Frédéric Dard - La queue en trompette

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La queue en trompette: краткое содержание, описание и аннотация

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D'après certains renseignements que j'ai obtenus, il y a deux basset-hound dans la vie de San-Antonio.
Le premier était une chienne nommée Jezabelle, mais qui s'appellait Belle tout court. Elle est morte pour avoir mangé une taupe empoisonnée.
Le deuxième, c'est moi : Salami.
Malgré mes origines britanniques, je sors d'un élevage italien dirigé par un ancien chef de la Police romaine.
Je dispose de plusieurs particularités dont la principale est de comprendre couramment le langage humain, voire même de le parler pour peu qu'on établisse un code.
Autre singularité de mon personnage : je préfère les femmes aux chiennes, bien que je n'aie pas eu l'occasion d'en consommer à ce jour.
Encore un fait saillant : je ne réponds pas quand on me siffle. Mon hérédité anglaise, sans doute. Au restaurant, j'abomine « la gamelle à Médor » sous la table. Généralement, je prends mon repas assis sur une chaise, en face ds San-A.
J'ai encore beaucoup, beaucoup d'autres choses pas tristes à révéler ; mais je ne vais pas résumer au dos d'une couverture ce que mon connard de maître à raconté en trois cents pages !
Il aurait l'air de quoi ?

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Je me courjute le bulbe.

— Comment ai-je pu ne pas réagir devant une telle énormité ! dis-je.

Et avec une foi si intense qu’en comparaison de la mienne, celle dont fit preuve sainte Blandine n’était qu’un recueil de contrepèteries, je lance un S.O.S. à Dieu pour qu’il m’éclaire.

Eh ben, tu me croiras ou tu iras te faire couper les roustons en fines lamelles, il répond « présent », le cher Seigneur.

Comme un premier de la classe en état second, je déflaque :

— Cela concerne la vieille Mme Maubec assassinée dans les tartisses de Miss Éléonore, n’est-ce pas ?

— Gagné !

Il semble heureux. C’est un vrai garçon d’élite ; il sait que les subordonnés n’ont jamais intérêt à se montrer plus perspicaces que leurs supérieurs.

— Son œil de verre n’a pu être prélevé, puis remis pendant son séjour aux cagoinsses, pour la raison qu’elle y était enfermée de l’intérieur ! achevé-je.

— Indubitable ! s’exclame l’officier de police Cervin, emporté par l’admiration.

Ben tu vois : si je disposais d’une bouteille de champ’, je m’en entiflerais un certain nombre de centilitres.

Ne serait-ce que pour stimuler mes facultés, car on ne peut prétendre que le mystère soit en voie d’éclaircissement.

11

PAGES D’AMOUR

POUR SE TORCHER L’OIGNE

La lumière de l’été est rasante comme un discours électoral, quand j’arrive à Garches.

Je remise mon bolide sur le parking réservé aux médecins et marche en direction de la réception. Une admirable jeune femme qui rit à gorge d’employée me fait un double appel de phares avec ses châsses plus bleus que la mer des Caraïbes.

— J’aimerais voir M. Luciano Casanova, lui susurré-je.

Elle éplore à la langoureuse :

— L’heure des visites est passée.

D’un mouvement aisé de prestidigitateur sortant un éléphant grandeur nature de son chapeau, je lui produis ma carte professionnelle.

— Je n’en aurai pas pour longtemps, ma divine.

Elle examine ce document prestigieux et s’exclame :

— C’est vous, San-Antonio !

— De la cave au grenier. Quel numéro, la chambre de Casanova ?

— Le 133, répond-elle, vaincue.

Et d’ajouter :

— C’est mon jour de chance !

— Pourquoi ?

— Mon service se termine dans un quart d’heure, j’aurais pu vous manquer.

Dans la famille « Rentre dedans et régale-toi, je voudrais la fille ! ». Charogne, cette provocation en prise directe !

— Votre ange gardien veillait ! lui dis-je, car je ne perds jamais l’occasion de faire de la pub au Seigneur.

Et de me diriger vers les ascenseurs.

Elle est déçue jusqu’au revers de son slip.

— Môssieur ! me hèle-t-elle d’un ton changé.

Je me retourne.

— Les chiens sont formellement interdits dans l’hôpital ! hargnit la pécore, en désignant Salami à mon côté.

Mon compagnon repart d’un quadrupas nonchalant vers l’entrée, laquelle, répété-je volontiers, avec humour, peut également être utilisée comme sortie.

En parvenant à l’étage qui m’échoit, quelle n’est pas mon effarure d’aviser, à l’extrémité du couloir, mon brave toutou assis devant une porte, la langue dégoulinante.

Je lui adresse un geste complimenteur de la main qui le met en liesse, car il ne se lasse pas des félicitations.

Naturellement, c’est devant le 133 qu’il m’attend, bien qu’il ne connaisse pas les chiffres. Je le rejoins et frappe délicatement de façon à être entendu le moins possible.

— ’trez ! dit une voix mâle.

Il est seul dans la chambre, l’ancien rallyeman. Un appareil de belle technicité fait remuer ses membres fanés en souplesse. Il tourne vers moi un visage aristocratique. En dépit de son nom latin, il est d’un blond sombre de bronze. Son regard est vert très pâle. Ta première pensée, en découvrant ce mec, est de commisération. Tu te dis comment : « Quel dommage ! Un individu aussi beau ! » Et puis tu te reprends. Pourquoi un play-boy devrait-il être exempté de malheur ? Pas charitable, pareil regret ! La vie des hommes, disait ma grand-mère, est une loterie. Elle avait un peu raison. Au départ, tu reçois un numéro : il est bénéfique ou foireux, mais dans l’ensemble, tout le monde l’a dans le cul, j’ai remarqué.

Casanova me défrime, puis avise Sa Majesté le hound et remarque :

— On vous a laissé entrer avec votre chien ?

— Non, le rassuré-je ; il s’est débrouillé pour me suivre ; ça sert d’être basset, dans ces cas-là.

Je brandis ma brème poulardière devant son blair, afin d’éviter les jactances préliminaires.

— C’est encore pour mon accident ? questionne-t-il. Je croyais que tout était en ordre, depuis le temps.

— Vous confondez police d’assurance et police d’État, dis-je avec bonhommie.

Sa machine à agiter la viande naze émet un curieux bruit de succion, régulier et vaguement geignard.

— Expliquez-vous ! soupire cet archange foudroyé.

Je désigne une magnifique photo de fille brune dans un cadre de cuir noir.

— Je viens vous parler de mademoiselle.

— Valériane ? sursaute-t-il.

— Plus comme du grand public sous le nom d’Éléonore.

— Il lui est arrivé quelque chose ?

— À elle, pas encore, mais on décède dramatiquement dans son entourage. Vous me permettez de prendre une chaise ? Je n’ai rien d’un orateur et déteste parler debout.

Je vais quérir un siège, au piquet devant un mur, et l’amène près du blessé.

— Il s’agit d’une histoire singulière, attaqué-je. Elle a débuté la nuit derrière, le plus fortuitement du monde, et elle s’est développée comme une épidémie au cours de cette journée.

Ce préambule posé, pour la énième fois je narre les péripéties dont j’ai tenu le lecteur informé.

Mon récit le fascine ; je peux suivre sur son mâle visage les états d’âme qu’il se farcit : ils vont de la stupeur à la crainte, du scepticisme à la curiosité.

Doté d’une grande maîtrise (son fatal accident était dû à l’éclatement d’un pneu), il ne m’interrompt pas une seule fois. Mais sitôt que je la boucle, il s’écrie :

— Valériane est en danger !

— Je ne saurais vous détromper, mon cher ; c’est pourquoi vous devez m’aider par tous les moyens dont vous disposez !

Il clame, angoissé :

— Mais je ne sais rien, rien de rien ! Jamais elle ne m’a parlé d’un péril qui l’aurait menacée. Vali est une fille forte, maîtresse d’elle-même. Si un événement grave s’est produit dans son existence, il est tout récent !

— Quand l’avez-vous vue pour la dernière fois ?

— Dimanche dernier. Lorsqu’elle me rend visite, c’est presque toujours le dimanche.

— Elle vient fréquemment ?

— Cela dépend de ses occupations. Parfois je la vois deux fois par mois, parfois elle reste sept ou huit semaines sans se montrer ; mais nos échanges téléphoniques ont une fréquence de deux appels par semaine, qu’elle soit aux U.S.A. ou à Rome.

— Vous communiquez aussi par cassettes ?

Il fronce les sourcils.

— Comment le savez-vous ?

Avec un soupir d’ennui je lui produis ma carte pour la deuxième fois consécutive, d’un air penaud.

— Il ne faut pas demander ça à un flic, monsieur Casanova. Donc, elle ne vous a jamais fait part de ses craintes ?

— Jamais !

— Vous parlait-elle de ses relations extraprofessionnelles ?

— Non. Et c’était mieux ainsi.

— Pardonnez-moi cette question…

Il ne me laisse pas achever :

— Je suis impuissant à jamais, oui, monsieur l’inspecteur.

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