« C’est bien là, n’est-ce pas, que vous pouvez voir si l’on peut devenir riche ? »
El-Sadek se pencha vers elle, frôla les seins du dos de la main, dont les bouts devinrent durs comme par magie :
« Laissez-moi voir… Vous aussi, vous avez beaucoup de chance… La fortune… Tenez… Voilà pour vous porter bonheur. »
Joëlle porta la pierre à ses lèvres, la baisa et la fit tenir en équilibre entre ses seins, coincée. De ses mains redevenues libres, elle déboutonna la chemise du vieil homme et caressa son torse osseux, sans se presser : elle avait vu que la bourse de cuir était encore bourrée de diamants, et peu lui importait d’où il les sortait, pourvu qu’elle lui en soutire le plus possible.
« Et nous ? interrogèrent les autres…
— Vous voulez savoir aussi si vous serez riches ?
— Oui, dites-nous !
— Attendez ! Nous allons nous organiser… Trois d’entre vous me montreront le haut, les trois autres, le bas. Allongez-vous. »
Docilement, Cathia, Brigitte et Marie-Laurence se couchèrent sur le ventre, relevant leurs jupes ; Annette, Joëlle et Ghislaine roulèrent sur le dos, les seins à l’air :
« Maintenant, ne bougez plus… »
El-Sadek se recula d’un pas et contempla le spectacle : c’était superbe. Il se rapprocha, examinant de plus près, bouleversé d’apercevoir sur les cuisses de Cathia, très haut, l’ombre qui laissait présager la naissance d’un duvet blond. Les filles étaient immobiles comme des statues, entrant dans le jeu du vieux salaud plus qu’elles ne l’auraient souhaité. Mme Julienne leur répétait souvent qu’elles devaient garder la tête froide. Ce n’était pas toujours facile, les circonstances, l’alcool ou la vue de la richesse agissant parfois sur elles comme un aphrodisiaque puissant les conduisant, malgré leur désir de rester objets, à un plaisir qu’il n’était plus en leur pouvoir de dominer.
« Fermez les yeux ! »
Elles s’exécutèrent, essayant de deviner à l’oreille les gestes de l’émir. Elles entendirent le cliquetis caractéristique des brillants et sentirent qu’il les déposait, froids et merveilleux, au creux d’un nombril, à l’articulation de la cuisse et de la fesse, sur la pointe d’un sein.
El-Sadek était debout au-dessus d’elles, qui gisaient en demi-corolle sur la circonférence parfaite du lit, pétales vivants d’une fleur dont le cœur aurait été noir, et qu’on aurait mutilée.
Entre les peaux des six filles, il y avait des nuances de ton qui le surprenaient, s’étendant du blanc dur et absolu des jambes de Cathia à l’ocre orangé de la poitrine de Ghislaine, en passant par les valeurs délicates, en camaïeu, nacre pâle et bistre clair, de cette marqueterie de chair souple. Là où il avait posé ses diamants, fulgurait parfois un éclat, quand changeait l’angle d’une de leurs facettes, au gré d’un muscle qui palpitait, d’un sein qui frémissait, renvoyant la lumière dans l’espace, en une épingle rectiligne et brève.
« Vous serez toutes riches ! »
El-Sadek avait prononcé cette phrase comme un exorcisme, pour sortir de l’espèce de stupeur qui le rivait au spectacle.
« Allongez-vous près de nous… demanda Marie-Laurence.
— Non… pas tout de suite…
— Si, venez ! », implora Cathia en faisant basculer l’émir au milieu d’elles.
Il fut obligé de se laisser aller en arrière, ne pouvant utiliser ses mains accrochées toutes deux, en un réflexe soudain, sur sa bourse maintenue fermement contre son plexus. En un instant, elles furent sur lui et il sentit des mains anonymes le palper, courir sur l’étoffe rêche de son pantalon, d’autres s’égarer sous sa chemise dont les boutons sautaient, sans qu’il sût comment. Il allait succomber et ne plus bouger lorsqu’un sursaut le fit se redresser sur ses jambes : elles eurent l’air peiné.
« Pourquoi ? », reprocha Brigitte…
Il se secoua, désireux d’échapper au vertige :
« Pas comme ça… Pas tout de suite… Attendez… »
Il promena sur elles un regard cruel et sournois, levant haut le petit sachet de cuir :
« Vous serez toutes riches… Mais il faut faire ce que je vous dis…
— Tout ce que vous voudrez…, dit Brigitte.
— Vraiment ?
— Laissez-nous faire ! supplia Annette.
— Non. C’est moi qui vais vous faire. Tout ce qui est dans cette bourse est pour vous… »
Il la vida dans le creux de sa main et compta les pierres :
« Le partage sera équitable. Il en reste vingt-cinq, soit quatre pour chacune.
— Et la vingt-cinquième ? demandèrent simultanément deux des mathématiciennes en chambre.
— Comme pour les autres : il faudra la mériter.
— Comment ? »
L’émir hésita : iraient-elles jusque là ? L’appât de son cadeau fabuleux serait-il assez fort ? Il enchaîna, d’une voix qui cherchait ses mots :
« Vous êtes blondes toutes les six… Il m’est difficile de vous identifier, malgré vos noms… Il faudrait que vous ayez un signe distinctif me permettant de vous reconnaître… »
Malgré leur avidité, elles se regardèrent, un peu inquiètes : qu’est-ce qu’il avait dans la tête ?
« Précisez, dit Ghislaine.
— Voilà… », se lança l’émir.
Tout en parlant, il sortit de sa poche un rasoir, dont le manche en or était incrusté de rubis :
« N’ayez pas peur… Je voudrais faire à chacune une légère entaille à un endroit différent…
— Vous êtes fou, non ? cria Marie-Laurence. Si vous voulez nous reconnaître, il y a d’autres moyens ! Je ne veux pas être défigurée, moi ! Vous n’avez qu’à nous faire une marque avec un crayon !
— Qui vous parle de votre visage ? Il s’agit seulement d’une minuscule incision, juste pour faire venir une goutte de sang… »
Joëlle se redressa, le charme était rompu :
« Moi, je m’en vais !
— Attends ! dit Ghislaine, laisse-le s’expliquer. (Se tournant vers l’émir :) Quel genre d’entaille ?
— Je vais vous montrer… »
El-Sadek retroussa la manche de sa chemise :
« Regardez. »
Aucune n’eut l’impression que le fil du rasoir avait été en contact avec sa peau. Pendant une seconde, il ne se passa rien, puis, le sang goutta.
« Vous voyez, c’est tout. Vraiment peu de chose…
— Moi, je ne peux pas tolérer la vue d’un rasoir ! s’écria Cathia. Je ne pourrais pas supporter que vous m’approchiez avec ça dans la main.
— Alors, qui commence ? Qui veut la première pierre ? Vous hésitez ? Pour une si petite incision ? ».
Machinalement, les regards se portaient sur le sexe de l’émir, pointé à angle droit par rapport à la verticale de son corps. De là, ils revenaient vers le rasoir.
« Et si ça me laisse une cicatrice ? demanda Annette.
— En aucun cas. Demain, il n’y aura plus aucune trace. Pour une pierre ?
— Exactement.
— Bon, allez-y… Et attention ! Si vous me faites mal, je crie et je m’en vais. Où voulez-vous ?
— Quel est votre nom ?
— Annette.
— Sur la fesse gauche.
— Il y a un rapport ? demanda Joëlle avec aigreur.
— Une seconde ! ajouta Ghislaine. Vous avez dit qu’il y aurait quatre pierres pour chacune de nous. Une pour l’entaille, soit. Et pour les autres ?
— Rien qui ne soit tout à fait naturel.
— Vous voulez qu’on vous fouette ? interrogea Brigitte avec candeur.
— Non. L’amour, rien que l’amour.
— Toutes les six ?
— Évidemment.
— Vous êtes quand même un curieux personnage, reprit Marie-Laurence. Au lieu de nous faire les lignes de la main, vous nous faites les lignes du cul… parce que… tout de même… il faut bien appeler les choses par leur nom !… Vous voulez m’entailler au rasoir pour ne pas avoir à me dire Marie-Laurence, comme n’importe qui… vous… »
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