Agnès Martin-Lugand - Entre mes mains le bonheur se faufile

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Entre mes mains le bonheur se faufile: краткое содержание, описание и аннотация

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Depuis l’enfance, Iris a une passion pour la couture. Dessiner des modèles, leur donner vie par la magie du fil et de l’aiguille, voilà ce qui la rend heureuse. Mais ses parents n’ont toujours vu dans ses ambitions qu’un caprice : les chiffons, ce n’est pas « convenable ». Et Iris, la mort dans l’âme, s’est résignée.
Aujourd’hui, la jeune femme étouffe dans son carcan de province, son mari la délaisse, sa vie semble s’être arrêtée. Mais une révélation va pousser Iris à reprendre en main son destin. Dans le tourbillon de Paris, elle va courir le risque de s’ouvrir au monde et faire la rencontre de Marthe, égérie et mentor, troublante et autoritaire…
Portrait d’une femme en quête de son identité, ce roman nous entraîne dans une aventure diabolique dont, comme son héroïne, le lecteur a du mal à se libérer.

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— Je ne veux pas décevoir Marthe.

— Crois-moi, je la connais, c’est en refusant que tu la décevras. Profites-en, lance-toi. Si tu échoues, ce n’est pas grave.

— Ce que tout le monde oublie, c’est que je ne suis là que pour six mois. Ensuite je rentre chez moi.

— C’est où chez toi ?

— Chez mon mari.

— J’ai toujours tendance à oublier ce genre de détail…

J’eus envie de rire et levai les yeux au ciel.

— Il peut se passer beaucoup de choses en six mois, reprit Gabriel en s’approchant de moi. Dîne avec moi, Iris.

— Non, je ne peux pas.

Nous nous regardâmes. Il souriait, et moi, je respirais plus vite.

— Je te fais peur ?

— Pourquoi lui ferais-tu peur ? intervint Marthe.

— Tu ne me diras pas non éternellement, chuchota-t-il.

Puis il se dirigea vers Marthe et embrassa sa joue.

— Magnifique, comme toujours, lui dit-il. Ne t’inquiète pas, j’ai œuvré en ta faveur. J’essayais de convaincre Iris d’accepter ton offre. Elle me disait qu’elle allait en parler à son mari avant de te donner une réponse.

Il me sembla qu’ils s’affrontaient du regard. Puis je vis l’esquisse d’un sourire sur le visage de Marthe.

— Toutes tes maîtresses pourraient étoffer la clientèle d’Iris.

Gabriel éclata de rire. Marthe se dirigea vers moi, la mine sérieuse.

— Tu as une semaine pour prendre ta décision, ma chérie.

— Marthe… je…

Un simple haussement de sourcils me fit taire. J’attrapai mon sac, mon manteau.

— Au revoir, murmurai-je.

Avant de quitter la pièce, je ne pus m’empêcher de me retourner. Ils m’observaient. Marthe, le regard mystérieux, Gabriel, le regard prédateur. Chacun son style. J’accélérai le mouvement pour sortir au plus vite de cet appartement.

Il ne me restait plus que deux jours pour donner ma réponse à Marthe. Je n’avais toujours pas parlé à Pierre. Évidemment.

En ce samedi soir, nous recevions. Après avoir joué à bobonne derrière les fourneaux toute la journée, je me plongeai dans un bon bain. Je marinai dans l’eau plus d’une demi-heure, en cogitant sur ma tactique d’approche. Quels arguments présenter à Pierre pour qu’il puisse considérer la proposition de Marthe ? C’était le moment d’essayer : il était détendu, ravi d’avoir du monde à la maison. Tout était prêt. Sauf moi, qui ne savais toujours pas ce que j’allais mettre, c’était le comble. Je sortis de la baignoire, me séchai et enfilai ma lingerie en dentelle noire avant de me poster devant mon dressing. Je me décidai pour la robe qui avait déclenché l’éclatement familial. Je lorgnais aussi sur mon tailleur, que j’avais ramené sans trop savoir pourquoi. Impossible de le porter ici. Cependant, profiter de la bonne humeur de Pierre était l’occasion de lui montrer mon travail.

— Pierre, tu peux monter s’il te plaît ? criai-je.

— Que se passe-t-il ? me demanda-t-il en pénétrant dans notre chambre. Qu’est-ce que tu fabriques ? Tu n’es pas encore prête ?

— C’est bon, ne t’inquiète pas, il faut juste que je m’habille. J’ai besoin de te montrer quelque chose.

– Écoute, on n’a pas le temps, là. Ils vont bientôt arriver.

— Accorde-moi deux minutes.

Je m’approchai de lui et me glissai dans ses bras. Il posa ses mains sur moi, il n’avait pas le choix. Et ça me rappelait la sensation de sa peau contre la mienne.

— S’il te plaît…

Il soupira.

— O.K., qu’est-ce que tu veux que je voie ?

— Mon tailleur, tu sais, celui que j’ai créé et qui a plu à Marthe.

Il fronça les sourcils, me regarda et me lâcha.

— Tu as une idée derrière la tête, Iris ?

Je devais bien choisir mes mots pour ne pas lui faire peur.

— Marthe souhaiterait que le temps de ma formation je confectionne mes propres modèles.

– À quoi ça te servirait ? Aux dernières nouvelles, nous n’avons pas l’intention de déménager pour Paris.

— Ce n’est pas ce que je te demande, ne t’inquiète pas. C’est juste une opportunité en or.

— Je ne savais pas que tu voulais être styliste.

— Elle me dit que j’ai du talent. C’est pour ça que je voulais te montrer mon tailleur. Je ne m’attendais pas à ça, je te promets. Mais Marthe croit en moi, certaines de ses amies veulent déjà passer commande. Et Gabriel me dit que j’aurais tort de rater une occasion pareille.

Il soupira.

— Vas-y.

— Merci.

Mon temps était compté. Je me précipitai dans la salle de bains.

— C’est qui Gabriel ?

J’eus chaud tout d’un coup. Une idée germa dans ma petite tête.

— Je ne t’ai pas parlé de Gabriel ? C’est lui qui dirige les fonds d’investissement du premier. Un séducteur dans l’âme.

— Un vieux beau ?

— Non, tu te trompes, il a juste quelques années de plus que nous. Il est très sympa ( charmant ), il a l’air d’avoir beaucoup d’humour ( surtout quand il est question de toi )…

— Tu as bientôt fini ?

— Oui, presque. Ça te dérangerait si je dînais avec lui ? Il m’a invitée…

— Pourquoi voudrais-tu que ça me dérange ? Tu viens oui ou non ?

Quand je sortis de la salle de bains, Pierre pâlit et me regarda des pieds à la tête. Je tournai sur moi-même.

— Alors ?

— Tu sais, moi et la mode…

— Bah… je suis jolie au moins ?

— Pas plus que d’habitude, et ça ne te ressemble pas trop en fait… je ne vois pas quand tu aurais l’occasion de porter un truc pareil, surtout quand tu travailleras à la maison. Personne ne voudra acheter ça, c’est importable.

— Mais…

La sonnette retentit.

— Les voilà, me dit Pierre. Change-toi vite.

— Attends !

— Quoi ?

— Je dois répondre à Marthe lundi…

Il haussa les épaules.

— Je ne sais pas, je ne vois pas trop l’intérêt… Réfléchis bien à quoi ça va te servir… pas à grand-chose à mon sens.

Il quitta la pièce. Je l’entendis dévaler les marches puis accueillir nos invités. Des larmes me montèrent aux yeux, je regardai en l’air pour tenter de les chasser et soupirai. Ça avait le mérite d’être clair : Pierre ne voyait absolument pas l’opportunité que représentait la proposition de Marthe. Quant au soupçon de jalousie que je croyais éveiller en évoquant Gabriel… Ça ne lui venait même pas à l’esprit que je puisse plaire à un homme — à se demander si je lui plaisais encore —, ni même que je puisse être attirée par un autre que lui.

Ma dernière journée à l’atelier prenait fin. Je m’apprêtais à monter dans le bureau de Marthe pour lui annoncer que j’arrêtais. J’avais réfléchi, je n’y arriverais pas sans le soutien de Pierre. Ça avait été bien de rêver quelques jours. Je frappai à sa porte.

— Entrez, dit-elle de sa voix troublante.

Elle était assise derrière son bureau, penchée sur des documents.

— Bonsoir, Marthe.

— Je t’attendais. Tu as des rendez-vous demain pour des prises de mesures. Les commandes tombent déjà et elles sont urgentes.

Muette, j’étais muette.

— Tu dois prendre le rythme rapidement, c’est un gage de confiance et de qualité pour tes clientes. Après, tu travailleras pour moi, je souhaite renouveler ma garde-robe avec tes créations. Tu n’as rien à dire ?

Elle me toisa.

— Quel est le problème ?

— Mon mari.

— Explique-moi.

— Il n’est pas intéressé par votre proposition.

— Serait-il devenu couturier durant le week-end ?

— Je préférerais.

— Dis-moi, serait-ce lui qui décide à ta place ? Serais-tu ce genre de femme, soumise à son mari ?

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