C’est une chevauchée éperdue, avec des périodes de valse lente, et d’autres de jerk endiablé. Il y a des arrêts haletants qu’ils respectent, souffle à souffle, collés par la sueur. Des redémarrages langoureux qui durent longtemps avant de trouver le rythme éternel.
Ça se prolonge que tu peux pas savoir combien, et moi non plus, et Bérurier non plus.
A un moment, Veronica a un léger hoquet. Elle chuchote à l’oreille du Surbraqué :
— Oh ! je t’aime…
Et tu sais quoi ? Tu sais vraiment quoi ?
— Moi z’aussi, lui répond Béru !
Le Noir remue-ménage dans la penderie. Du train qu’il cogne, il va finir par enfoncer les deux faibles lourdes.
En maugréant, Béru disjoncte et va ouvrir. Le Noirpiot est agenouillé. Il lui file un coup de saton dans la bouche. L’autre part à dame et le Gros referme. Vite, il réintègre le cul de Veronica. La môme est folle de délices et orgues. Leur étreinte n’en finit pas. C’est une danse éperdue. L’enchantement sensoriel. Le Mastar ne pense plus qu’il est certainement en train de limer une criminelle. Il a dépassé les frontières de la raison. Il s’en torche ! La morale ? Quoi, la morale ? Le faites pas chier avec ces conneries ! Il baise comme pour la toute première fois de son vit ! Il met sobre. Il met bien. Droite ligne, les paluches plaquées au michier de la fille. Son bassin est le moteur de ce superbe cou. Pendulaire ! Infatigable. Il prodigue, elle encaisse. Loi de l’espèce ! Soumission femelle éternelle !
— Chope !
— Encore !
— Tiens !
— Oui !
Mouvement de marée ! Et odeur. La vie en perpétuation. Le grand chemin culier qui grimpe aux azurs. Bonheur coûte que coûte prolongé par ce va-et-vient ineffable.
Le Mastar ferme les yeux d’enchantement. Il y a un hymne dans son cœur et dans sa tête.
Sa partenaire aussi s’accomplit dans un tourbillon jamais connu, dans un prélude à l’orgasme jamais atteint, plus intense que ses étreintes de naguère. Un cheminement fabuleux à travers glandes et fantasmes, monts (de Vénus) et merveilles !
Depuis combien de temps sont-ils ainsi unis par magie ? On frappe à la porte. La copine qui vient aux renseignements. Elle pousse la lourde infermée et paraît. Regarde. Elle est impressionnée, bouleversée même par la gravité de cette baise. Elle finit par demander :
— Mais où est donc Nicar ?
Sans cesser de brosser, Béru lui fait signe d’approcher du plumard. Elle obéit. Lorsqu’elle est à portée, il lui vote une mandale retournée, du dos de la main, qui fait éclater les lèvres de la môme et l’expédie sur son pétrousquin. Elle en est étourdie. Le plus impressionnant, c’est que le Gros ne s’occupe plus d’elle et n’a pas cessé de limer Veronica. Depuis le plancher, la gonzesse a une vue imprenable sur les énormes roustons d’Alexandre-Benoît, bruns et hérissés de poils, qui ressemblent à des marrons dans leur gangue végétale.
Sa bouche lui brûle, mais malgré la douleur, elle pense qu’un spectacle comme celui-ci elle ne le reverra jamais. Elle envie sa potesse d’être vergée si prestigieusement. Oh ! maman ! Ce braque en action ! Elle demeure immobile, assise en tailleur.
Elle regarde, comme si c’était pour la dernière fois, à l’instar de ce bon Michel Strogoff dont on brûlait les yeux avec un sabre chauffé à blanc, mais qui conserva la vue grâce aux larmes d’émotion qu’il versa.
Un léger murmure de source sort de ses lèvres tuméfiées.
— Moi aussi ! implore-t-elle. Moi aussi !
Sacrilège ! Requête irrecevable. Ne sait-elle donc point que Bérurier nique d’amour ? D’amour ! T’entends, vérole ?
Ah ! comme il se sent indigné par la revendication de cette niaisette. Il parvient à tourner la tête dans sa direction et, hagard, grogne :
— Toi ? Tiens !
Un pet d’un demi-mètre cube ! De circonstance ! Bien placé ! Rédhibitoire ! qui saccage les illuses ! Coupe les ponts avec le moindre espoir ! Le genre de loufe hautement péremptoire, tu vois ? Vhouafff ! Prrrrr ! et encore Brrong ! Qui ne barguigne pas ! Décisif !
La môme en est dolorée de partout. Les larmes lui montent. Elle qui déjà mouillotait dans ses harnais.
Béru, suprême, a repris sa mission. Le geste auguste du limeur. Le sommier, très sage, ne moufte pas. T’en as qui la ramènent ! Un poids comme Bébé Rose, tu parles ! Ils te coupent le sifflet de leurs jérémiades, certains. Te donnent la sensation que tu scies une bûche. Là, impec ! Dévoué, silencieux. Le serviteur muet. La classe !
Mais le bruit arrive d’ailleurs, d’où on ne l’attendait point. Trois hommes font une brutale intrusion sur le territoire de nique du couple. Le blond et deux mecs teintés, grêlés, vêtus de cuir méchant. Ces deux-là brandissent des arquebuses dégoulinantes d’huile, tellement qu’ils ont peur qu’elles s’enrayent. Elles ont l’air de sortir d’un bac à friture.
Le blond hurle :
— Arrête, Véro ! Tu brosses avec un flic !
En espagnol. Mais je te dis que le lardu s’est mis à la langue de Cervantès, il pige. Gentleman, il demande :
— Vous permettez que je termine mademoiselle ?
Non, ils permettent pas. D’ailleurs, ce paysage bucolique de baise langoureuse les met hors d’eux.
L’un d’eux braque sa rapière sur le cigare d’Alexandre-Benoît en hurlant :
— Stoooop !
Contraint, le Gros s’en va de Véronique (Véro ne nique plus).
Elle est furax, la tigresse noire. Elle vitupère comme quoi ils lui coupent son bonheur ! Ils la meurtrissent en pleine décarrade d’orgasme. Elle allait plonger de la saucière, la chérie ! Tourner béchamel ! Ils lui paieront ce coup-là, les veaux !
Ils tentent de la calmer en racontant. Ils ont réussi à embarquer Salvador, malgré la surveillance établie chez lui. Ils se pointent ici avec lui et qui reconnaissent-ils ? Le vieux. Et à présent : le gros. Ces deux Français assuraient la sécurité du jeune homme.
Bon, ça la calme un brin, Véro. Un tout petit brin. N’empêche qu’elle a la moule en berne, dis ! C’est pas les fêtes du bicentenaire dans son frifri. Vous avez vu le paf qu’elle s’octroyait ? Non, mais imaginez une courgette comme ça en action et qui vous laisse quimper en plein essor ? Ils veulent pas lui foutre la paix encore un quart d’heure, nom de Dieu ! Qu’elle finisse de se faire braquemarder la moniche ! Elle va en mourir de cette rupture de secteur !
Ils peuvent pas piger, ces petits cons, avec leurs bistougnets de serins ! Au contraire, ils sont surexcités, fous de jalousie, de rage meurtrière. Y en a un qui lui cloque son poing dans la gueule, preuve qu’elle n’est pas si cheftaine que cela !
Dans l’armoire, le négus reprend sa sérénade. Ils le délivrent. L’autre, voyant que le danger est écarté, se jette sur Veronica en la traitant de pute vérolée. Il la cigogne si fort que le Mastar, indifférent au canon toujours appliqué contre sa hure, lui cloque un monstre coup de boule. Le truand tire. C’est Veronica qui morfle la bastos dans la poitrine, en haut à gauche, au-dessus du sein. Elle pousse un cri. Son chemisier devient rouge. Sa copine hurle ! Les deux arquebusiers sont décontenancés. Le blond est plus pâle que l’intérieur d’une noix de coco. Le négus est une fois de plus out, mais sûrement pour lurette. Il lui pousse sur la gogne un machin gros comme une borne kilométrique.
Et puis, bon, bien, ça se calme un peu. Le blond ordonne à son écuyère de s’occuper de Véro. Les hommes retournent au salon où se tiennent Pinaud, un gros zig armé et le frêle Salvador, beaucoup plus mort que vif. Il a les mains entravées par des menottes et une grande plaque de sparadrap sous le pif. Ça cache toujours une partie de ses bubons répugnants, ce trouduc !
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