Frédéric Dard - Les vacances de Bérurier

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Les vacances de Bérurier: краткое содержание, описание и аннотация

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Le plus cocasse,
le plus délirant,
le plus fou fou fou,
le plus san-antoniesque
des SAN-ANTONIO

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LES VACANCES DE BÉRURIER

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LA CROISIÈRE DU

« MER D’ALORS »

ATTENTION !

  ACHTUNG !

   ATTENTION ! [1] Ce deuxième attention est écrit en anglais.

    ATTENZIONE !

Dans le livre ci-joint, il est question, entre autres trucs, d’un ministre, d’un professeur d’histoire et d’une compagnie de navigation.

Mettons-nous bien d’accord, mes drôles : ces personnages et cette compagnie sont fictifs absolument / Ils n’existent pas, n’ont jamais existé, ne se permettront jamais d’exister.

Et c’est bien dommage !

San-A.

Je me réjouis que dans le grotesque, aux confins de la mort.

CÉLINE

Le caméléon n’a la couleur d’un caméléon que lorsqu’il est posé sur un autre caméléon.

CAVANNA

1

Vous connaissez tous ma devise ?

Elle est la même que celle des Kennedy : « Ne jamais se LAISSER ABATTRE ! »

Voilà pourquoi, quand ça ne va pas, je décide que tout va bien.

Mon adversaire au tennis est un vilain petit coriace dont le sourire me semble aussi crispant que la leçon de piano des mômes de vos voisins. Le genre de gars qui élabore ses deltoïdes devant une glace et qui s’écrit le soir, de la main gauche, les lettres d’amours passionnés qu’il fait lire le lendemain à ses copains.

Alors que nous bénéficions d’un set chacun, cet endeuillé du cache-sexe me mène par cinq jeux à deux dans la belle. Il m’est donc avis, mes frères, que si la troisième manche est pour lui, le premier manche ce sera bel et bien votre San-Antonio déconfit dont une horde de spectatrices admire le smash, la classe et les jambes bronzées. In petto, car je suis aussi latiniste que tennisman, j’enrage, j’odésespoire. Mes doigts blanchissent sur le manche de ce que mon camarade Bérurier nomme une « braguette de pennis ». Être battu par un tocasson, mes chéries ? par une petite chose évasive qui lâche des bouffées d’orgueil comme un vieux bourrin lâche des pets, qui balise l’air avant de parler, qui préfigure ses gestes avant de les accomplir, qui rit de sa victoire avant que de l’avoir concrétisée, qui méprise d’instinct, qui gloriole, qui caracole du regard, qui s’impose, s’expose, se juxtapose, qui indispose, qui considère son nombril comme la caverne d’Ali Baba, un temple, un abri antiatomique, comme la cicatrice laissée par la pointe du compas céleste. Être battu par ce truc, cette chose, ce machin cloaqueux. cette roue de paon, cette guirlande de 14 juillet, ce plastron désamidonné, cette châsse vide, cette cloche sans tympan, ce te deum sans de Gaulle. Être défait par ÇA, moi San-Antonio, m’ulcère, me déface, me racornit, me conspue, m’extrade de ma personnalité, me brise, me brime, me déprime, m’abîme, m’endolore, m’émascule le respect humain.

La balle arrive comme un boulet. Je la cueille, mollement. « C’est pas un filet à papillon que tu as à la main, San-A », nargue mon subconscient. La boule feutrée se transmue en plomb et foire à mes pieds dans le sable rouge.

Ce court de tennis est une arène où l’on perce les flancs de ton standing, San-A. Ta dignité agonise comme un taureau exsangue. Elle va trépasser dans le soleil de la Côte d’Azur et on la traînera par les cornes, comme les vieux cocus défunts, jusqu’à la fosse commune des matamores vaincus.

— Quarante-trente ! annonce la voix impassibilo-métallique de l’arbitre juché sur sa haute chaise pour bébé gaullien.

Rien de plus éprouvant pour un joueur dominé que le morne décompte d’un arbitre de tennis, cousin germain du robot, frère de lait de la girafe, ami d’enfance du haut-parleur de gare !

Quarante-trente, mes amis !

Quarante pour le teigneux au sourire fumigène, trente pour moi ! S’il remporte ce jeu, ce sera son sixième. Donc, balle de match dans la raquette du zouave ! La coupe m’échappe comme le fondement de la tripophage Gargamelle. Elle s’éloigne simultanément de mes lèvres et de la desserte en faux acajou véritable où ma Félicie l’aurait dévotionneusement placée.

A la place de la triomphante coupe, le calice des amertumes, San-A. Tout ça parce qu’un paltoquet t’a sapé le mental avec un sourire crispant. La rogne et la grogne se sont lentement installées en moi, fers de lance de la colère. Rien de plus néfaste que la colère ! Elle agit sur les surrénales, lesquelles déversent de l’adrénaline dans le sang, ce qui rétrécit les artères, d’où risques d’infarctus ! Alors du calme, San-A. Du calme…

Ouvre le robinet de vidange de ta hargne et fiche-toi la paix, mon grand !

En face de moi, l’autre pavoise déjà.

Faut le voir jouer avec la balle avant son ultime (il en est persuadé) service. Il la fait rebondir à plusieurs reprises sur le sol, l’essuie contre sa culotte blanche, puis la soupèse comme votre petite amie soupèse vos enjoliveurs après usage pour vous témoigner son admiration et sa reconnaissance.

Soudain, un grand calme me vient. Mon cerveau se met à faire de la chaise longue. Là-bas, de l’autre côté du filet, le mesquin tend son orgueil comme un hamac et s’y prélasse.

Il se taquine l’impatience, se retient de gagner trop vite. Une belle éjaculation, ça se mijote ! La jouissance n’est qu’une apothéose qui précède le vide. Sa balle de match en puissance, il voudrait la lécher comme un sorbet, se la carrer dans les orifices, la refaire de ses propres mains…

Il y a comme un blanc dans l’univers. Une mesure pour rien. Le soleil silencieux arrose à tout va. Côté gradins, les spectateurs restent immobiles sous leurs chapeaux de gendarme confectionnés dans des journaux. L’autre me coule un regard savoureux. Il me sodomise de la prunelle.

« Et alors, tu te décides, dis, minable ! » lui lancé-je muettement.

Il se décide. Rrran ! C’est parti. Trop loin puisque ça sort du court.

— Faute ! Laisse tomber le juge.

Mon vis-à-vis paraît un instant dérouté. Faut reconnaître qu’il a eu jusqu’ici un service impec. Il se frotte l’œil droit pour laisser accroire qu’un grain de sable pernicieux est responsable de cette méchante balle. Le voici qui réitère son numéro d’épate avec la seconde. Tandis qu’il bobinote, je remarque une grosse pastille de lumière à ses pieds. Il s’agit d’un éclat de soleil réfracté par une surface polie. L’éclat, pareil à un scarabée de feu, grimpe le long de mon adversaire, se hisse jusqu’à son visage, contourne ses yeux et se met à trembloter sur son front. Le presque-gagnant se concentre puis étire des gestes caramelleux.

Il est prêt. La balle s’élève, la raquette s’abat lentement, comme dans un ralenti cinématographique. J’ai le temps de voir fulgurer la plaque lumineuse, laquelle plonge dans l’œil de mon adversaire.

Un murmure s’élève. La balle vient de se perdre dans le filet.

— Egalité ! dit l’arbitre, sans passion.

Le sourire du garçon s’évanouit. Il sent tout à coup sa mécanique déréglée et en éprouve une confuse surprise. Pas de l’inquiétude, non, pas encore, mais un simple étonnement. Car à leur début, les calamités étonnent seulement avant d’effrayer. Mordez, en 40, par exemple quand on s’est fait craquer la charnière de Sedan… On n’a pas paniqué tout de suite, on s’est entre-regardé et on a dit, presque avec le sourire, ce que m’ont murmuré tant d’aimables personnes par la suite : "Elle est raide, celle-là. " De même, quand le 8 mai 1902 les habitants de Saint-Pierre de la Martinique ont vu bavasser des nuées ardentes sur les flancs de la Montagne Pelée, ils se sont exclamés : « C’est marrant ce truc, à quoi, que ça sert ? » Et d’autres encore, tenez, quand Saint-Carlos-l’Evangéliste s’est pointé, les bras tendus dans la position du sauveur en action, au lieu de prendre leurs jambes à leur cou, ils ont voté « voui ». Pourquoi qu’ils se seraient sauvés puisque, précisément, le rémissionnaire à double croisillon venait pour les sauver ? Le citoillien français, ce qui le perdra toujours, c’est sa curiosité. Une vraie pie borgne. Faut toujours qu’il en tâte, qu’il avale la potion avant de lire le prospectus. « Sauve-moi voir encore un coup que je me rende compte. » Le plus poilant, c’est qu’il se croit et se prétend de gauche, alors qu’il est le dernier vrai monarchiste d’Europe. Car enfin, un homme de gauche fait passer la justice avant l’ordre, non ? Le citoillien français, lui, il fait passer le désordre avant l’injustice.

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