Frédéric Dard - Pleins feux sur le tutu

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Pleins feux sur le tutu: краткое содержание, описание и аннотация

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Rappelle-toi que dans cette affaire j'ai drôlement mouillé mon maillot.
Tu parles d'une escalade !
Je pédalais que d'une !
Tout en danseuse, mon pote !
Et avec pleins feux sur le tutu !

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— Rancard au siège ! tranché-je.

A peine m’éloigné-je que le Mammouth pousse ce grand cri publicitaire qui n’a pas empêché les consommateurs de se risquer dans les antres de la bête.

Je reviens sur mes pas. La vision que je capte alors de mon ami est indicible. Appuyé des deux mains à la carrosserie de sa vétuste traction noire, modèle 1937, le cher homme sanglote, le front contre le pavillon du véhicule.

— Qu’est-ce qui t’arrive, chérubin ?

Il hoquette.

— J’sus l’ dernier des cons, Sana !

— Ah ! ça non ! récrié-je.

— J’t’jure qu’si !

— En tout cas, pas le dernier ; pourquoi ces larmes qui fissurent mon cœur ami ?

— Regarde !

Il me désigne l’arrière de sa vénérable guinde. J’avise, à la lumière d’un bec de gaz électrique (si je puis dire) une couronne mortuaire.

— Je ne pige pas, Gros.

— J’ai oublié d’déposer c’te couronne su’ la tombe à Evariste Grossel ! Non, mais tu t’rends compte ! Un homme qu’était l’ami d’ mon père ! D’une gentillesse à pas croire ! Et moi, j’ramène ma couronne ! Qu’est-ce y doit-il penser, d’là-haut ? Non, mais vise un peu l’objet. Cent cinquante pions ! J’l’ai ach’té d’occase, mais l’inscription est neuve, j’ai acquéri des lettres de noblesse et c’est moi et Berthe qu’on les a écrive. A not’ maire qui a z’été un père pour sa commune. Signé Bérurier fils . Torché, non ? Y avait l’sous-préfet. Et moi qu’j’reviens av’c ma couronne. J’vais en fiche quoi, à c’t’heure, mec ?

— Mets une annonce dans le Chasseur Français , conseillé-je, tu trouveras sûrement acquéreur. Ou alors retourne à Saint-Locdu la déposer !

Il réfléchit.

— La déposer, la déposer, c’est vite dit ! Et à quoi t’est-ce ell’ servira ? Y aura plus personne au cimetière pour la voir.

Puis, brusquement :

— Dis vois, j’y pense : le gusman qui s’est fait refroidir au Grand Vertige , il a d’ la famille ici ?

CHAPITRE 2

Drôlement mauvais, M. César Césari-Césarini. Tu le verrais débouler de son placard, écumant, le regard exorbité, si tu n’avais pas mon self-control, tu prendrais peur.

Il mugit, trépigne, brandit le poing. Où est-il ? De quel droit le séquestre-t-on ? Qu’on lui montre un mandat d’amener ! Qui peut se permettre de telles entourloupes avec la loi ? Ainsi, on vient faire le rodéo chez lui, on bute son meilleur aminche, et c’est à sa personne qu’on s’en prend ! Non mais, non mais, hein, dites, je vous cause !

Dans ces cas très précis, il faut toujours laisser s’évacuer le trop-plein. Opposer à cette rage trépignante un mutisme et un sang-froid déconcertants.

Pendant qu’il aboie et se démène, je me sers un bloody-mary très pimenté. C’est l’heure des remontants.

Bérurier arrive à son tour. Je fais signe aux deux inspecteurs qui ont convoyé le taulier ici qu’ils peuvent mettre les adjas. Le Gros examine Césari-Césarini sans aménité. Il m’interroge d’un hochement de hure. Doit-il interviendre ? Non, non, le calmé-je d’une forte œillée. Alors on attend. Sa Majesté biberonne sa propre vodka au goulot. Il va bientôt être deux plombes du mat’. Notre hyper-calme déconcerte le marchand de bulles.

Eprouvé, égosillé, congestionné, il finit par échouer contre mon bureau. Il y dépose une fesse.

Je le laisse agir.

— Bordel, dites quelque chose ! gronde le patron du Grand Vertige . Qui êtes-vous et que me voulez-vous ? Annoncez la couleur, à la fin.

L’Antonio, tu veux que je dise en quoi réside sa force ? Son inspiration.

Je soulève mon sous-main et biche le message expédié par Washington à l’Elysée. Je le pousse vers son morceau de cul.

Il s’en empare et lit. Il paraît sincèrement désemparé, voire un tantisoit épouvanté. Voilà mon bonhomme qui secoue la tête et ne parvient plus à déglutir.

— Remettez-vous, lui dis-je.

Alors il s’efforce de jacter et — ô miracle ! — y parvient.

— Ça signifie quoi, tout ça ?

— Ça signifie ce qui y est écrit, monsieur Césari-Césarini.

« A affaire spéciale, flics spéciaux, et à flics spéciaux, méthodes spéciales ; vous comprenez maintenant pourquoi on ne s’est pas comporté avec vous selon les règles habituelles que vous connaissez parfaitement. »

— Qu’ai-je à voir dans cette salade ?

— Vous avez à y voir ce que le moyeu a à voir avec la roue, monsieur ; le cœur avec le système circulatoire. Vous êtes au centre de cette curieuse conjoncture. Primo, vous hébergez un gangster américain notoire dont le F.B.I. nous signale la présence en France et les mauvaises intentions ; deuxio, vous le conviez à votre table et le faites placer face à la loggia d’où il va être abattu ; troisio, vous y conviez également deux personnages en complet rayé qui s’enfuient, le meurtre perpétré, en blessant gravement l’un de mes hommes… Toutes ces rubriques complétant le message que voilà me permettent de vous certifier que vous ne retrouverez vos foyers qu’après une mise à jour intégrale. Je dispose de pouvoirs et de moyens exceptionnels ; en voulez-vous la preuve ?

Sans attendre sa réponse, je soupire :

— A toi de jouer, Gros !

— Jockey ! répond le Mastar.

Il se lève, biche notre « client » par le revers de son smok et lui flanque un coup de boule dans les carreaux. Le taulier s’écroule, presque groggy. Béru le complète d’un coup de talon dans le portrait. Après quoi, il s’octroie une nouvelle rasade de vodka.

César n’est pas mal dans cette occurrence. Beaucoup de self. Il s’éponge le sanglant sans piper.

— Je sais bien que de tels agissements sont pratiquement bannis des mœurs policières, soupiré-je, mais pour nous, la bavure n’existe pas. Si l’on trouvait demain votre cadavre découpé en seize morceaux dans seize sacs-poubelles différents, on conclurait officiellement au suicide, vous voyez ce que je veux dire ?

Il ne répond pas.

— Voyez-vous, pour qu’un Etat puisse fonctionner pleinement, il doit conserver une frange de totale liberté ; il existe des « trous noirs » dans les galaxies, nous, nous sommes un trou noir de la police.

César ne peut s’empêcher de lancer, avec un courage exemplaire :

— Quelque chose comme son trou du cul, quoi !

Béru pousse un gémissement plein d’avidité et se dresse.

— Laisse, le calmé-je, les appréciations de monsieur ne doivent pas nous atteindre.

Comme le pif du taulier raisine, il arrache des bribes de son mouchoir dont il fait des tampons afin de s’en farcir les cavités. Un vrai oto-rhino sorti de l’Ecole nasale ! Ça lui compose le nez de l’ami Gnafron que les Lyonnais connaissent bien puisqu’il y en a plein les bouchons d’entre Rhône et Saône.

— Vous avez quel âge, monsieur Césari-Césarini ?

— Soixante-cinq.

— Donc, le temps des grandes chevauchées est passé. Vous êtes un homme arrivé, et en bon état, ce qui n’est pas évident compte tenu du milieu où vous gravitiez. Comment diantre vous êtes-vous flanqué dans une pareille béchamel ?

Je lui désigne un siège, il lui condescend son postère. Nous voici en tête-à-tête, dans la posture des confidences, kif Sa Sainteté rendant visite à son agresseur.

— Je peux vous jurer une chose, sur la vie de mon fils, murmure-t-il : j’ai le nez propre.

Affirmation assez cocasse, venant d’un homme dont le tarin ressemble à un tubercule sanglant.

— En ce cas, comment expliquez-vous l’étrange aventure de ce soir, faisant suite à ce message de la Casa Bianca ?

— Je ne me l’explique pas. Et j’en suis la seconde victime. Voyons, commissaire, phosphorez un peu. Je suis un ami de guerre d’Al Kollyc, auquel j’ai sauvé la vie, mais passons ; vous n’êtes pas forcé de me croire. Si j’avais voulu le faire buter, croyez-vous que j’aurais choisi comme cadre le Grand Vertige , fleuron de mes activités ? C’est, vous le savez, une boîte sélecte, absolument blanc-bleu. Vos collègues n’y ont jamais relevé la moindre infraction. Maintenant, sa réputation va donner de la bande : les clilles n’aiment pas venir folâtrer dans des cabarets où l’on dessoude du monde ! De plus, Al appartient au Mitan new-yorkais, et ces messieurs vont me tomber sur le paletot quand vous en aurez fini avec moi. Soit dit sans vouloir offenser votre gros méchant, ils sont un peu plus coriaces que vous autres !

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