Frédéric Dard - Aux frais de la princesse

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Aux frais de la princesse: краткое содержание, описание и аннотация

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Tu te rappelles le Vieux ? L'homme au crâne poli et à la langue agile ? Chilou, mon prédécesseur Achille, notre bon vieux Dirlo, le Dabe, dont l'exquise politesse n'avait d'égale que la mauvaise foi.
Eh bien ! figure-toi qu'il a disparu !
Volatilisé, le bouffeur de chagattes !
En même temps qu'une petite comédienne dont les « coups de chaleur » sont réputés à Paris et dans la France métropolitaine. En apprenant ça, tu te dis qu'ils sont allés enfiler le parfait amour dans un coin peinard ?
Zob, mon pote ! A côté de la plaque ! Quand tu sauras ce qui s'est passé, t'auras les roustons qui te gicleront des orbites !
Dans ce
, on y va à fond la caisse !
Emporte ton détachant pour les éclaboussures !

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Et soudain, nous sursautons. Quatre détonations viennent de retentir, répercutées par les échos infinis.

Un ahanement d’homme blessé s’échappe de mon ventre, de mes poumons, de ma gorge.

Trop tard ! On vient de liquider Toinet ! Toinet, mon petit flic d’il y a si peu, déjà mort au champ d’honneur !

Cette fois nous courons, courons à perdre tu sais quoi ? Oui, haleine. Comment as-tu deviné ?

Et voilà qu’un nouveau coup de feu éclate, puis un deuxième. Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’on l’achève ?

Ces détonations se répètent à nouveau ; elles ont le mérite d’orienter notre course.

Encore une série de tirs. Maintenant, c’est tout proche.

— Jérôme, dis-je, passe-moi la loupiote et reste ici, je ne veux pas que tu t’exposes.

Il me laisse marcher en tête avec la lampe, mais s’obstine à me suivre malgré les gestes péremptoires que je lui adresse.

Au bout d’un instant, je perçois un bruit de course, la danse d’une lueur, tout là-bas. J’ai déjà éteint notre torche à batterie. Et puis je m’arrête dans un renfoncement. L’ami Tu-tues bien en pogne, cran de sûreté ôté, prêt !

Une chose m’apparaît, qui m’inonde de bonheur. Non ! On ne mitraille pas le corps ensanglanté de mon adopté : on le CHERCHE ! Profitant d’une occase : relâchement d’attention ou configuration propice d’une galerie, le môme a faussé compagnie à ses tourmenteurs. Maintenant, les deux mecs procèdent à une chasse à l’homme.

— Couche-toi, nom de Dieu de merde ! soufflé-je à mon guide.

Bien qu’à peine audible, mon ton reste péremptoire et Jérôme s’allonge sur le sol.

Au loin, la danse des lumières se poursuit. De temps à autre les faisceaux quittent la galerie pour lire les parois percées de grottes. Et puis elles continuent d’avancer. Mon intention : les laisser approcher le plus possible, C.Q.F.D. !

J’attends, frémissant d’espoir, de ferveur. Je ne suis plus qu’une vivante imploration.

L’un de nous deux a-t-il produit un bruit quelconque ? Oui, sans doute, car une voix s’écrie :

— Là-bas devant !

Dans les trois secondes qui suivent, des balles sifflent dans notre direction. Ensuite, les deux fumarots se mettent à courir. Leurs deux lumières se balancent comme des cloches de vaches.

Parvenus à quelques mètres de nous, ils s’arrêtent et braquent leurs lampes. Alors, mézigue, superbe de courage, que dis-je : de folle témérité, j’allonge le bras.

« Plaou ou oummmmmm ! » dit ma première balle.

L’une des lumières s’éteint en même temps qu’un hurlement de douleur retentit. Je reste d’un calme surnaturel, visant la deuxième source de lumière sans broncher. Mon corps contracté appréhende le projectile qui risque de l’anéantir.

« Plaou ou oummmmmmmm ! » fait la sœur jumelle de ma première bastos.

La seconde lumière se désintègre. Au même instant, un méchant frelon heurte mon épaule. Ça, je connais, donc reconnais : je viens de m’en choper une dans la région claviculaire…

Une rogne d’acier me survolte. Je rallume ma lampe.

J’aperçois les deux vilains méchants à dix mètres. L’un est debout, une main explosée, l’autre tenant un pistolet braqué. Je le décoiffe d’une praline en pleine tronche.

Ce que voyant, le second met les adjas en courant.

— Halte ! lui lancé-je.

Au lieu d’obéir, il passe la surmu.

— Dernière sommation, je vais tirer ! annoncé-je.

Alors il ralentit, s’arrête, se retourne. En une fraction de fraction de quart de seconde je réalise le danger, lance ma loupiote loin de moi. Bien m’en prend car pile il glaviotait ses pépins d’acier en prenant ma lampe pour cible, comme je l’ai fait avec eux.

Curieusement, le môme Jérôme a le réflexe d’allumer la sienne et d’illuminer mon « tueur potentiel ». Je lui en fais ronfler deux dans les coquilles et il n’aura plus jamais besoin de lunettes de soleil.

L’odeur de la poudre nous prend à la gorge et nous toussons comme des perdus.

Sitôt que je retrouve un souffle convenable, je me prends à hurler :

— Antoine !!!!

Silence. Mon anus se crispe comme l’orbite d’un monoculé de frais.

Je réitère :

— Toinet !!!!! C’est papa ! Montre-toi, ils sont nazes !

Toujours rien. On se met à marcher.

Le môme est fatalement parti dans l’autre direction puisque nous ne l’avons pas croisé.

Nous nous déplaçons sans courir, mais d’une allure décidée. Jérôme balaie le côté droit, moi le gauche, afin que rien ne nous échappe. Difficile d’évaluer les distances dans un souterrain qui décrit des méandres.

A un moment donné, Jérôme me dit :

— Regardez !

Il éclaire une chose noire, sur le sol : un attaché-case ouvert et vide. Je l’examine, perplexe. Qu’est devenu son contenu ? Les deux crapules n’avaient pas cent millions d’anciens francs dans leurs poches quand je les ai descendus. De plus, ce n’est pas, a fortiori, Toinet qui a pu se sauver avec ses liasses !

— Continuons, petit ! soupiré-je. Je te remercie pour ta coopération, tu es un garçon de première.

Et notre cheminement se poursuit dans cette atmosphère confinée de la mort en conserve.

Je ne puis te rapporter le temps que nous passons à errer dans les catacombes avec nos lampes aux faisceaux impétueux, mais le moment vient où mon jeune guide me conseille de rebrousser chemin.

— Je pense, me dit-il, qu’il va falloir organiser des recherches de plus grande envergure, nos batteries vont bientôt faiblir et ce n’est pas marrant de se retrouver ici dans le noir.

L’âme en berne, je cède à son conseil.

Alors voilà le retour écœurant…

Chemin refaisant, nous retrouvons les sinistres jalons qui le ponctuent : l’attaché-case, ensuite les deux cadavres. On va, comme devait aller dans la plaine russe la Grande Armée en déroute.

Une immense fatigue me ligote les jambes et ruine mon énergie pourtant si forte.

C’est Jérôme qui, là encore, ouvre la marche.

Je me déplace comme aux obsèques d’un être aimé, en charriant le passé vécu en sa compagnie. Je revois le bébé Antoine rapporté un soir à Félicie, comme dans du Victor Hugo. Et puis ses premiers mots (il a dit « papa »), ses premiers pas, ses premières sottises, ses premiers jours d’école (il a passé la main sous la robe de la maîtresse pendant qu’elle se tenait baissée), ses premières punitions (un festival !). Les dessins qu’il préparait en secret pour mon anniversaire, enrichis d’une dédicace : « Pour mon papa que j’ème. » Pas le moment de chialer ! Je suis un homme ou une souris ? Un bon Dieu de flic ou une petite fille au cœur tendre ?

Jérôme pile.

— M’sieur ! Je crois bien que le voilà !

Il s’approche d’une faille d’où sort un pied chaussé d’un mocassin souple que je reconnais tout de suite.

— On est passés devant lui, tout à l’heure, avant d’entrer en contact avec les deux hommes, mais on ne l’a pas vu parce que la faille est en biais, m’explique le garçon.

Il éclaire l’intérieur de la niche. Ce que je visionne alors ferait évanouir une chauve-souris ! L’ouverture en question livre accès à une sorte de grotte, laquelle est remplie d’ossements. C’est plein de tibias, de squelettes entassés et, surtout, comble du cauchemar, de têtes de mort aux sourires francs et massifs, dont les yeux d’ombre semblent nous regarder.

Toinet gît sur ces ossements, la tête ensanglantée. Seigneur ! Dans quel triste état l’ont mis ses tourmenteurs ! Son visage n’est plus qu’une plaie boursouflée, sanguinolente. Ses pommettes sont fendues, sa bouche et ses arcades sourcilières éclatées. Il respire ! Je palpe sa poitrine : « l’oiseau de vie continue de s’agiter dans sa cage », comme l’a superbement écrit Jean-François Le Pen dans son « Ode à Mitterrand ».

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