Pierre Rey - Le Grec

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Ayant pour cadre le monde, pour décor la mer, pour parfum le pétrole, pour enjeu la domination des océans,
est le plus étourdissant des romans jamais consacrés aux coulisses de la « Jet society ». S’y affrontent en un ballet fiévreux et mortel, les dieux hors série de cette caste secrète et impitoyable : les super-riches. Tissant sa toile autour des continents, affamé, féroce, attendrissant, le plus fascinent d’entre eux : Socrate Satrapulos. Ses ennemis l’ont baptisé S.S. mais pour tout l’univers, il a un autre nom : le Grec.

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PIERRE REY

Le Grec

ROMAN

Né un dimanche d’avril en Provence, Pierre Rey a abordé le journalisme par le biais des Beaux-Arts — ses dessins ont été publiés par la plupart des grands journaux français. Débuts à Paris-Presse, rubrique spectacles. Chroniqueur parisien à Paris-Jour en 1959 — Prix de la Chronique parisienne en 1963 — il devient en 1965, à la demande de Jean Prouvost, rédacteur en chef puis directeur de Marie-Claire. À navigué pendant des années dans les eaux agitées du Jet-Set international. Sa pratique de la natation et de la boxe, ses deux sports favoris, lui a permis d’en sortir indemne et de publier Le Grec, son premier livre.

De yachts en palaces internationaux, de Rolls en rivières de diamants, de femme en femme, de banque en banque, d’un amour à l’autre et de millions de dollars en milliards, voici le plus étourdissant des romans jamais consacrés aux coulisses de la Jet Society. Il a pour cadre le monde, pour décor la mer, pour parfum le pétrole, pour enjeu la domination des océans. S’y affrontent en un ballet fiévreux et mortel, les dieux hors série de cette caste secrète et impitoyable : les super-riches. Tissant sa toile autour des continents, affamé, féroce, attendrissant, le plus fascinant d’entre eux : Socrate Satrapoulos. Ses ennemis l’ont baptisé « S.S. ». Mais pour tout l’univers, il a un autre nom : le Grec.

Paru dans Le Livre de Poche :

OUT.
LA VEUVE.
PALM BEACH.
SUNSET.
BLEU RITZ.

AVERTISSEMENT AU LECTEUR

Dans le cours de ce roman, l’auteur s’est parfois librement inspiré de quelques personnages connus ou de quelques faits réels, auxquels la presse du monde entier et de nombreux ouvrages ont fait le plus large écho.

Sous cette réserve légitime, il importe de préciser qu’il s’agit d’œuvre de romancier et que les situations décrites, les dialogues, les lieux, les caractères, les réactions et les agissements des personnages principaux ou secondaires sont entièrement imaginaires.

S’il est vrai que ce livre est un roman de mœurs, l’évocation d’une certaine société de notre temps, le lecteur ne doit pas y voir pour autant ce que l’on appelle un « roman à clés », et moins encore une biographie ou un reportage.

Au début était le Verbe

Puis apparurent les dieux.

Homère fit trois petits tours, Praxitèle et Platon aussi.

Un long passage à vide s’étira ensuite pendant des siècles.

Et Satropoulos arriva. Pas le père, le fils. Socrate.

Un jour que sa mère le frappait, beaucoup plus par habitude que par méchanceté, il lui dit avec colère :

« Tu ne sais pas sur qui tu oses porter la main ! »

Comme il n’avait que huit ans, sa mère, ébahie d’abord, ne put s’empêcher d’éclater de rire.

« Ah oui ! lui demanda-t-elle, et sur qui donc ? »

Socrate releva la tête et lui jeta au visage :

« Je serai le Grec le plus célèbre depuis Ulysse ! »

Ce qui lui valut une nouvelle gifle.

Puis il se mit en devoir de tenir sa promesse… Et il faillit y parvenir !

PREMIÈRE PARTIE

1

Des dalles de rocher pelées, d’une blancheur d’os, des amoncellements de pierres, un ciel bleu jusqu’au vertige et, deux cents mètres plus bas, au pied de la falaise, le miroir brisé des vagues, aveuglant, parsemé de flaques de lumière insoutenable, là où la mer, refusant la brûlure du soleil, renvoyait ses rayons avec la puissance concentrée d’une loupe et la violence d’une explosion. La Rolls était arrêtée sur le terre-plein d’une corniche accrochée dans l’espace, incongrue dans ce paysage accablant de mouvement suspendu et de temps liquéfié. Il devait bien faire plus de quarante degrés. Vautré sur les coussins de la voiture, Niki frissonna et diminua l’intensité de l’air conditionné. Machinalement, il reboutonna l’un des pans de sa vareuse gris fer marquée, sur le revers, du chiffre « S.S. ». Le sigle lui avait déjà valu bien des quolibets de la part des autres chauffeurs qui lui reprochaient, en plaisantant, d’arborer ces initiales. Niki s’en moquait. Il savait parfaitement que la plupart le jalousaient, car les gens de maison, comme les chiens, s’évaluent entre eux à l’importance de leur maître. Quant aux passants qui dans les villes se retournaient sur la voiture, ils étaient trop impressionnés par sa splendeur pour manifester quoi que ce fût, sinon une admiration résignée qui renforçait le mépris profond que leur vouait Niki. Au-dehors, la chaleur crépitait, si forte qu’elle en devenait visible, arrivant à donner à ce décor brutal, mangé par la lumière trop vive, des nuances adoucies par des vibrations tremblotantes de beige et de gris. Niki se demanda s’il aurait le temps d’allumer une nouvelle cigarette avant l’arrivée de S.S. Son patron fumait beaucoup, mais il ne tolérait que l’odeur des havanes, estimant que l’arôme des cuirs de la Rolls s’accommodait mal du parfum commun des tabacs blonds. Il ébaucha un geste vers sa poche, le suspendit. Son regard accrocha sa montre : midi juste. À deux reprises, il avait essayé de faire quelques pas au-dehors, mais, très vite, avait dû y renoncer, abasourdi par le poids de la chaleur qui lui avait écrasé les épaules. Il se demanda comment un pays aussi pauvre avait pu donner le jour à un homme aussi riche.

Maintenant, il n’allait plus tarder. Niki scruta le ciel. Il le vit. Un point noir jailli d’on ne sait où, surgi de rien, qui déjà se rapprochait. Niki reboutonna sa vareuse, tapota le nœud de sa cravate, ouvrit la portière et, bondit de son siège. L’appareil se mit à glisser lentement vers le bas, le long d’une verticale imaginaire et parfaite, dans un fracassant bruit de pales qui aspirèrent l’air torride. Il toucha terre à vingt mètres de la voiture. La porte fut déverrouillée, laissant passage à un homme en combinaison, Jeff probablement, qui tendit la main. Apparut alors un petit homme en noir, vêtu comme pour un conseil d’administration : alpaga noir, cravate noire et chemise blanche. Au-dessus des énormes lunettes d’écaille cachant le regard, ses cheveux très drus, couleur de fer rouillé, jetaient des éclats sourds. Niki se demanda si S.S. allait le saluer, lui faire un signe, un geste, quelque chose lui prouvant qu’il ne le considérait pas comme l’un des rouages de la voiture. Mais rien de tel ne se passa. Socrate Satrapoulos, perdu dans ses pensées, s’engouffra dans la Rolls sans même voir Niki. Lorsque le chauffeur, eut réintégré son siège, S.S. laissa tomber seulement : « Au village, là-haut. » Niki, qui n’avait pourtant vu aucune maison, embraya doucement et s’engagea dans les premiers lacets d’une vague piste empierrée. Ça montait dur et la voiture avait le plus grand mal à se maintenir en seconde. Au bout de trois kilomètres, S.S. dit : « Tournez à gauche. » Niki obéit. Maintenant, il voyait. En haut de la montagne, perchées littéralement sur son sommet, des espèces de maisons blanchies à la chaux, se confondant, vues du bas, avec les reliefs de la roche. Où prenaient-ils donc l’eau ? On approchait. S.S. dit : « Stop. » Et ce fut tout. Il était déjà dehors, gravissant la pente qui le séparait des premières masures. Un éboulis le cacha bientôt à Niki.

En s’engageant dans le passage qui s’allongeait entre les murs, Socrate Satrapoulos ne pouvait se défendre d’une sourde inquiétude. C’est sur ce terrain misérable qu’il allait devoir jouer sa partie, alors que ses atouts, si chèrement acquis, restaient au vestiaire et que chacun de ses pas le plongeait dans un malaise indéfinissable ou, plutôt, qu’il aurait très bien pu définir si une force incontrôlable ne s’y était opposée. Il se sentit nu, vulnérable et fragile. Ses chaussures noires, des chaussures à trois cents dollars, s’écorchaient aux petits silex éblouissants du sentier.

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