— Ça va être encore plus compliqué, me dit-il, sa bouche contre la mienne en me suivant à travers le séjour.
— Juste encore une fois, une dernière fois, murmurai-je alors que nous arrivions au seuil de ma chambre.
Il esquissa un sourire, le premier depuis que nous venions de nous retrouver en tête à tête.
— Le principal, c’est que tu y croies…
— Pas toi ? lui répondis-je avec le même sourire.
Il m’embrassa lentement, intensément, ses mains se baladaient déjà sur moi, pendant que moi, je me débattais pour lui retirer sa veste. Nous basculâmes sur le lit.
— Si, bien sûr, me dit-il, ses lèvres dans mon cou. On ne recommencera plus.
Un peu plus tard, j’étais calée dans ses bras, apaisée, somnolente, marquée par ses caresses sur chaque centimètre de ma peau, sur chaque partie de mon corps. Je redécouvrais que mon épiderme était doté de sensibilité. J’aurais voulu que cette douceur et cette sensation ne cessent jamais ; j’oubliais tout le reste, c’était apaisant et c’était agréable de ne pas avoir l’esprit occupé par mille choses, mais uniquement tourné vers ce bien-être. Et je n’avais aucune envie que ça soit la dernière fois.
— Nous voilà bien, me dit Marc.
Je levai le visage vers lui ; il souriait en me regardant.
— Rappelle-moi, enchaîna-t-il, tu m’as bien dit « juste une dernière fois », c’est ça ?
Je ris, puis retrouvai mon sérieux. Rien n’avait changé et c’était de plus en plus compliqué. Je m’éloignai de lui et m’assis en remontant la couette sur mes seins.
— Ça reste compliqué. Je ne sais pas… je n’ai pas le… Qu’allons-nous faire ?
Il se leva et se rhabilla. Quand il fut prêt, il s’assit sur le lit à côté de moi et caressa ma joue.
— Ne cherchons pas à comprendre ce qui se passe et prenons les choses comme elles viennent, d’accord ?
Je hochai la tête. Il se leva, j’en fis de même et attrapai un tee-shirt long dans le dressing. Une fois devant la porte d’entrée, Marc m’embrassa du bout des lèvres.
— On s’appelle ? me demanda-t-il.
— Oui.
Il partit. Je fis le chemin inverse d’il y avait deux heures et me retrouvai devant la fenêtre du séjour. Quelques secondes plus tard, Marc ouvrait sa portière. Avant de monter dans sa voiture, il leva la tête ; en m’apercevant derrière la vitre, il me sourit avant de disparaître.
Alice fut ravie de me voir dévorer son poulet petits pois et chiper la peau grillée du volatile dans les assiettes de ses enfants. M’étant réveillée en retard, j’avais sauté le petit déjeuner et, en arrivant chez eux, je mourais de faim. Ma sœur me laissa manger sans rien demander ; elle me lançait des coups d’œil toutes les deux minutes en assurant la conversation, en parlant des parents et de la pluie et du beau temps avec moi. De toute façon, si elle passait à l’attaque, je m’y mettais aussi. Et je doutais que la table de la salle à manger entourée de ses enfants et Cédric lui convienne pour des confidences. Je savais où tout ça se terminerait ; soit dans la cuisine la tête au-dessus de l’évier, soit dans le canapé après le café. Une vingtaine de minutes plus tard, elle me fit comprendre son choix :
— Je vais coucher Léa pour une sieste et on se retrouve dans le salon.
Sans me laisser la moindre chance de remettre en cause sa décision, elle attrapa Marius, lui proposant de regarder un DVD dans leur chambre ; elle était donc déterminée à avoir la paix la prochaine heure et demie ! Je finis de ranger la cuisine en compagnie de Cédric, qui avait bien du mal à contenir son fou rire.
— Elle est en forme, lui dis-je en mettant la pastille dans le lave-vaisselle.
— Ah ça ! Elle est déchaînée, c’est toujours la même chose !
— Qu’est-ce qu’elle a ?
Il leva les mains en l’air.
— Ne compte pas sur moi pour jouer les balances. Et je serais toi, je préparerais vite fait ce que je compte lui dire ! Elle continuait encore à causer sur ce qu’elle supposait la nuit dernière alors que je ronflais. Et j’étais à peine réveillé ce matin que c’était reparti !
— Oh non…
— Et si, me dit-il en riant.
Le voir remplir la bouilloire et préparer une théière pour Alice me confirma à quel point le moment était sérieux. J’exigeai un espresso et il m’accompagna dans mon choix. Nous étions dans le séjour en train de le boire lorsqu’elle arriva. Elle se planta non loin de son mari, les mains sur les hanches en le fixant.
— OK ! Je vous laisse !
Il secoua la tête, quitta son fauteuil et déposa un baiser sur les lèvres de sa femme. Il tapota mon épaule en passant à côté de moi, et souffla « bon courage ». Puis il disparut dans la maison, non sans agrémenter son départ d’un éclat de rire libérateur. Alice se pelotonna sur le canapé, se calant un coussin dans le dos, son mug de thé à la main.
— Vous êtes bien rentrés avec Marc, hier soir ?
— Oui, oui… tu racontes quoi, toi ?
Elle avala une gorgée de thé et me regarda avec indulgence.
— La dernière fois, tu n’as pas remarqué parce que tu étais trop obnubilée par ton boulot. Ce coup-ci, c’est à cause de Marc que tu n’as rien vu hier, je préfère ça, tu me diras…
— Sois plus claire, je ne comprends rien. Tu veux jouer aux devinettes ?
— Indice : on va devoir pousser les murs de la maison…
Je fronçai les sourcils ; maison trop petite, Alice sourire radieux, Cédric encore plus aux petits soins que d’habitude… ma sœur était…
— Enceinte ! Tu es enceinte !?
— Tu as été plus rapide que d’habitude !
Je bondis sur elle en la serrant fort contre moi, faisant taire le pincement au cœur qui m’étreignit un bref instant.
— Dis-moi tout ! C’est pour quand ? Tu vas bien ? Tu n’es pas trop fatiguée ? Vous savez ce que c’est ?
— Retourne t’asseoir, tu m’étouffes !
— D’accord, d’accord…
Une fois à ma place, je me donnai des claques mentalement ; comment avais-je pu passer à côté de ça ? Alice était mère dans toute sa splendeur, épanouie, surpuissante, comme à chacune de ses grossesses, toute en rondeurs et délicatesse.
— C’est pour fin avril ou les premiers jours de mai, je suis en pleine forme et on garde la surprise, comme d’habitude.
— Dis-m’en plus…
— On est fous de joie, que veux-tu que je te dise d’autre…
— Les parents sont au courant ?
— Non, je leur dirai à Noël, sinon maman va débarquer demain !
J’éclatai de rire, notre mère était pire qu’une louve protégeant ses louveteaux quand Alice était enceinte.
— Bon, maintenant, à toi !
Oh non… pas déjà . Pour la forme, j’allais tenter de botter en touche, bien que je sache pertinemment que ça ne servirait à rien.
— Moi… tout va bien… le boulot… la routine…
— Crache la Valda ! Que se passe-t-il avec Marc ? Ne t’avise pas de me répondre rien, parce qu’après votre sketch d’hier soir, ça serait ridicule. Soit dit en passant, qu’est-ce qu’on a ri !
— Bon, soupirai-je. Je reprends depuis le début !
Alice m’écouta attentivement pendant que je lui racontais ce qui s’était passé entre Marc et moi depuis le dernier jour de vacances à Lourmarin jusqu’à la nuit précédente.
— Vous vous revoyez quand ? me demanda-t-elle sitôt que j’eus fini.
— Aucune idée.
— Comment ça ?
— Bah… non.
— Attends, Yaël, il y a un truc que je ne comprends pas… vous êtes quoi au juste l’un pour l’autre ?
— Je n’en sais rien…
— Ne me dis pas que c’est juste pour le… plaisir ? s’étrangla-t-elle en haussant un sourcil.
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