C’est commotionnel comme effet. Un qui ne connaît pas, qu’il soit homme ou femme, est toujours frappé de saisissement à la vue de ce sauciflard dantesque.
Ils matent silencieusement.
— Corrèque ? demande l’Hénorme à la ronde. Alors aboulez l’osier, m’sieurs-dames, avant qu’nous allassions plus loin dans les démonstrations.
— Viens ! fait Veronica en lui tendant la main.
Béru se lève. Pour pouvoir se laisser guider, il enjambe son pantalon et son slip tire-bouchonnés. Le voilà parti sans eux, tel un petit garçon que sa gentille maman entraîne à l’école. Son énorme cul nu, poilu et crevassé de cicatrices, est d’un effet certain sous le veston. De même, ses chaussettes dépareillées et ses godasses complètent harmonieusement le pittoresque de la silhouette.
Le couple sort. Le Noir n’a pas l’air joyce. L’exhibition de ce gros Français tourne mal pour son prestige à lui. Après cette séance, il aura à tout jamais l’air d’un connard aux yeux de sa gonzesse.
Ils se taisent. Le grand blond vêtu de blanc file une mandale à sa poule pour avoir turluté le bâton à un bout de Messire Bigzob. Elle comprend, ne proteste pas.
Veronica referme au verrou.
La chambre, comme l’a laissé entendre l’auteur de ce pur chef-d’œuvre, est minuscule : un plumard, un placard mural, un fauteuil.
— Allonge-toi sur le lit ! enjoint la fille.
Tu sais ce qu’il pense à cet instant, l’Obèse ?
Que cette pétasse est celle qui a fait dégorger l’ami Alfred et l’a plongé dans les noires manigances qui lui valent d’être au trou. S’il s’écoutait, il lui décollerait la tronche d’une mandale. Il en pratique de vraiment meurtrières, parfois. C’est la terreur des cervicales, Béru ! Une bielle de loco lancée à toute vibure est comme anémiée, comparée à sa droite.
Il s’étend, nez en moins, et attend.
Elle le contemple avec un rire mauvais.
— Tu n’es pas un phénomène, tu es un monstre ! fait-elle. Tu es sale, grossier, grotesque, puant. Ton énorme membre est une anomalie de la nature.
L’Hénorme se contient.
— P’t’êt’, admet-il. N’empêche, poupée, qu’ si tu l’morfles dans la casemate, tu d’viens tout’ chose du réchaud. T’as la craquette qui part à dame ! La bouche d’en bas qui bave des rondelles d’ sauciflard ! L’ minou qui déjante ! L’ nénuphar de culotte qu’épanouit ! J’ai tringlé des milliers d’sagouines, espère, à part trois-quat’ qu’étaient trop z’étroites du chaudron et trois ou quat’ zaut’ qui cramaient du frigounet après la séance, j’ai eu qu’ des compliments, des suppliances à recommencer, des pâmades qu’en finissaient pas. Pose ta culotte si t’en as une, c’qu’est pas certain v’nant d’une greluse comme toi, et grimpe-moi en danseuse, ma poule ! C’qu’en découl’ra, tu l’oublilleras jamais. Tu s’ras au paradis. Et encore, j’ai idée que les zélus du paradis doivent s’plumer un peu la banane à s’gratter l’trou du luth.
Contrairement à l’estimation, Veronica porte une culotte. Et même une culotte classique, de bon ton.
Elle la décarpille.
Juste comme elle l’envoie dinguer à travers la pièce du bout de son pied mutin, on tambourine à la porte. Elle va ouvrir. Le négro, son pote, pénètre comme un fou dans la chambre, les lotos dégoulinant sur ses joues sombres.
Il fulmine :
— Ecoute, Véro, tu as envie de te le taper, bon ! Mais je te préviens que quand ce sera terminé, je lui couperai la queue !
Et de sortir un lingue dont il fait jaillir la lame d’une poussée.
— Qu’est-ce y veut, c’gorille ? questionne le Gravos.
Elle lui traduit. Alors Mister Bérurier fils, qui se trouve également être Bérurier père (et même Bérurier paire) se dit que le moment d’agir est idéal étant donné que le quatuor se trouve divisé en deux duos.
Il cueille l’oreiller par-dessus sa tête et le lance dans le portrait de l’énergumène. Le temps que celui-ci ait exécuté la parade, Alexandre-Benoît est déjà debout et lui file sa tatane gauche dans le service trois-pièces. Le méchant lâche sa lame pour sles frangines et tombe à genoux en geignant. Béru l’assaisonne d’un second coup de latte dans le temporal. Le black se fait (également) dans l’esprit du jaloux. Out ! Flegmatique, Mister Cognedur ramasse le ya, fait rentrer la lame dans le manche et le glisse dans une de ses chaussures.
— Escuse-moive pour ton petit copain, mais j’ supporte pas les m’naces.
Il empoigne le groggy par sa ceinture pour le coltiner, telle une valoche, jusqu’au placard mural penderie dans lequel il le bouclarde.
La Veronica est confondue.
— Dis donc, tu n’as pas froid aux yeux ! admire-t-elle.
Bigbraque flatte son zob de la main, comme s’il s’agissait d’un animal familier :
— T’as déjà vu un gonzier avoir froid aux châsses, avec un ardillon commak dans sa musette ?
Conquise, elle lui noue ses beaux bras de femelle autour du cou.
— Tu es un salaud excitant ! avoue-t-elle.
— V’là comm’ y faut m’causer, gazouille le Mastodonte, j’raffole les mots tendres.
Et de la bicher par les miches pour la balancer sur le paddock.
— Allez, ouv’ ton brancard, ma bien chère sœur, j’vas t’entr’prend’ à la papa pour débuter. Faut doser les efforts, ma Colombine. N’à quoi bon t’ démonicher à coups de braque ? J’sus un monstre délicat. Je décarre dans la Chantilly, moi ! Tiens : une minouchette d’ reconnaissance, manière d’baliser l’entrée des catacombes. T’aimes la lichouille d’ broussailles, mignonne ? Pas triste, hein ? Ça réveille ? Ça t’met le fion en état de siège, pas vrai ? Oh ! mais mam’zelle crache pas dessus. Ell’ s’fait brouter l’gazon à ses moments perdus, j’sens. Bouge pas qu’j’opérasse un bout d’espertise dans la case trésor. Un, deux, trois, quat’ doigts ! Salutations, marquise ! T’as la babasse confortab’. Faut pas t’présenter d’l’agace-frifri, ta pomme ! T’as la pointure grenadier. C’est pour ça qu’tu t’ paies un Noirpiot ! Les colored sont chopinés d’ première.
« Bon, on va pouvoir passer à l’œuvre n’après c’ te préambulation. J’voye pas pourquoi on début’rerait pas par une bioutifoule levrette à injection dirèque. Pour c’la faut qu’tu t’mettes les seins à plat ventre su’ l’ pieu et n’ensute qu’tu t’remontes l’valseur un max. Bravo ! T’as tout compris. On peut obtiendre un meilieur écartage des jambons, Miss Senorita, plize ? Parfait ! Déjà, j’peux t’annoncer qu’ c’est gagné. Quand t’as la babasse d’une frangine qui t’fait des baisers à vide, tu peux bien inaugurer d’la sute, ma chérie.
« Attends, j’glaviote un chouïa su’ la tronche du monstre, mett’ tous les atouts dans not’ jeu, et c’est l’appareillage du Normandie dans l’port du Havre ! Au départ, bouge pas, assur’ s’l’ment ta position pour éviter les dérapages. T’ent’ras dans la danse une fois la mise en place fectuée. Voilà ! J’l’avais dit : du v’lours ! Oh ! mais dis, c’t’une partie d’plaisir. L’embarqu’ment pour Citerne, comme dit l’Antonio. Venez, Margot, dans ma nacelle ? M’man qui chantait ça quand elle était joyce. Ma parole, t’vas z’êt’ obligée d’marner d’la collerette pour m’emmitoufler l’ Pollux. On aura tout vu ! »
Ils s’escriment en grande fougue d’amour. Le bonheur que ressent Béru est nouveau. Il le stupéfie. Bibendum ne parle plus. Il besogne à âme et biroute que veux-tu, soucieux de prodiguer un ineffable plaisir, lui qui travaille ordinairement en force, sans trop se soucier du capiteux.
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