Je me trouvais en compagnie d'une petite Autrichienne que m'avait présentée Yves Simon et dont le cul et le romantisme m'avaient séduit. Car j'aime que les deux soient réunis. Quand des glandus me demandent ce que je préfère chez une gonzesse, de son intelligence ou de sa chatte, je rétorque que, pour moi, l'une n'est rien sans l'autre. Piner, c'est bon; causer, c'est bien. Acte et paroles doivent s'imbriquer pour constituer l'instant délicat auquel tout homme a droit.
Bien que je n'aie pas retenu, on me trouve une chambre confortable. De la cretonne partout, une couette moelleuse, des meubles de grand-mère autrichienne; le tout accompagné d'une salle de bains performante.
Je me déloque vite faite bien fait, et c'est la plongée délicate dans une couche à la fois ferme et souple. Je remets mes soucis au lendemain pour m'abîmer dans ces songeries voluptueuses qui t'apportent une bandaison languissante, suivie de rêves que si je te les racontais, t'aurais les yeux cernés pendant trois mois.
Une menue sonnerie me réalite. Mettant à profit un rai de lumière qui filtre à travers les doubles rideaux, je décroche. Une voix pareille à de la confiture qui bout m'annonce:
— Ici le concierge de nuit, monsieur. Il y a là une demoiselle Heidi qui désire vous voir d'urgence.
Mon tour ne fait qu'un sang! Heidi! Le cadran phosphorescent de ma tocante me propose deux heures dix. Se peut-il que mes rigolos aient déjà du nouveau?
— Faites-la monter!
Je vais ceindre une serviette de bains et délourder. Quelques petits instants après, la môme Heidi sort de l'ascenseur. Elle vient à moi, le visage serré; entre sans parler. J'ai beau la regarder interrogativement, la fille n'en casse pas une broque. Par contre, tu sais quoi? La v'là qui se dépoile à une vitesse supersonique. Décarpillage instantané. A croire qu'elle exécute un numéro à transformation.
Lorsqu'elle est en grand uniforme d'Eve, elle bondit sur le lit, s'y agenouille, les jambes fortement écartées, passe ses mains par cette arche de triomphe et attend.
Je pige tout: ma description de la brouette thaïlandaise l'a empêchée de pioncer. Alors elle vient à l'hôtel Metternich pour se faire appliquer le traitement.
J'aime bien les gerces voraces. Celles qui vont coûte que coûte au bout de leur propos. O.K. pour la prestation, fillette! Ça suffit d'admirer son panorama intime: sa voûte d'or, la culée de ses jambes admirables, pour me sentir intensément disponible.
Je lui pratique deux ou trois exquises agaceries préliminaires, manière de préparer le terrain. Michel, le bon jardinier de Télé Matin te le répète: ne jamais planter sans avoir convenablement aménagé le terrain. Tas des chiées d'étourdis qui y vont franco de port, que tout juste s'ils mettent la racine en bas. Ils oublient le terreau, la terre de bruyère, le pré-arrosage, tout ça, et conclusion, t'as ton consensus omnium à fleurs polyvalentes qu'est zingué en moins de jouge. Or, donc, j'aménage le frifri de la donzelle avant de lui prodiguer ce qu'elle est venue quérir en pleine nuitée, tant tellement son imagination lui tenaillait le trésor!
Bientôt, comme je le lui avais annoncé, les occupants des chambres avoisinantes se mettent à lézarder les cloisons à coup de bites et de poings! Hurlant qu'on arrête notre vacarme, ou bien qu'alors on les invite carrément, la situation ne tolérant pas de compromission. Faut qu'elle cesse, sinon tout le monde y participe. Mais Fräulein Heidi est sur orbite. Elle oublie la terre entière, avec ses tapages nocturnes répréhensibles, ses pauvres voyageurs solitaires obligés de se régler le compte épargne tout seuls! Faut dire que, piqué au vif, je pique des deux de manière étincelante! Lancelot du Lac! Montgomery crevant avec son bout de bois le lampion de Henri II! Une fougue quasi guerrière. Heidi hurle sa pâmade à la terre entière! Elle veut que ça se sache, sa monstre régalade! Qu'on en cause dans les journaux et à la téloche! Qu'on le répète aux générations futures, la façon forcenée que je lui fais prendre son peton! Une prouesse de cette envergure, ça appartient à l'Histoire humaine. Onc n'a le droit de la celer: il serait passible de poursuites judiciaires. Ce boulot, mamma mia! Remarque, c'est exténuant. Comparé à ma pomme, le gusman qui gagne le marathon des J.O. est frais comme une rose trémière. Quand j'achève l'exploit, une paire de bretelles est plus musclée que mézigue. C'est sous la ligne de flottaison que les avaries sont le plus pernicieuses. Je titube jusqu'à la salle de bains. Je devrais, par galanterie, céder la priorité à Heidi, mais elle-même gît en travers du lit.
Je m'offre une longue douche supposée réparatrice. Lorsque je reviens dans la chambre, la gosse n'a toujours pas bronché. Tuée par l'amour. Beau titre, non?
Assis au bord du terrain de manœuvre, je caresse son adorable fessier d'une main reconnaissante. M'abstiens de lui balancer des «Alors, heureuse?», ou «C'était bon, chérie?». Sobriété, toujours. La première vertu d'un champion c'est d'être modeste.
Au bout d'un moment, elle finit par réagir, s'extirpe de sa bienheureuse torpeur et va réparer de mon chibre l'irréparable hommage. Quand elle réapparaît, c'est moi qui suis krouni. Elle me chuchote dans la poilugaise droite:
— C'était inouï, je ne vous oublierai jamais.
Et se fringue en silence.
— Tu t'en vas? articulé-je comme un qui, avec un vieux dentier disjoint, prétend manger des caramels.
— Il faut que je sois là lorsque Conrad rentrera. Il s'occupe de vous.
Elle part. Je dors. Du temps s'écoule. Le jour en profite pour sortir de l'ombre dans laquelle il se planquait. Quelque part dans l'hôtel un enfoiré de menuisier commence à menuiser et une enculée de femme de couloir à faire des essais de formule I avec son aspirateur. Mon sommeil déclare forfait. Je commande du caoua, très serré et en grande quantité, avec des petits pains «viennois» et du beurre des Carpates.
Je clape d'un appétit de naufragé récupéré. Comme j'en suis à récupérer les miettes avec mon doigt humecté, mon bigouille rameute. C'est messire Conrad.
— Salut, fait-il, vous connaissez le Kunsthistorisches Museum?
Moi, les musées, je sais te l'avoir dit, c'est pas ma tasse de thé. Je déteste l'ail en camp de concentration. J'aime quand il vit sa vie d'art l'art, chez Pierre, Paul, Jacques ou Jean Paul II.
— Non, mais je trouverai, réponds-je.
— Soyez à 11 heures devant le musée. Sur la plus basse marche du perron, avec un œillet à la boutonnière.
— Ça ne pourrait pas être une rose? Je suis superstitieux et l'œillet porte malheur.
— Ils ont dit «un œillet»!
— O.K., va pour un œillet, ensuite?
— Une ambulance arrivera et s'arrêtera devant le perron. Vous devrez y monter par la poile arrière.
— Et alors?
— On vous conduira là où vous souhaitez aller.
— C'est-à-dire chez les trois filles?
— Oui.
— Pourquoi ne me donne-t-on pas plutôt l'adresse?
— Parce qu'elles se trouvent en un lieu où vous ne pourriez pas vous rendre tout seul. Grâce à l'ambulance, il vous sera possible de vous en approcher, vous saisissez?
— Parfaitement.
— Vous irez remettre l'autre moitié des billets à Heidi, devant la cathédrale, à votre retour, O.K.?
— Promis juré.
— J'aimerais bien aussi récupérer mon couteau.
— Je le lui donnerai en même temps.
— Salut!
Il raccroche. Il semble un peu tendu, l'apôtre. Moins servile qu'hier au soir. J'ai idée que ma dérouillée le gêne un peu pour exister correctement, ce matin, et la rancune lui vient lentement.
Il est huit plombes. Je me fourbis nickel, me chouchoute et me saboule. Ç'a été mené rondeau, recherches. Faut croire que les aminches malfrats Conrad ont un service de renseignements opération Pensée anxieuse pour Toinet. Comment réagit-il? Trop mal, sans doute. C'est le Poulbot de toutes circonstances, y compris les très fâcheuses. Une manière inespérée, pour lui, de jouer au cow-boy. Quand je l'aurai récupéré, il ne cessera plus de i battre les roupettes avec son odyssée, Tintin.
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