Mathias Enard - Boussole

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Le point de vue des éditeurs
La nuit descend sur Vienne et sur l’appartement où Franz Ritter, musicologue épris d’Orient, cherche en vain le sommeil, dérivant entre songes et souvenirs, mélancolie et fièvre, revisitant sa vie, ses emballements, ses rencontres et ses nombreux séjours loin de l’Autriche — Istanbul, Alep, Damas, Palmyre, Téhéran… —, mais aussi questionnant son amour impossible avec l’idéale et insaisissable Sarah, spécialiste de l’attraction fatale de ce Grand Est sur les aventuriers, les savants, les artistes, les voyageurs occidentaux.
Ainsi se déploie un monde d’explorateurs des arts et de leur histoire, orientalistes modernes animés d’un désir pur de mélanges et de découvertes que l’actualité contemporaine vient gifler. Et le tragique écho de ce fiévreux élan brisé résonne dans l’âme blessée des personnages comme il traverse le livre.
Roman nocturne, enveloppant et musical, tout en érudition généreuse et humour doux-amer,
est un voyage et une déclaration d’admiration, une quête de l’autre en soi et une main tendue — comme un pont jeté entre l’Occident et l’Orient, entre hier et demain, bâti sur l’inventaire amoureux de siècles de fascination, d’influences et de traces sensibles et tenaces, pour tenter d’apaiser les feux du présent.
Mathias Enard est notamment l’auteur de
(2008), de
(2010) et de
(2012), tous parus chez Actes Sud.
est son sixième roman.

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Je l’écoutais d’une oreille distraite, absorbé dans sa contemplation : malgré les cernes et la maigreur, son visage était puissant, déterminé et tendre à la fois. Son regard brûlait du feu de ses idées ; sa poitrine paraissait plus menue que quelques mois auparavant ; le décolleté de son pull en cachemire noir dévoilait des festons de la même couleur, limite d’un corsage dont une ligne fine, sous la laine, au milieu de l’épaule, laissait deviner la bretelle. Les taches de rousseur de son sternum suivaient la limite de la dentelle et remontaient jusqu’à la clavicule ; j’apercevais la naissance de l’os au-dessus duquel pendaient des boucles d’oreilles, deux pièces héraldiques imaginaires gravées de blasons inconnus. Ses cheveux étaient attachés haut, retenus par un petit peigne d’argent. Ses mains claires aux longues veines bleutées brassaient l’air au gré de son discours. Elle avait à peine touché au contenu de son assiette. Je repensais à Palmyre, au contact de son corps, j’aurais voulu me blottir contre elle jusqu’à disparaître. Elle était passée à un tout autre sujet, ses difficultés avec Gilbert de Morgan, son directeur de thèse que j’avais, me rappelait-elle, croisé à Damas ; elle était inquiète de ses sautes d’humeur, de ses crises d’alcoolisme et de désespoir — et surtout de sa propension malheureuse à chercher le salut dans le sourire des étudiantes de première et deuxième année. Il s’y frottait comme si la jeunesse était contagieuse. Et elles n’étaient pas toutes d’accord pour se laisser vampiriser. Cette évocation m’inspira un sourire salace et un petit ricanement qui me valut une belle engueulade, Franz, ce n’est pas drôle, tu es aussi machiste que lui. Les femmes ne sont pas des objets, etc. Se rendait-elle compte de mon désir à moi, tout maquillé qu’il fût, tout déguisé de prévenance et de respect ? Elle changea encore de sujet. Sa relation avec Nadim était de plus en plus compliquée. Ils s’étaient mariés, me confiait-elle, pour faciliter la venue de Nadim en Europe. Après quelques mois à Paris, la Syrie lui manquait ; à Damas ou à Alep, c’était un concertiste réputé ; en France, un migrant de plus. Sarah était si absorbée par son travail de thèse qu’elle n’avait malheureusement eu que peu de temps à lui consacrer ; Nadim prenait en grippe son pays d’accueil, voyait partout des racistes, des islamophobes ; il rêvait de rentrer en Syrie, ce que la récente obtention d’un titre de séjour définitif venait enfin de lui permettre. Ils étaient plus ou moins séparés, dit-elle. Elle se sentait coupable. Elle était manifestement épuisée ; des larmes brillèrent soudain dans ses yeux. Elle ne réalisait pas les espoirs égoïstes que ces révélations suscitaient en moi. Elle s’est excusée, j’ai essayé de la rassurer maladroitement, après la thèse tout ira mieux. Après la thèse elle se retrouverait sans poste, sans argent, sans projets, dit-elle. Je crevais d’envie de lui hurler que je l’aimais passionnément. Cette phrase s’est transformée dans ma bouche, est devenue une proposition bizarre, tu pourrais t’installer à Vienne quelque temps. D’abord interloquée elle a ensuite souri, merci, c’est très gentil. C’est gentil de te préoccuper pour moi. Très. Et la magie étant un phénomène rare et passager, cet instant a vite été interrompu par le patron : il nous a balancé une addition que nous n’avions pas demandée dans une affreuse coupelle en bambou ornée d’un oiseau peint. “ Bolboli khoun djegar khorad o goli hâsel kard , un rossignol peiné qui perdait son sang a donné naissance à une rose”, pensai-je. J’ai juste dit “pauvre Hafez”, Sarah a immédiatement compris à quoi je faisais allusion, et elle a ri.

Puis nous nous sommes mis en route vers le cimetière de Montmartre et la compagnie rassurante des tombes.

4 H 30

Étranges, les dialogues qui s’instaurent dans la géographie aléatoire des cimetières, pensais-je en me recueillant devant Heinrich Heine l’orientaliste (“Où sera le dernier repos du promeneur fatigué, sous les palmiers du Sud ou les tilleuls du Rhin ?” — rien de tout cela : sous les marronniers de Montmartre), une lyre, des roses, un papillon de marbre, un visage fin penché vers l’avant, entre une famille Marchand et une dame Beucher, deux tombes noires encadrant le blanc immaculé de Heine qui les surplombe en triste gardien. Un réseau souterrain relie les sépultures entre elles, Heine aux musiciens Hector Berlioz et Charles Valentin Alkan tout proches ou à Halévy le compositeur de La Juive , ils sont tous là, ils se tiennent compagnie, se serrent les coudes. Théophile Gautier l’ami du bon Henri Heine un peu plus loin, Maxime Du Camp qui accompagna Flaubert en Égypte et connut le plaisir avec Kutchuk Hanim ou Ernest Renan le très chrétien, il doit y avoir bien des débats secrets entre ces âmes, la nuit, des conversations animées transmises par les racines des érables et les feux follets, des concerts souterrains et silencieux auxquels assiste la foule assidue des défunts. Berlioz partageait son tombeau avec sa poor Ophelia , Heine était apparemment seul dans le sien, et cette pensée, pour si enfantine qu’elle fût, me provoqua une légère tristesse.

Sarah déambulait au hasard, se laissait guider par les noms du passé, sans consulter le plan obtenu gracieusement à l’accueil — ses pas nous menèrent tout naturellement à Marie du Plessis la Dame aux camélias et à Louise Colet qu’elle me présenta, si l’on peut dire. J’étais surpris par le nombre de chats qu’on trouve dans les cimetières parisiens, compagnons des poètes morts comme ils l’ont toujours été des vivants : un matou énorme, vert-de-gris, paressait sur un beau gisant inconnu, dont le noble drapé ne semblait se soucier ni des affronts des pigeons ni de la tendresse du mammifère.

Tous couchés ensemble, les chats, les bourgeois, les peintres et les chanteurs de variétés — le mausolée le plus fleuri, où se pressaient les touristes, était celui de la chanteuse Dalida, Italienne d’Alexandrie, tout près de l’entrée : une statue en pied de l’artiste, entourée de boules de buis, s’avançait, d’un pas, dans une robe transparente, vers les badauds ; derrière elle un soleil éclatant projetait ses rayons d’or sur une plaque de marbre noir, au centre d’un arc monumental d’un gris moiré : on aurait été bien en peine de deviner quelle déité vénérait la chanteuse de son vivant, à part peut-être Isis à Philae ou Cléopâtre à Alexandrie. Cette irruption du rêve oriental dans la résurrection des corps ne déplaisait sans doute pas à nombre de peintres jouissant de l’éternel repos au cimetière de Montmartre, dont Horace Vernet (son sarcophage était très sobre, une simple croix de pierre qui contrastait avec la peinture foisonnante de cet orientaliste martial) ou Théodore Chassériau, qui combine la précision érotique d’Ingres avec la fureur de Delacroix. Je l’imagine en grand conciliabule avec Gautier, son ami, de l’autre côté du cimetière — ils parlent de femmes, de corps de femmes, et discutent des mérites érotiques de la statue de la chanteuse alexandrine. Chassériau a fait le voyage d’Algérie, vécu un temps à Constantine, où il a posé son chevalet et peint, lui aussi, la chaste beauté mystérieuse des Algériennes. Je me demande si Halil Pasha possédait un tableau de Chassériau, sans doute : le diplomate ottoman ami de Sainte-Beuve et de Gautier, futur ministre des Affaires étrangères à Istanbul, possédait une collection magnifique de peintures orientalistes et de scènes érotiques : il acheta Le Bain turc d’Ingres, et il est plaisant de penser que ce Turc originaire d’Égypte, issu d’une grande famille de serviteurs de l’État, collectionnait de préférence les toiles orientalistes, les femmes d’Alger, les nus, les scènes de harem. Il y aurait un beau roman à écrire sur la vie de Halil Pasha d’Égypte, qui rejoint le corps diplomatique d’Istanbul plutôt que celui de son pays natal car, explique-t-il dans la lettre en français qu’il écrit au grand vizir, “il a des problèmes oculaires causés par la poussière du Caire”. Il commence sa brillante carrière à Paris, comme commissaire égyptien de l’Exposition internationale de 1855, puis participe l’année suivante au congrès mettant fin à la guerre de Crimée. Il aurait pu rencontrer Faris Chidiac le grand auteur arabe cher au cœur de Sarah, qui donne son immense roman à imprimer à Paris au même moment, dans l’imprimerie des frères Pilloy, sise 50, boulevard de Montmartre, à un jet de pierre de ces tombes que nous visitions si religieusement. Halil Pasha est enterré à Istanbul, je crois ; un jour j’aimerais aller fleurir la tombe de cet Ottoman des deux rives — j’ignore tout à fait qui il fréquenta ici à Vienne, entre 1870 et 1872, pendant que Paris vivait une guerre puis une révolution de plus, cette Commune qui allait contraindre son ami Gustave Courbet à l’exil. Halil Pasha rencontre Courbet lors de son second séjour parisien, et lui commande des toiles — d’abord le tendre Sommeil , acheté pour vingt mille francs, évocation de la luxure et de l’amour homosexuel, deux femmes endormies, nues, enlacées, une brune et une blonde, dont les chevelures et les carnations s’opposent merveilleusement. On donnerait cher pour avoir une transcription de la conversation qui donna lieu à cette commande, et plus cher encore pour avoir assisté à la suivante, celle de la commande de L’Origine du monde : le jeune Ottoman s’offre un sexe de femme en gros plan, peint par un des artistes les plus doués pour le réalisme de la chair, tableau absolument scandaleux, direct et sans détour qui restera dissimulé au grand public pendant des décennies. On imagine le plaisir de Halil Pasha à posséder un tel joyau secret, une vulve brune et deux seins, que le petit format rend facile à dissimuler, dans son cabinet de toilette, derrière un voile vert, s’il faut en croire Maxime Du Camp, qui déteste autant Courbet que les fantaisies et la richesse de l’Ottoman. L’identité de la propriétaire de cette toison pubienne si brune et de ces seins de marbre reste encore à déterminer ; Sarah aimerait beaucoup qu’il s’agisse du sexe de Marie-Anne Detourbay alias Jeanne de Tourbey, qui mourut comtesse de Loynes, fit rêver Gustave Flaubert et fut la maîtresse — la muse — d’une bonne partie de ce Tout-Paris littéraire des années 1860, y compris peut-être celle du fringant Halil Bey. La tombe de Jeanne de Tourbey se trouvait quelque part dans ce cimetière de Montmartre, pas très loin de celles de Renan ou Gautier qu’elle avait reçus dans son salon, à l’époque où on lui donnait le nom terrifiant de “demi-mondaine” ; nous ne l’avons pas trouvée, cette tombe, soit que la végétation la dissimulât, soit que les autorités, fâchées d’héberger des os pelviens si scandaleux, eussent décidé d’en soustraire le sarcophage au regard concupiscent des passants. Sarah aimait à imaginer, sous les marronniers de la grande avenue bordée de mausolées, que pour Halil Bey ce sexe doucement entrouvert était le souvenir d’une femme désirée, dont il avait demandé à Courbet de dissimuler le visage par discrétion ; il pouvait ainsi contempler son intimité sans risquer de compromettre la demoiselle.

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