque Mathias m’a eu narré votre aventure de l’Apollon Club avec le sieur Prince, j’ai aussitôt téléphoné à l’Institut médico-légal où l’on a transporté le corps pour demander un premier examen au légiste. Son siège était déjà fait !

— Arrêt du cœur, ironisé-je, comme Hiro-Hito à Hiroshima.

— Oui.

Vieux gland !

Le Dabe reprend :

— Arrêt du cœur par injection de strychnine. On lui a planté l’aiguille fatale dans le talon !

Cher Achille ! Dans le talon !

Et moi qui me gaussais !

Comment expier proprement cette odieuse moquerie sans souiller mon pantalon à l’emplacement des genoux ?

Prince, assassiné !

Tout comme je viens de l’affirmer à sa gonzesse ! En somme j’ai inventé la vérité ! Ahurissant !

Assassiné ! Lui ! Presque en ma présence !

Ce qui domine en moi, c’est le soulagement. Ainsi donc ; il n’est pas mort d’un trop fort coup de soleil ? Je ne suis pour rien dans sa fin prématurée.

— Parfait, bon travail, Achille, bagouillé-je.

Je raccroche, oubliant du coup de m’informer sur nos collaborateurs.

Les images se bousculent au portillon de ma mémoire. Je revois le gros mec chauve, impatient, qui réclamait la place dans le vestiaire de l’institut. C’est lui l’assassin ! Il est entré pendant que l’autre commençait à se dégager de l’appareil, et flouttt ! lui a enquillé sa mignonne seringue dans la plante des pieds.

Une ébrouance pour recoller au réel. La veuve clito est toujours dans son fauteuil, l’air pas joyce.

Bérurier continue de fureter dans l’appartement. Il chante, cette fois : Petit oiseau qui tète encore sa mère . Je sens que Les matelassiers ne vont pas tarder. Son lyrisme est tonifiant.

— Ton julot est défunté d’une piqûre de strychnine, fais-je en prenant place sur l’accoudoir dans son fauteuil.

J’ajoute :

— Vos petits potes travaillent dans le subtil. Maintenant, il s’agit de faire vite si tu veux être debout devant la fosse et non couchée dedans quand on enterrera ce pauvre Prince.

Ne pas lésiner sur le lugubre quand on veut créer l’effroi. Regarde au cinoche, ce sont toujours les mêmes poncifs qui mouillent les slips des spectateurs : le cri dans la nuit, le cimetière au clair de lune, la maison sinistre dont les volets battent ; faut pas craindre. Si t’es trop pudique, tu te ramasses. Tu crois que j’aurais fait carrière si je n’avais tenté d’amuser qu’avec le bon appartement chaud et des mots d’enfants délicieux ? Zob ! A la truelle, mon pote ! A la taloche ! Fchlak ! fchlak ! Mets-en épais pour que ça tienne. Le flou artistique, ils le dégueulent. Sur les cartes de Noël, à la rigueur, oui, là, un peu de vaporeux, ils consentent. Mais ils aiment la potée auvergnate, la choucroute garnie, le cassoulet toulousain, tous ces mets solides qui font ventre ! Ma littérature fait ventre. C’est pas de la branlette, genre japonouille : poisson cru et autres conneries digérées avant que d’être bouffées. Je tiens au corps, moi, mes gueux. Ça pète et ça rote avec bibi ! Tu peux sortir sans cache-nez ni thermolactyl. Je te fais une santé de terrassier, tchlak ! tchlak ! Prends ton Sana de pèlerin et va la vie, mon grand : va la vie…

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