Gilles Legardinier - Ça peut pas rater !

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Ça peut pas rater !: краткое содержание, описание и аннотация

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— J'en ai ras le bol des mecs. Vous me gonflez ! J'en ai plus qu'assez de vos sales coups ! C'est votre tour de souffrir !
Ma voix résonne dans tout le quartier. Et là, trempée, titubante, épuisée, je prends une décision sur laquelle je jure de ne jamais revenir : je ne vais plus rien leur passer. On remet les compteurs à zéro. On renverse la vapeur. Je vais faire payer ce fumier. Chaque joueur doit vous donner mille baffes. Je vais me venger de tout. Puisque aucun bonheur ne descendra d'un ciel illusoire, je suis prête à aller chercher le peu qui me revient jusqu'au fond des enfers.
La gentille Marie est morte, noyée de chagrin. À présent, c'est la méchante Marie qui est aux commandes. À partir de maintenant, je renvoie les ascenseurs et je rends la monnaie de toutes les pièces. Les chiens de ma chienne sont nés et il y en aura pour tout le monde. La vengeance est un plat qui se mange froid et je suis surgelée. La rage m'étouffe, la haine me consume.
En quelques livres seulement, Gilles Legardinier s’est imposé comme un auteur majeur, à part, capable de nous faire éclater de rire avec des sujets graves ou de faire surgir l’extraordinaire d’un quotidien que son imagination débordante fait pétiller. Son succès phénoménal s’explique sans doute par son aptitude à parler intimement à chacun. Alliant l’humour et le sentiment comme personne, il nous livre cette fois le portrait d’une femme qui, parce qu’elle ne croit plus en rien, va tout découvrir. Un cocktail aussi vivifiant qu’explosif !

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— L’appartement est au troisième, bien exposé, vous serez remarquablement installée. C’est un immeuble calme. À votre étage, vous avez Mme Brémont, une femme très bien, très élégante, qui n’est pratiquement jamais là. Et de l’autre côté, M. Dussart, directeur d’un gros service informatique. J’essaie de les marier depuis trois ans !

Pourquoi me raconte-t-il ça ?

Deux enfants déboulent en courant dans le hall. Leurs chaussures boueuses souillent le sol. Le concierge les interpelle :

— Antoine, Hugo, où comptez-vous aller comme ça, sans vous essuyer les pieds ? Votre mère ne vous a rien appris ? C’est vrai qu’elle passe plus de temps chez le coiffeur ou à la salle de sport qu’avec vous… Alors puisqu’on est entre hommes, faites-moi le plaisir de nettoyer vos chaussures avant que je me rende compte de ce que vous ramenez comme saleté parce que sinon, je vous fais lécher le dallage centimètre par centimètre.

Je suis estomaquée. Personne ne dit jamais ce genre de choses. En même temps, il n’a pas tort. Les deux jeunes répondent en chœur « Oui monsieur Alfredo ! » et obéissent sans broncher. J’ai noté que quand il s’énerve, l’accent du concierge ressort davantage.

Il se tourne vers moi.

— Ici, tout le monde m’appelle monsieur Alfredo.

Il m’entraîne dans l’escalier.

— Vous avez l’ascenseur sur le côté, mais à votre âge, pour entretenir votre joli physique, sauf si vous avez des choses lourdes à porter, je vous conseille l’escalier.

J’attends le moment où il va me dire qu’il n’aime pas ma coiffure. Je suis bluffée par ses propos. Pas choquée pour autant. Quel âge peut-il avoir ? Les cheveux plus sel que poivre, et ses mains laisseraient penser une petite soixantaine, mais son énergie lui en retirerait vingt.

L’escalier est impeccable. Hugo et Antoine nous rattrapent et nous doublent en pouffant. Le concierge s’efface pour les laisser passer.

— Foncez, les jeunes ! N’oubliez pas de faire vos devoirs avant de jouer aux jeux vidéo !

On arrive au troisième. De l’enveloppe, il sort un trousseau de clefs et me le présente avec un geste d’une grâce surprenante en me désignant la porte au milieu du palier.

— Vous voilà arrivée chez vous. La grande clef. L’autre c’est pour la cave, et la ronde pour le garage. Quand emménagez-vous ?

— Demain matin, mais je n’ai pas grand-chose.

Je m’escrime sur la serrure.

— Elle est un peu dure, me précise-t-il. Je vais vous arranger ça la semaine prochaine. Pour le courrier, vous souhaitez que je le monte ou vous passez le prendre à la loge ?

— Le plus simple pour vous.

— Passez donc à la loge, plutôt en fin d’après-midi ou en soirée.

J’entre dans ce qui va être mon appartement et c’est un choc. C’est immense. D’habitude, il n’y a que dans les films que l’on voit des lieux pareils. De l’entrée, je vois le salon qui semble aussi vaste que le bureau paysager de la boîte. Sur la droite, un couloir s’étire avec au moins trois grandes portes ; un autre corridor part sur la gauche, encore des portes. Le fait que les meubles soient en place produit un effet surprenant. J’ai l’impression d’entrer chez quelqu’un.

Le concierge sort une feuille de l’enveloppe.

— Véronique dit que vous pouvez tout arranger ou déplacer à votre façon parce qu’elle pense tout rafraîchir en rentrant. Elle a écrit : « Sentez-vous libre. » L’armoire électrique est ici, la cuisine par-là, avec le robinet d’arrêt d’eau sous l’évier. De toute façon, si vous avez le moindre problème, vous m’en parlez. Ne faites jamais venir d’entreprise ou de réparateur sans m’en avertir avant. Ce sont souvent des escrocs qui font n’importe quoi, surtout avec les femmes seules. Véronique m’a dit que vous étiez célibataire…

— Tout juste séparée.

Même si je le trouve sympathique sur le fond, il se montre indiscret sur la forme. Je retire mes chaussures et pénètre dans le salon. Il me suit. Je me retourne vers lui :

— Mme Orléana donne-t-elle d’autres instructions ?

Il comprend que je le trouve intrusif. Il consulte sa feuille.

— Rien d’essentiel. Vous lirez vous-même. Je vous laisse. Soyez aimable de descendre vos ordures le lundi et le jeudi. Si vous avez des questions, vous savez où me trouver. Bienvenue dans l’immeuble.

— Merci beaucoup.

Il sort en refermant derrière lui. Le claquement de la porte me fait l’effet d’un bouchon qui saute. C’est le coup d’envoi d’une discrète célébration, d’une fête intime, intérieure. Ce claquement de porte sonne comme un point au bas d’une page qui s’achève, ou mieux, comme la majuscule qui marque le début d’une nouvelle. Le silence, l’espace, la lumière. Je suis seule et, à cet instant, j’en suis heureuse. J’inspire lentement, puis je souffle bien à fond. À plusieurs reprises.

Pour la première fois depuis des semaines, je me tiens dans un endroit où personne ne peut contester ma légitimité et où je suis à l’abri de ce que l’on pourrait m’infliger. Sans doute une bonne définition d’un havre de paix.

J’observe tout autour de moi en tournant lentement sur moi-même. Je ne crois pas avoir fait cela depuis mon enfance. Les meubles sont de bon goût mais sans charme, un peu démodés. Je déambule, à la fois impressionnée par ce lieu qui ne m’appartient pas et tout excitée par l’espace qu’il m’offre. La cuisine à elle seule est plus grande que le plus vaste des salons que j’ai connus. Deux chambres, un dressing, un bureau, une salle de bains avec une très belle douche à l’italienne. Un grand miroir dans lequel je n’occupe qu’une petite place, mais dont la lumière me donne bonne mine. De la fenêtre du salon, je domine la cour et ses arbres. En me collant aux carreaux, j’aperçois aussi les fenêtres des autres immeubles. D’ici, je pourrais voir arriver les assaillants et les ennuis. L’espace d’une seconde, je souris parce que je me sens en sécurité. Au-dessus de mon nouveau décor, l’horizon est bleu. J’ai toujours préféré les endroits d’où je pouvais voir le ciel.

Avec précaution, je m’assois dans le canapé de cuir beige qui doit valoir dix fois le prix du mien et qui fait trois fois sa taille. J’ai du mal à me dire que je suis chez moi. Par contre, je commence à me dire qu’ici, je vais pouvoir reprendre des forces. C’est déjà beaucoup. Si ma vie était un vaisseau spatial, je dirais qu’il vient de s’écraser sur une planète inconnue. Tout est à réparer dans mon fuselage, mais je suis enfin arrivée au garage. Je me connais, certaines avaries seront vite oubliées mais mon cœur est en panne et je ne suis pas certaine de pouvoir le faire redémarrer un jour. C’est terrible mais, à ce moment précis, je m’en fiche. Pour le moment, mon plus grand problème est d’étirer mes pieds assez loin pour les poser sur la table basse.

12

Je vérifie l’heure. 10 heures pile. Je suis bien contente que Kévin, Sandro et Alexandre soient avec moi. Avec eux, j’ai moins peur. Dire que je les connais à peine. À cet instant, ils sont mes meilleurs alliés. Faut-il que je sois fragile pour m’appuyer à ce point sur des inconnus. Celui qui va ouvrir la porte était l’homme de ma vie voilà encore quelques semaines. Quelle étrange notion. À partir de quoi décrète-t-on cela ? C’était un sentiment. Maintenant, il est l’incarnation de mon pire cauchemar. C’est un fait. En sonnant chez Hugues, j’ai l’impression de monter sur un ring de boxe pour un combat. Je secoue les bras pour me détendre. J’ai envie de le mettre KO mais je suis un poids plume… Kévin, à qui j’ai expliqué la situation, me glisse :

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