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Daniel Pennac: La fée carabine

Здесь есть возможность читать онлайн «Daniel Pennac: La fée carabine» весь текст электронной книги совершенно бесплатно (целиком полную версию). В некоторых случаях присутствует краткое содержание. Город: Paris, год выпуска: 1987, ISBN: 978-2070490851, издательство: Éditions Gallimard, категория: Иронический детектив / на французском языке. Описание произведения, (предисловие) а так же отзывы посетителей доступны на портале. Библиотека «Либ Кат» — LibCat.ru создана для любителей полистать хорошую книжку и предлагает широкий выбор жанров:

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Daniel Pennac La fée carabine

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« Si les vieilles dames se mettent à buter les jeunots, si les doyens du troisième âge se shootent comme des collégiens, si les commissaires divisionnaires enseignent le vol à la tire à leurs petits-enfants, et si on prétend que tout ça c'est ma faute, moi, je pose la question : où va-t-on ? » Ainsi s'interroge Benjamin Malaussène, bouc émissaire professionnel, payé pour endosser nos erreurs à tous, frère de famille élevant les innombrables enfants de sa mère, cœur extensible abritant chez lui les vieillards les plus drogués de la capitale, amant fidèle, ami infaillible, maître affectueux d'un chien épileptique, Benjamin Malaussène, l'innocence même (« l'innocence m'aime ») et pourtant… pourtant, le coupable idéal pour tous les flics de la capitale.

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— Une femme ! Tu es sûre ? s’exclame le vieux Semelle.

— Jeune, brune, aux yeux bleus, précise Thérèse.

Semelle se retourne vers nous avec un sourire de 3 000 watts.

— Vous entendez ? Thérèse dit que demain, pour la remise de ma médaille, je vais rencontrer une jeunesse qui va transformer ma vie !

— Pas votre vie seulement, rectifie Thérèse, elle va transformer notre vie à tous.

* * *

Je m’attarderais volontiers à l’inquiétude qui perce dans la voix de Thérèse si le téléphone ne se mettait à sonner et si je ne reconnaissais Louna, ma troisième frangine, au bout du fil :

— Alors ?

Depuis que maman est enceinte (pour la septième fois, et pour la septième fois de père inconnu) Louna ne dit plus « Allô ? » elle dit : « Alors ? »

— Alors ?

Je jette un coup d’œil furtif à maman. Elle est assise dans son fauteuil, au-dessus de son ventre, immobile et sereine.

— Alors, rien.

— Mais qu’est-ce qu’il attend, ce mouflet, bordel ?

— C’est toi, l’infirmière diplômée, Louna, c’est pas moi.

— Mais ça va bientôt faire dix mois, Ben !

C’est vrai que le petit septième a largement dépassé les arrêts de jeu.

— Il a peut-être la télé, à l’intérieur, il voit le monde tel qu’il est, il est pas pressé de plonger.

Rire costaud de Louna. Elle demande encore :

— Et les grands-pères ?

— C’est la marée basse.

— Laurent dit que tu peux doubler le Valium en cas de besoin.

(Laurent est le mari toubib de la frangine infirmière. Tous les soirs ils passent leur coup de grelot à la même heure. Météo de l’âme.)

— Louna, j’ai déjà dit à Laurent que dorénavant leur Valium, c’est nous.

— Comme tu voudras, Ben, c’est toi qui es sur le pont.

* * *

À peine ai-je raccroché que le bignou, comme le facteur (ou le train, je ne sais plus) sonne une deuxième fois.

— Vous vous foutez de moi, Malaussène ?

Ouh ! là, je la reconnais cette crécelle furibarde. C’est la Reine Zabo, grande prêtresse des Éditions du Talion, ma patronne.

— Vous devriez être au travail depuis deux jours !

Parfaitement exact. À cause de cette histoire de grands-pères camés, j’ai extorqué à la Reine Zabo deux mois de congé sous prétexte d’hépatite virale.

— Vous faites bien d’appeler, Majesté, dis-je, j’allais justement vous réclamer une rallonge d’un mois.

— Pas question, je vous attends demain à huit heures précises.

— Huit heures du matin ? C’est vous lever tôt pour attendre un mois !

— Je n’attendrai pas un mois. Si vous n’êtes pas ici demain à huit heures, c’est que vous êtes au chômage.

— Vous ne ferez pas ça.

— Ah ! non ? Vous vous jugez indispensable à ce point, Malaussène ?

— Du tout. Il n’y a que vous qui soyez irremplaçable aux Éditions du Talion, Majesté ! Mais si vous me virez, je vais être obligé de flanquer mes sœurs sur le tapin, ainsi que mon plus jeune frère, un enfant adorable qui porte des lunettes roses. C’est une faute morale que vous ne vous pardonnerez pas.

Elle m’offre son éclat de rire. (Un rire menaçant comme une fuite de gaz.) Puis, sans transition :

— Malaussène, je vous ai engagé comme bouc émissaire. Vous êtes payé pour vous faire engueuler à ma place. Vous me manquez terriblement.

(Bouc, oui, c’est mon boulot. Officiellement « directeur littéraire », mais en fait : bouc :) Elle enchaîne, brutale :

— Pourquoi voulez-vous ce rab ?

D’un seul coup d’œil j’embrasse Clara, derrière ses fourneaux, le Petit, dans la main de Verdun, Jérémy, Thérèse, Tes grands-pères, et maman qui règne sur tout ça, maman, lisse et phosphorescente comme les vierges repues des maîtres italiens.

— Mettons que ma famille ait particulièrement besoin de moi, en ce moment.

— Quel genre de famille avez-vous, Malaussène ?

Couché au pied de maman, Julius le Chien, avec sa langue pendante, figure assez bien le bœuf et l’âne. Dans leurs jolis cadres, les photos des grands-pères semblent miser sur l’avenir : de vrais rois mages !

— Le genre Sainte Famille, Majesté…

Il y a un petit silence, au bout du fil, puis la voix grinçante.

— Je vous accorde quinze jours, pas une minute de plus.

Un temps.

— Mais écoutez-moi bien, Malaussène : n’imaginez pas que vous cessez d’être Bouc Émissaire parce que vous prenez des vacances ! Bouc, vous l’êtes jusque dans la moelle de vos os. Tenez, si en ce moment même on cherche le responsable d’une grosse connerie dans la ville, vous avez toutes les chances d’être désigné !

3

Justement, debout sur la ville, statufié dans son manteau de cuir par moins douze degrés nocturnes, l’œil rivé sur le cadavre de Vanini, le commissaire divisionnaire Cercaire cherchait un responsable.

— Je le crèverai, celui qui a fait ça !

Douleur blême autour de ses moustaches noires, c’était tout à fait le genre de flic à prononcer ce genre de phrases.

— Celui qui a fait ça, je le crèverai !

(Et à la répéter à l’envers, les yeux fixés sur son reflet, dans le sombre miroir du verglas.)

À ses pieds, l’agent en uniforme qui traçait à la craie la silhouette de Vanini au milieu du croisement, se lamentait comme un gosse :

— Putain, Cercaire, ça ripe sur la glace !

Cercaire était aussi le genre de flic à se faire appeler par son nom. Pas de « patron ». Encore moins de « Monsieur le divisionnaire ». Le nom, direct : « Cercaire. » Cercaire aimait son nom.

— Sers-toi de ça.

Il tendit un cran d’arrêt que l’agent utilisa comme pic à glace avant de dessiner à Vanini son costume d’asphalte. La tête du blondinet figurait vraiment une fleur éclatée : rouge au cœur, pétales jaunes, et un certain désordre vermillon encore, à la périphérie. L’agent hésita une seconde.

— Trace le plus large possible, ordonna Cercaire. Maintenus à distance par le cordon bleu police, tous les regards du quartier suivaient le travail du crayeur. À croire que les pièces allaient pleuvoir.

— Et pas un seul témoin, c’est ça ?

Le divisionnaire Cercaire avait posé la question d’une voix sonore.

— Rien que des spectateurs ?

Silence. Petite foule molletonnée au souffle de coton blanc. Pelote frileuse de laine des Pyrénées qui s’entrouvrit juste pour le passage de la caméra télé.

— C’est pour vous que ce garçon est mort, madame !

Cercaire venait de s’adresser à une Vietnamienne du premier rang, une minuscule vieille, en robe thaï toute droite, ses grosses chaussettes de jésuite fichées dans des socques de bois. La vieille lui jeta un regard incrédule, puis réalisant que c’était bien à elle que le colosse adressait la parole, elle opina gravement :

— Tlê djeune !

— Oui, on les prend très jeunes pour vous protéger.

Cercaire sentait le zonzon télévisé lui lécher le visage. Mais il était flic à savoir ignorer un objectif.

— Pouôtédger ? demanda la vieille.

Dans un quart d’heure, au journal télévisé, son long visage attentif et sceptique rappellerait celui d’Hô Chi Minh aux téléspectateurs les plus méritants.

— C’est ça, vous protéger ! toutes, sans exception, les vieilles dames de ce quartier. Que vous puissiez vivre en sécurité. La SÉ-CU-RI-TÉ, vous comprenez ?

Et soudain, bien en face de la caméra, un sanglot coincé dans la voix, le commissaire divisionnaire Cercaire déclara :

— C’était le meilleur de mes hommes.

Le cameraman fut illico avalé par la voiture de la régie qui disparut dans un large dérapage. La foule réintégra ses locaux, et ce fut de nouveau la solitude des flics dans la ville. Seule la Vietnamienne restait plantée là, son regard songeur sur le cadavre de Vanini qu’on chargeait dans l’ambulance.

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