Sans obstacler davantage, elle m'entraîne vers une villa blanche de style arabisant. La construction est charmante, relativement modeste. Nous franchissons un patio mosaïqué dans les tons vert et bleu. Je perçois de la musique. Pas du tout le genre mélopette nasillardeuse puisqu'il s'agit de Rhapsody in Blouse , de Gershwin-Gum.
On pénètre dans un salon réalisant la jonction des civilisations (mauresque et occidentale). Les sièges sont d'ici, mais pas le piano à queue, ni les tableaux signés Derain, Rouault, Matisse et Picasso.
Dans un angle ombreux de la pièce, une femme est lovée tel un chat sur un canapé. C'est Nouhr, ma merveilleuse rencontre de Lanzarote. Seigneur ! Comme elle a changé en quelques semaines ! Pâle, les traits tirés, le regard flottant, ce n'est plus qu'un vague reflet de la somptueuse jeune fille qu'elle était lors de nos relations.
Malgré l'après-midi, elle est infardée, les cheveux à l'abandon et porte une robe de chambre de soie noire avec des savates argentées. J'éprouve un choc en la retrouvant dans cet état et mon cœur se serre kif le couloir à lentilles d'un hétérosexuel qu'on s'apprête à sodomiser.
Je vais à elle d'une allure incertaine, fou de tristesse, d'angoisse…
— Bonjour, ma chérie, balbu-siège.
Ses yeux paraissent voilés, leurs pupilles en sont dilatées ; des cernes bleutés les soulignent.
Me penche pour un baiser qu'elle subit sans avoir la moindre velléité de le rendre.
— Qu'as-tu, ma belle âme ? m'inquiété-je.
Elle détourne la tête sans répondre.
— Tu es médicamentée ? risqué-je.
Bref haussement d'épaules.
Elle ne répond pas, regarde autour d'elle, comme une qui cherche du secours, puis, tout de go éclate en sanglots.
Je la presse sur ma poitrine gladiateuse. Baisote ses cheveux, mordille son lobe.
— O Nouhr, Nouhr bien-aimée, que s'est-il passé ? murmuré-je. Fais un effort et dis-moi ce qui t'est arrivé depuis notre séparation.
Elle parvient à s'exprimer, à clarifier sa pensée. Pour commencer, elle trébuche, marque des silences interminables ; mais au furet à mesure, son verbe s'affirme, sa confiance en moi revient. Elle en a vu de dures, dirait la bonne M meClaude que j'eusse aimé connaître (à titre personnel car je n'use pas des dames-faites-pour). La mort combien dramatique de son père ; ma disparition, au plus culminant de son malheur ; les sévices infligés par des individus sans vergogne s'acharnant à lui faire révéler la planque de certaines pierres précieuses. De quoi conduire n'importe quelle enfant de Marie à la neurasthénie et à la drogue.
Je te parie une blanquette de veau contre une banquette de dévot que je me pointe à pitre (je veux dire : à pic). Cette malheureuse, lassée de tout, même de l'espérance, était en train de sombrer corps et biens au moment où Bayard réapparaît. Mais mon regard plongé dans le sien et mes doigts effleurant son Triangle d'or la gaillardisent. Elle entrevoit le salut ! S'épanche.
Pauvre jeune fille broyée par la férocité de la vie. Son dabe, depuis des années, trafiquait avec des gens redoutables qui devenaient de plus en plus exigeants. Affolé par ces acolytes implacables, il s'est réfugié dans la maladie ; a feint une attaque. Sa grande fille dévouée est entrée dans son jeu avec une abnégation n'appartenant qu'aux femmes lorsqu'elles ne sont pas salopes.
Le père Zagazi a fui l'Egypte pour les Canaries, emportant les gemmes que l'on sait, c'est-à-dire une fortune. Seulement, ses ex-complices n'ont pas été dupes et l'ont vite retrouvé. Lui, mais pas son gâteau !
Les choses se sont alors envenimées.
Alouf simulait si admirablement l'handicapé que ses ennemis ont été pris de doute. La fouille poussée de sa chambre et de ses bagages n'ayant rien donné, ils ont décidé de frapper fort et l'ont hissé sur l'échafaudage du hall pour lui faire subir une dernière épreuve. Ils comptaient sur la panique.
A tort ! L'Arabe n'a pas moufté. Alors, ils l'ont supprimé pour terroriser sa fille.
A présent, il est temps de te préciser, mon lecteur au cerveau désossé, une chose très importante : la bande du diamantaire n'a rien à voir avec les gens du Consortium. Pour les cailloux, il s'agit uniquement de gangsters issus du marché gemmologique. Qu'ils soient venus sévir aux Canaries en même temps que « les autres » est une pure coïncidence.
La tendre enfant cesse de larmoyer. L'on dirait (long-dix-raies) qu'en s'abandonnant sur mon épaule, tout en caressant ma chopine forcenée, elle retrouve les chemins de la vie et la paix de sa jeunesse.
Je cesse progressivement de la questionner pour descendre, sur le gué de mes baisers, jusqu'à son adorable pubis. Qu'existe-t-il de plus tonique qu'une minette salubre ?
La jouissance expulse de son esprit les ultimes miasmes de sa terrible aventure.
Assise sur ses talons à peau de caïman, la vieillarde qui m'a accueilli, considère nostalgiquement notre étreinte. Lui a-t-on jamais bouffé la cramouille, à cette carabosse en désincarnance ? J'en doute, sachant qu'une pareille pratique n'a pas l'agrément du Prophète…
Dommage pour mes potes de là-bas. Comme ils ont raison de venir sur la planète France !
Quarante-neuf heures plus tard, dans le vol Le Caire-Paris. En first . Places E et F. Un couple.
La fille blonde aux yeux clairs, un peu pâlotte. Le garçon brun, le regard qui humidifie les femmes (on le devine baisant beaucoup et pour pas cher). Elle serre la dextre du gars entre ses cuisses. Il en profite pour lui zigougner le clito. Quand ils ne parlent pas, ils s'embrassent à pleines muqueuses.
La demoiselle a pris son foot à deux reprises depuis le décollage. Lui, attend l'arrivée pour se laisser essorer, mais son tricotin fait pouffer les hôtesses qui ont l'œil.
Si tu parviens à mettre des noms sur ce duo tu as gagné les zœuvres complètes de Mazarine.
Tandis que les réacteurs réactent, j'affranchis ma chère Nouhr sur les autres « Mystères de Lanzarote ». Odyssée de l'Espace ! Elle est passionnée, y a de quoi ! Je lui narre l'affaire Thomas Graham, le Britannouille fâcheusement mort en mer. C'était un homme de main du Consortium ; il se trouvait dans l'île pour accomplir deux missions (entends par là buter deux personnes : la victime du brasier tellurique et moi). L'Irlandaise rousse, épouse d'un des leurs, mort de les avoir trahis, était supposée connaître des éléments susceptibles de les gêner. Quant à mézigue, ma curiosité prenait trop d'ampleur et m'entraînait inexorablement sur leur piste. Graham reçut donc l'ordre de m'éliminer. On l'avait maqué avec Anne-Marie, l'une de mes conquêtes passagères qui appartenait déjà à l'Organisation lorsqu'elle était hôtesse au Nénuphar de Jade . Thomas n'étant pas assez malin pour m'avoir, c'est lui qui engraissa les squales de l'Atlantique.
Comprenant que je m'étais tiré du guet-apens au détriment de son jules, l'Asiate avertit ses chefs. C'est alors que ceux-ci décidèrent de me neutraliser et de m'emmener à Londres !
Pendant que je guerroyais sur tous les fronts, mes trois « assistants » ne chômèrent point. Frank Blando, le plus avisé, et qui savait frapper aux bonnes portes, eut vent du « repaire bernois ». Las ! son informateur fut vite châtié pour sa trahison et mon confrère dut également en payer le prix.
Il est intéressant de noter combien j'avais eu le nez creux en constituant ce commando spécial. Chacune de mes recrues parvint à découvrir une pièce du puzzle qui, hélas, leur coûta la vie. Sans doute, ce trio d'élite ne prit-il pas suffisamment de précautions ? L'hydre que nous avions à écraser n'appartenait pas à la race des malfaiteurs traditionnels. Pour assurer le bon fonctionnement de cette machine à détruire, des fonds secrets affluaient d'un peu partout. On les « engrangeait » en des lieux innocents, comme le souterrain de Jameos del Agua, pour les injecter ensuite dans la caisse noire de la Grossmonisch Bank lorsque se présentait une occasion de les blanchir.
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