Agnès Martin-Lugand - Désolée, je suis attendue…

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Désolée, je suis attendue…: краткое содержание, описание и аннотация

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Yaël ne vit que pour son travail. Brillante interprète pour une agence de renom, elle enchaîne les réunions et les dîners d’affaires sans jamais se laisser le temps de respirer. Les vacances, très peu pour elle, l’adrénaline est son moteur. Juchée sur ses éternels escarpins, elle est crainte de ses collègues, et ne voit quasiment jamais sa famille et ses amis qui s’inquiètent de son attitude. Peu lui importe les reproches qu’on lui adresse, elle a simplement l’impression d’avoir fait un autre choix, animée d’une volonté farouche de réussir.
Mais le monde qu’elle s’est créé pourrait vaciller face aux fantômes du passé.

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— Moi, rien de spécial… je travaille toujours pour la même boîte.

— Non ? C’est incroyable ! Tu fais quoi, en réalité ? Tu ne savais pas quand je suis parti.

— Interprète, entre autres.

— Tu es bien mystérieuse… Et le reste ? Ta vie ? Tu es heureuse ? Je veux savoir… Dis-moi ce que tu deviens, insista-t-il la voix enjouée, le sourire aux lèvres.

Ma vie l’intéressait. Mais je n’avais aucun doute sur le fait qu’il ne comprendrait pas davantage que les autres ce que je faisais. Et puis, c’était trop tard…

— Je suis désolée, Marc, il faut que j’y aille, j’ai une grosse journée demain.

Je m’apprêtais à sortir mon portefeuille quand il m’en empêcha, en tendant la main vers moi.

— Laisse, je passerai régler demain.

— Merci.

— Tu habites où, maintenant ?

— Dans le quinzième.

— Tu rentres en métro ? Je peux te ramener en voiture si tu veux.

— Ce n’est pas la peine, je vais me commander un taxi. Il sera là dans cinq minutes. Quand je vais dire aux autres que je t’ai retrouvé…

Je lui jetai un coup d’œil, curieuse de sa réaction. Avait-il envie désormais de renouer ? Ou tout ça n’était-il que du flan ? Il eut l’air stupéfait, ses mains s’agitèrent.

— C’est vrai ? Tu vas le faire ?

Même si j’aurais tout donné pour rembobiner et ne pas avoir vécu cette soirée, je ne pouvais pas faire ça aux autres. Je n’étais pas insensible au point de les priver de lui. Et je savais qu’ils accorderaient sans souci leur pardon à Marc. C’était tout eux…

— Comment pourrais-je leur cacher ça ? Ils vont tous être fous de joie. Donne-moi ton numéro de téléphone.

Il me décocha un sourire à décrocher la lune. Puis, il fouilla dans les poches de sa veste et en sortit un portefeuille au cuir râpé, prêt à exploser de papiers en tous genres. Fébrile, il l’ouvrit et attrapa un Post-it.

— Tu ne connais pas ton numéro par cœur ?

Je levai les yeux au ciel. Du Marc tout craché !

— Non. C’est bon, tu as de quoi noter ?

Je l’enregistrai directement dans le répertoire de mon téléphone, et me levai. Il en fit autant en appelant Louis.

— On y va ! À demain !

— À plus tard, mon p’tit gars. Mademoiselle, revenez quand vous voulez.

Et puis quoi encore ?

— Merci.

Je lui avais répondu ça en sachant pertinemment que je ne remettrais jamais les pieds dans cet endroit. Heureusement pour moi ! Le taxi m’attendait devant la porte du restaurant. Je me tournai vers Marc.

— Je t’appelle.

— À bientôt, alors.

Il avança d’un pas et me fit la bise. Je restai stoïque sans la lui rendre. Puis je grimpai dans le taxi, et Marc se chargea de fermer la portière. La voiture démarra directement. Ce retour dans le passé me laissait un goût amer. Je doutais que Marc ait compris que les choses avaient changé, surtout après ce qu’il nous avait fait ; nous aussi, nous étions devenus adultes, nous n’étions plus une bande d’étudiants insouciants. Pourtant, comme je le lui avais dit, les autres sauteraient au plafond. J’avais tiré un trait sur tout ça, sur ce passé, il n’existait plus pour moi. Je les laisserais fêter le retour de l’enfant prodigue, j’avais d’autres chats à fouetter et des préoccupations bien plus importantes. Le silence radio de Bertrand m’inquiétait, m’en voulait-il à ce point-là ? Je refusais d’y croire.

Cette journée improbable me permit de rentrer finalement assez tôt chez moi. Suffisamment pour avaler un somnifère et dormir sept heures d’une traite d’un sommeil lourd et sans rêves. Ça ne m’empêcha pas de me réveiller la boule au ventre, et, sitôt en alerte, je ressassai ma défaillance de la veille. Je fis baisser l’intensité de mon angoisse en enchaînant les longueurs. À 9 heures pétantes, je prenais place derrière mon bureau, prête à me remettre au travail et à me faire pardonner mon erreur. Bertrand arriva moins de dix minutes plus tard et me fit signe de le suivre dans son bureau. Son attitude me fit craindre le pire, il fouillait au milieu de ses dossiers sans me jeter un coup d’œil.

— La femme de Sean est arrivée hier soir. Aujourd’hui tu l’accompagnes pour son shopping, m’annonça-t-il, l’air de rien.

Je me figeai.

— Quoi ? Mais je croyais qu’il avait des rendez-vous programmés et qu’il avait besoin de moi.

Il planta un regard froid dans le mien.

— Je m’en charge. Je préfère que tu t’occupes de son épouse. Tu ne crois quand même pas que c’est moi qui vais me transformer en personal shopper !

Mes mains se mirent à trembler, je les cachai derrière mon dos.

— Tu t’es reposée ?

— Il m’en veut tant que ça ?

Il soupira profondément, sans que j’en comprenne la raison.

— Non, c’est moi qui ai pris cette décision… Ça te donne l’occasion de te faire une journée off, enchaîna-t-il, la voix légèrement adoucie. Tu reprendras du bon pied demain.

— Je suis désolée pour hier.

Il balaya mes excuses d’un revers de main, et retourna à ses dossiers.

— Ne t’inquiète pas, c’est oublié.

C’était tout le contraire. Il me rappelait d’une façon très claire que je restais sous ses ordres, qu’il était le patron et que j’avais commis une erreur. Je n’avais qu’une chose à faire : encaisser.

Les deux semaines suivantes, je continuai à assurer les affaires courantes et d’autres prises en charge type baby-sitting. Cependant, le nombre de convocations dans le bureau de Bertrand revint très vite à la normale. J’avais conscience d’avoir frôlé la catastrophe et montré une faiblesse, je redoublais donc d’effort et d’implication. Et je repoussais toujours au lendemain la grande annonce à toute la bande, au sujet de Marc.

Ce samedi-là, je décidai de le passer à l’agence. Bertrand y fit un passage éclair entre 9 et 10 heures, en s’enfermant dans son bureau, avant de rejoindre une compétition de golf où nous étions sponsors.

Dans l’après-midi, je reçus un appel de ma sœur.

— Les banlieusards réinvestissent Paris ! me lança-t-elle joyeusement.

— Et je peux savoir comment ?

— Il fait beau tout le week-end, les enfants ont envie de remonter en haut de la tour Eiffel, alors on a décidé de se faire un pique-nique avant sur le Champ-de-Mars. Adrien, Jeanne et Emma seront là aussi. Tu viens avec nous ?

Nous n’étions pas encore le 20 du mois, je pouvais sauter sur l’occasion et prendre de l’avance.

— Je passerai.

— C’est vrai ? C’est vraiment vrai ? cria-t-elle dans le téléphone, complètement hallucinée.

— Puisque je te dis que oui ! Ne me fais pas changer d’avis…

— Génial ! On sera tous là, les enfants vont être fous de joie.

Je tiquai sur son « on sera tous là », aussi je saisis la balle au bond, ne pouvant plus reculer.

— Tu ne crois pas si bien dire !

— Hein ?

— Tu es prête ?

— Mais oui ! Qu’est-ce qu’il y a ?

— J’ai retrouvé Marc.

Un ange, plutôt joufflu, passa.

— Ce n’est pas drôle ! m’engueula-t-elle. Ton cynisme a ses limites !

— Je suis sérieuse, je te promets… j’ai même son numéro.

— Quand ? Où est-il ? Comment va-t-il ? Cédric !!! Marc est de retour ! Yaël l’a retrouvé !!!!

Il y eut du remue-ménage derrière le combiné.

— C’est vrai ce qu’elle dit ? hurla mon beau-frère dans le téléphone volé à sa femme.

— Oui, confirmai-je en levant les yeux au ciel.

— Faut que j’appelle Adrien !

— Je suis là, m’annonça ma sœur. Mon Dieu ! Je vais préparer le meilleur pique-nique de toute ma vie.

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