Je m'attendais certes à tout, donc à rien ! N'empêche que j'en ramasse plein la frimousse, et Mathias idem.
Sidérant !
Figure-toi un immense couloir d'au moins deux cents mètres de long, brillamment éclairé par des lampes reproduisant la lumière du jour. Tu me suis ? Les murs sont peints à fresques et les barbouilles représentent les horizons de la Suisse bien-aimée. Formidable décor à nul autre pareil. C'est hyperréaliste ! Géant ! Tu reconnais la Jungfrau, dans les lointains. Les montagnes forment une chaîne infinie ; t'aperçois des chalets, des chemins sinueux ; au premier plan : troupeaux de vaches aux énormes cloches dont tu crois entendre la tintinnabulance, clochers à bulbes, ponts de pierre, et gussiers soufflant dans des cors des Alpes. Dans cette peinture colossale s'ouvrent des portes, des portes, des portes…
Voilà pour le décor, grosso-modiste, dirait le pauvre Alexandre-Benoît.
A présent, venons-en à la réalité.
Au milieu de l'interminable et très large couloir, sont écroulés pêle-mêle, humains et animaux, terrassés par le gaz de Sa Rouquinerie Mathias I er. Ils l'ont inhalé alors qu'ils se rassemblaient pour débattre de l'incendie, je suppose (en anglais, I suppose ). La plupart sont en pyjama ou robe de chambre. Le soporifique les faisant ronfler, le bruitage ambiant évoque un combat aérien pendant la Bataille d'Angleterre.
Nous entreprenons de débuler (abréviation de « déambuler ») parmi ces gisants. Notre produit les a anéantis à l'endors-toi-comme-je-te-pousse. Tiens, parmi les bipèdes, v'là les deux cadors de la gonzesse !
Et puis…
Oh Dieu de ceci, cela et de magnificence réunis ! Mes sens m'abusent-ils ? Se puisse-t-il ? Se pouva-ce ? Ce puisatier ?
Là, sur ma droite, près d'un mec étendu face contre terre…
Le Rouquemoute l'a aperçu en même temps que moi.
— C'est lui ? fait-il en avoixbaissant.
— Il me semble, exhalaisonné-je, et je tombe à genoux, telle la poire trop mûre.
Que soudain, emporté par l'émotion, je me prends à chialer derrière mon masque kif un veau de batterie sous les mamelles de sa chère maman.
— Salami ! hoqueté-je. Salami, mon amour !
Mon élan de joie retient les questions qui m'affluent. Les diffère, devrais-je plutôt dire. Je caresse à pleines mains le poil rêche de mon pote quadrupède. Il sent bon le rude toutou. Son sommeil artificiel n'a rien d'alarmant, sa respiration est régulière. Parfois, il agite ses grosses pattounes torses comme s'il courait au fion de quelque rabbit .
Pendant ces démonstrations de tendresse, Mathias se livre à une opération simple et fastidieuse : il photographie tous les gens allongés. Ainsi pourrons-nous constituer un dossier sur le Consortium.
Il est en plein turf, moi en pleines effusions, quand la porte menant au sas coulisse ; ce sont des gus sortis pour observer l'incendie qui reviennent. En nous découvrant, ils ont le réflexe de se précipiter. Hélas pour eux, le gaz aspiré par le courant d'air les cueille à froid ; ils titubent, s'effondrent. Bingo !
J'abandonne (très provisoirement) Salami, pour visiter les lieux. Presque toutes les pièces ressemblent à des cabines de bateau. L'ensemble possède un je-ne-sais-quoi de militaire. Certains logements sont occupés par des gens que le gaz a annihilés dans leur sommeil.
« Il n'y a, dans ce souterrain, que des hommes », songé-je.
Tiens, non, j'ai pensé trop vite. Voici une gonzesse ! Elle est allongée sur son pucier, le visage dans l'oreiller. Curieux, je m'en approche, la fais basculer sur le dos. Madoué ! comme le répète ma cousine de Quimper, tu sais qui ? Anne-Marie ! Oui, la potesse de Thomas Graham, le photographe dont la carcasse a alimenté les poissecailles au large de Lanzarote ! Si je m'attendais à la retrouver en ce lieu !
Drôle de chose que ma vie ! Tu parles d'un bouquet de violettes, Annette ! Je laisse la fille pour continuer mon exploration.
Survolté, de l'électricité plein le corps, je pousse infatigablement les portes se succédant le long de cette voie pour termites humains.
Ici, est un grand type blond dont l'abandon n'efface pas la physionomie sévère. Il roupille en compagnie d'un bel éphèbe entièrement nu, tenant les aumônières de son compagnon de lit à pleines paluches. J'éprouve une étrange sensation. Renifleur surdoué, l'Antonio joli. Crois-moi ou va te faire aimer par l'un des chimpanzés du zoo de Vincennes (dont les fenêtres de l'appartement donnent sur la cage d'Albert Benloulou), je devine que cet enculeur de damoiseaux est le chef du caravansérail.
En sortant de sa piaule, je crie à mon prolifique (et néanmoins cocu) camarade d'amener sa boîte à images et d'exécuter un documentaire.
Il droppe !
Vachement excitant, cette descente chez la Belle au Bois Pionçant. Cela a je ne sais quoi d'onirique, dirait un livreur de pizzas de mes relations.
Je passe deux appartes vides, m'engouffre dans un troisième. Et alors, la grande Muraille de Chine me choit sur les durillons. Des surprises de ce tonnage, je finirai cardiaque, impossible autrement.
Tu veux savoir ?
Béru !
Oui, mon lecteur vénéré.
Alexandre-Benoît Bérurier !
Superbe.
Dans son endormissure, il trique comme une harde de cervidés. Jamais, au tout grand jamais, au never si tu préfères, je ne lui ai vu une bite pareillement calibrée ! Je le répète : il bande, jazz-band, prébande, contrebande, bande à part, à s'en exploser les siamoises ! Un tel paf, c'est de la folie. Ça défie les lois de la pesanteur !
En maintes occases, j'ai pu admirer son membre d'exception. Je le trouvais énorme, voire gigantesque. Mais là, Babylas… Un bras de déménageur ! Une troisième jambe ! Le pilon d'une baratte ! La bielle d'une locomotive haut le pied ! C'est le phare d'Ouessant, un minaret, la tour de Gustave, un silo nucléaire ! Comment peut-il être inconscient et goder de la sorte ? Mystère de la nature béruréenne !
Quel hymne de reconnaissance dans ma pauvre âme ! Quelles intenses promesses, non encore répertoriées, fais-je au Créateur ?
Le Gros, intact, que dis-je : érectionnant ! Pouvais-je rêver d'une telle fin à cette aventure extraordinaire ?
Non, n'est-ce pas ?
Merci.
L'orage a cessé. L'incendie brasille au sein des décombres. Ne reste plus personne dans le landerneau. Le temps et la fatigue ont ruiné les énergies.
Nous allons, Mathias and me , courbés sous la charge. Une civière dégauchie dans la cité taupinière nous permet de coltiner le major Bérurier jusqu'à la tomobile. N'ensute c'est le tour d'Anne-Marie.
La laborantine nous assiste de son plus mieux. Gentille fille, dévouée, qui ne pleure pas sa peine.
Nous finissons par mon cher Salami. Lui, je le porte en le pressant sur mon cœur.
TROISIÈME PARTIE
CONCLUSIONNELLE ET CONCLUANTE
Une vieille Arbie teinte en roux carotte, répond à mon coup de sonnette. Sa peau est davantage plissée que les testicules d'Antoine Pinay. Lui reste trois dents : une canine, une incisive et une molaire conservées en souvenir de l'époque où elle consommait des nourritures solides. Sa bouche me rappelle l'anus de la chère vieille reine Mary, une figure sympathique de la monarchie britannique (et probablement la seule). Ses yeux flétris sont emplis de crème vanille.
J'explique à cette vénérable relique que je suis attendu par Miss Zagazi. Ça lui en babouche un coin. Me rétorque que sa maîtresse ne reçoit personne.
— Si : moi ! assuré-je avec une telle fermeté que la géronte en est ébranlée comme la voûte de l'église abritant le saint suaire de Turin.
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