Il suit le serveur en coulisse, marchant un peu au pas de parade moscovite, because les perspectives qui s’inscrivent à l’horizon.
« Ce pays m’réussit, songe le brave policier d’élite. Si j’ l’habit’rais, av’c toutes ces saute-au-paf qui m’entourent, j’aurais plus l’temps d’aller licebroquer ! »
Il sourit d’un contentement béat.
Béru, je vais te dire : c’est une nature. Faut pas se choquer. C’est l’étalon homme. Chez lui, la sève l’emporte. L’assouvissement constitue son art de vivre. Il voit pas les choses autrement. La nature lui a accordé un sexe monumental qui fascine les femelles, alors il l’utilise. Il considère la baise comme une mission sacrée. Une espèce de service qu’il doit à l’humanité cahotique. Il est un maillon de la chaîne. Il transmet. Sa semence, même quand elle se perd en des chattes de mauvais aloi, est un dépôt qu’il restitue. Le Seigneur est au courant et aime Alexandre-Benoît Bérurier. Qui sait si notre ami ne sera pas canonisé un jour ? Il a tout pour mériter la sainteté. Il choque beaucoup, mais seulement les cons, ce qui n’est pas grave. Choquer un con, c’est le conforter dans son bonheur d’être con ; c’est apporter de la connerie à son moulin. Au début de mon édifiante carrière, les cons me faisaient mal ; à présent ils me font chaud au cœur. Je comprends combien j’aurais été désemparé sans eux. Quelle triste errance aurait été la mienne sans leurs miséreuses manigances.
Marinette lui adresse un clin d’œil. Toute joyce. Il y a de la mère maquerelle chez les gonzesses de son âge qui ont souvent pris l’autobus.
— Elle est tout émoustillée, la Paquita, confie-t-elle au « maître-queue ». Surtout après la danse qui déjà la transporte. Elle t’attend dans ma piaule, au premier.
Le Lourdingue s’engage dans un escadrin de bois prometteur (déjà les marches sont branlantes). En haut, il y a une porte ouverte. Ça pue le parfum pas cher et la sueur abondante. Béru avise la danseuse en train de poser sa robe de scène. Dessous : la cata ! Elle est planchéiforme. Ses nichemards ? Des prothèses camouflées dans le soutien-gorge ! Son dargif ? Des baleines de la robe ! Sinon, voyez gouttes d’huile ! Tu pourrais loger ta main, sans faire chevaucher tes doigts, dans son entrecuisse. Son triangle de panne ? La barbiche de Pierre Loti ! Oh ! dis donc, la désilluse, lui qui aime l’abondance : les cuisseaux, les forts tétons, les ventres en cascade, les belles crinières similiastrakan qui dévalent jusqu’à mi cuisses. Seule la frime est choucarde, surtout because les châsses en amande et les longs cheveux noirs qui lui choient jusqu’au coccyx. Elle le regarde entrer, l’air stupéfait.
Elle bégaie :
— Ce est vous ?
— Yes, ma gosse, ce est moi, avec tous les accessoires !
Elle fait une mimique évoquant la dégueulanche et dit :
— Vous ? Moi ! Beurrg !
Alors là, il l’a mauvaise, le Gros. Qu’est-ce qui lui prend, Marinette, de l’adresser à cette pécore maigrichonne et bégueule ! Il va lui jouer Zorba le Grec si elle rectifie pas le tir d’urgence !
Il fait un pas de plus dans la carrée de la mère Marinoche où tu trouves plein de photos made in France dans des cadres qui feraient chialer ta grand-mère !
— Hé ! dis, la planche à voile, faudrait voir à pas t’offrir la tronche d’ l’homm’, qu’sinon, une baffe est vite arrivée ! Non mais, c’t’ darlinge a moins d’nichons qu’un’ plaque chauffante ! Pas l’moind’ cul, qu’c’est à s’d’mander à quoi é s’cramponne pour assurerer sa sécurité quand é va aux cagoinsses ! Et y a du pauv’ monde qui sont r’venus d’Buchenwald av’c dix fois plus d’graisse qu’elle. Mais j’t’en fous, elle vanne ! Elle pintarise d’vant un mec qu’ a tronché tant tell’ment d’frangines qu’on pourrait plus les compter, même av’c le théorème d’ Pichtgorne !
« Momie, va ! Sac d’os ! Danseuse d’mes deux ! Tu peux toujours courir pour quj’t’emplâtre, connasse ! Et pis d’abord, où qu’j’le mettrerais mon missile lunaire, palissade ? Tu bouillaves avec des allumettes ! Ta chaglatte, t’y rent’rerais pas l’capuchon d’un stylo Mont-Blanc ! Et tu penses qu’j’pourrais faire régaler mon avant-centre ? Tiens, pour qu’tu piges ton erreur, j’vas t’montrer l’personnage. Ouv’ grand tes yeux, à défaut d’tes meules, Miss Esquelette ! »
Il se dégrafe, opération si fréquente de sa part qu’il l’accomplit en deux gestes. Le premier vertical (de haut en bas) pour ouvrir la boîte de Pandore ; le second plongeant, tournant et haleur pour dégager de son vivier la superbe truite frétillante.
Le ziffolo de monsieur opère son effet magique. Il a l’habitude, Béru. Il sait. S’abstient de tout triomphalisme exagéré. Il montre la bête, sobrement. Voilà ! Foin de mots inutiles. Regarde et tais-toi !
Elle regarde, se tait.
Mais elle a un frémissement qui va s’intensifiant. Toutes pareilles ! Les voilà captatrices, happeuses, béantes ! Elles EN VEULENT ! Et puis c’est tout ! Ce truc pas croyable qui croise leur route doit faire escale par elles ! La bouche s’ouvre, les mains se tendent.
Le pafosky du Mastar qui léthargeait un peu, compte tenu de sa colère, trahit le maîmaître. Le désir provoque le désir ! Il n’en a cure, le gourdin vivant, des rancœurs béruréennes. Il se dilate à en éclater. La danseuse oublie ce qu’il y a autour, ne voit plus son propriétaire gras et hirsute. Il n’y a que LUI au monde, à cette minute ! Que ce zob de gladiateur ou de pachyderme. Elle s’en saisit en tremblant de bonheur. Le guide ! Incrédule, Béru constate que ses appréhensions étaient vaines, infondées, voire infamantes ! La danseuse qu’il croyait exiguë est tout à fait capable d’accueillir son panais ! Elle le lui coiffe sans barguigner. L’épisode marque aussitôt la fin d’un stupide différend.
Tout en chauffant les turbines, Béru chuchote à l’oreille de sa dernière conquête :
— Là, tu m’cisailles, la môme ! J’tcroivais pas capab’ d’ m’engourdir l’ manche à burnes d’un seul coup ! Les coulisses d’ l’esploit, c’est ta gamelle, técolle ! T’es un fourreau d’ sabre, dans ton genre, Poulette ! Et puis, dis donc, pile ma pointure ! On aurait fait deux essayages avant, ça pouvait pas mieux cadrer ! Au Bodygraphe, chérie ! C’que c’t’agréab d’êt’ chaussé sur m’sure !
« Oh ! et qu’est-ce que je senté-je su’ mes arrières ? Mâme Marinette qui monte en ligne !’ Mâme Marinette qui veut profiter d’la consultance au docteur Béru ! Feuille de rose, siouplaît ! Mazette, rien qu’ça ! On s’mouche pas du coude ! Et la menteuse qui m’furette les roustons, maint’nant ! C’est fête au village ! C’est le quartorze Juliet ! On va allumer les lampions ! Mords-moi pas la poitrine, môme, j’vaye avoir des bleus ! Ah ! dis donc, t’es la vraie enragée, y a pas qu’au tango qu’t’usines !
« Mais qu’est-ce elle cherche à m’bricoler, la Marinette ? Un doigt d’ cour dans l’ fignedé pour faire plus classe ? Si j’m’aurais attendu à ces réjouissances quand j’ai arrivé ! Hé ! oh ! Marilou, tu fourvoies un peu d’trop ! C’t’av’c l’ pouce qu’ tu m’bricoles l’œil d’ bronze ? Mollo, la mère. Une caresse d’amitié, j’dis pas, mais pousse pas les feux, l’oignon, c’est pas mon sacerdoce ! T’entends ce que je…
« Oh ! nom de Dieu, de salaud ! C’est pas la taulière mais l’danseur qui s’ permet des voies d’ fesses su’ ma personne sans autorisation prélavable ! Escuse-moi, la môme, j’te finirerai plus tard ! »
Bérurier bouscule son agresseur, saute du lit et lui place un doublé à la face. Il retient l’intempestif par le gilet, pas qu’il tombe, le pousse sur le palier et, d’un coup de boule entre les carreaux, le propulse dans l’escadrin où le gars exécute un saut périlleux arrière. Il dévale encore quelques ultimes marches et reste immobile.
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