Frédéric Dard - Réglez lui son compte

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Réglez lui son compte: краткое содержание, описание и аннотация

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Si, en ouvrant cet ouvrage, le lecteur pense lutter contre l'insomnie, il en sera pour ses frais et n'aura qu'à s'entendre avec son pharmacien habituel pour l'échanger contre un tube de Gardénal.
Car ce livre est un ring, une arène, on s'y bat d'un bout à l'autre.
La série d'ouvrages que publiera San-Antonio appartient à la littérature d'action. Celle mise à la mode par Peter Cheney, JH Chase, James Cain, etc… Ici l'énigme le céde à la violence.
Ce livre doit se lire avec un revolver à la portée de la main.
Il est écrit dans une langue savoureuse et pleine de fantaisie faubourienne, mais nul doute que le héros de ce roman ne soit sympathique à tous.
Gouailleur, âpre, rusé, amer, tendre, violent, San Antonio écrit d'avantage avec ses poings qu'avec sa plume.

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Je me mords la lèvre inférieure.

— C’est très gentil à vous, dis-je (comme le font les personnages des romanciers anglais), mais je ne voudrais pas qu’il vous arrive quelque chose… Nous n’avons pas affaire à des enfants de troupe et ces crapules vont tenter l’impossible pour récupérer les plans si ça leur paraît faisable.

« En ce moment, je vous parie le Vésuve contre un ouvre-boîte usagé qu’ils ont retrouvé ma trace — ça n’avait rien de duraille — et qu’il y a une sentinelle qui surveille votre crèche. Non, non, je ne peux accepter votre offre.

La femme du consul objecte :

— Mais dans ces conditions, vous risquez le pire.

Je la regarde d’un air amusé.

— Je passe ma vie à la risquer.

— Possible, renchérit mon hôte, néanmoins votre abnégation mise à part, il faut penser à sauver les documents.

— Faites-moi confiance, j’en ai vu d’autres.

Ma confiance n’est pas communicative car le couple paraît soucieux. Évidemment ces bons bourgeois ne sont pas habitués à vivre des drames de ce genre.

La femme surtout est plus excitée que par un bouquin de Louis-Charles Royer. Elle se trémousse comme si elle s’était assise sur une fourmilière.

— J’ai un plan, s’écrie-t-elle soudain.

Je fais le type intéressé, mais entre moi et moi, je me fais remarquer que des plans il y en a beaucoup trop dans cette histoire et si les petites femmes en mal d’aventures se mettent à en échafauder, alors je vais finir par démissionner, après quoi je me consacrerai à la vente du lapin sauteur devant la Samaritaine.

Pourtant, la petite dame est jolie à un point excessif, et si son mari n’avait pas été aussi chic avec le gars San Antonio, peut-être bien que je lui jouerais ma scène du II, vous savez bien, celle au cours de laquelle le héros tombe aux genoux de la belle poupette et lui dit de faire gaffe en marchant parce que son cœur est à ses pieds. Oui, cette femme est un beau lot et j’ai toujours tendance à ouvrir grandes mes targettes quand une belle gosse parle.

Voilà ce qu’elle dit, et si vous êtes moins bouchés que je le suppose, vous vous apercevrez que ce n’est pas tellement couillon.

— Les gangsters pensent que vous avez ce qu’ils cherchent sur vous et ils vont donc essayer de le récupérer. Pour cela ils vous suivront afin de trouver l’instant opportun pour vous assaillir. Votre seule chance est donc de tromper leur surveillance.

Je souris, amusé par la ride têtue qui sépare ses sourcils.

Elle poursuit :

— Je vois une tactique à adopter si vous voulez les duper à nouveau. Le chauffeur vous conduira à la gare, Gaétan et vous, avec la Simca. Vous y prendrez votre billet et monterez dans le train ; je suppose que ce sera pour vous l’enfance de l’art que d’en descendre sans vous faire remarquer, au moment où il partira. Vous quitterez la gare par une sortie de côté, tandis que, pour donner le change, Gaétan continuera sur Rome.

« Moi, je serai avec la Talbot dans les parages. Je crois que j’ai un joli coup de volant ; vous aussi, je suppose. En nous relayant, nous arriverons à Rome avant le train.

Avant de donner mon appréciation, je jette un coup d’œil à mon hôte. Il semble boire les paroles de sa femme. Il a l’œil fier du bonhomme qui se rend compte qu’il n’a pas épousé un camembert moisi.

— Supérieurement échafaudé ! déclare-t-il. Votre avis, commissaire ?

Je toussote.

— Je fais mes compliments à Madame pour son habileté à ourdir des complots (je reprends mon souffle et me décerne un accessit en locution) mais, j’en reviens à ma première objection et la renouvelle avec plus de fermeté encore, je ne puis accepter de vous embarquer, mon cher consul, vous, et surtout Madame, dans ce guêpier, le danger est trop grand.

Il se lève, l’air outragé. Je sens qu’il va me balanstiquer une phrase à la Cyrano et, en effet, il dit en cambrant la taille :

— Commissaire, nous sommes ici en service commandé nous aussi ; certes, il s’agit d’un poste plus honorifique que dangereux, mais un Français, surtout lorsqu’il se nomme Gaétan Pival de Roubille (tout s’explique) ne saurait trembler devant un ennemi, quel qu’il soit.

Il n’y a pas à ergoter. Mon interlocuteur est de la même race que l’autre dugland qui avait escaladé la barricade en bramant qu’il allait faire voir comment qu’on se fait dessouder pour quarante ronds.

Tirez les premiers, messieurs les Anglais ! La garde meurt mais ne se rend pas ! À moi, Auvergne, voilà l’ennemi ! et toute la lyre…

Vous entravez ?

Ma décision est adoptée.

— Soit, j’accepte.

J’ajoute, histoire de le galvaniser tout à fait :

— Dans mon rapport, je signalerai votre conduite exceptionnelle. J’espère que notre gouvernement sait récompenser les siens, quelquefois.

Il fait mine de ne pas avoir entendu et prend un air lointain. Tellement lointain qu’il doit déjà se voir sur l’esplanade des Invalides en train de se faire cloquer la Légion d’honneur par le papa Auriol.

Sa femme me regarde en souriant ironiquement. Je vois qu’on pense la même chose tous les deux.

Cette souris, je ne vous le dirai jamais assez, a un cerveau qui n’est pas bouffé des mites.

*

Sans blague, la proposition de Mme Gaétan Truquemuche-je-ne-sais-plus-quoi est tombée à pic car au moment où je quitte la crèche du consul dans sa Simca 8, j’aperçois une bagnole qui décolle du trottoir et se met dans notre sillage.

— Sapristi, dis-je, avez-vous un soufflant ?

— Un quoi ?

— Un revolver ! Ces crapules m’ont fauché mon Luger et je n’ai même pas un cure-dent pour me défendre s’il y a du grabuge.

Le consul interpelle son chauffeur :

— Y a-t-il une arme dans le tiroir du tableau de bord ?

D’une main, le larbin inspecte la niche qui contient des cartes routières. Il finit par en extraire un Walter boche de 7,65. Avec ça on ne peut pas s’attaquer à un régiment de panzers , mais, du moins, on se sent moins seul. Je vérifie si le chargeur est plein et je le fourre dans ma poche. Nous suivons une large artère très animée. Ici, les tramways roulent au ras des trottoirs, tandis que les bagnoles circulent au milieu de la rue. Je surveille l’auto suiveuse, c’est un grand toboggan noir ; je crois reconnaître, assis dans le fond, Bruno, le beau ténébreux de la môme Else. En voilà un qui n’a pas encore compris qu’il ne s’agit pas d’une partie de dames et que, d’ici la fin de mon boulot — s’il s’obstine à me chahuter — il sera tellement percé de trous qu’on pourra se rendre compte du temps qu’il fait en regardant à travers lui.

— Sommes-nous suivis ? me demande mon hôte.

Je le regarde en souriant. Le Gaétan est peut-être un as pour ce qui est de délivrer des passeports, mais question police, il n’a pas plus de jugeote qu’une pierre à briquet.

— Un petit peu, fais-je. Tout se passera bien si nous avons l’air naturel.

Parvenu à la gare, le consul empoigne sa valise et dit adieu au chauffeur. Comme il a fait retenir nos places, nous filons directement sur le quai de départ et nous grimpons dans notre compartiment de première qui est vide. Je me dis que c’est une chance que ce soit Bruno qui s’occupe de moi, car il ne peut, puisque je le connais, venir s’installer à nos côtés.

Le train va partir dans quatre minutes. Je baisse la vitre à contre-voie et examine les lieux. Il y a un autre train sur la voie voisine ; un vieux tacot rempli de gougnafiers de la parpagne. Peut-être bien que ça va marcher.

— Allez dans le couloir, dis-je à mon compagnon. Au moment où le train s’ébranlera, vous vous pencherez par la portière donnant sur le quai et vous appellerez très fort une personne imaginaire. Comme nos oiseaux sont quelque part dans le train à nous guetter, leur attention se portera sur vous et j’en profiterai pour m’évacuer en douceur.

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