Jean-Marie Le Clézio - Tempête. Deux novellas

Здесь есть возможность читать онлайн «Jean-Marie Le Clézio - Tempête. Deux novellas» весь текст электронной книги совершенно бесплатно (целиком полную версию без сокращений). В некоторых случаях можно слушать аудио, скачать через торрент в формате fb2 и присутствует краткое содержание. Город: Paris, Год выпуска: 2014, ISBN: 2014, Издательство: Éditions Gallimard, Жанр: Современная проза, на французском языке. Описание произведения, (предисловие) а так же отзывы посетителей доступны на портале библиотеки ЛибКат.

Tempête. Deux novellas: краткое содержание, описание и аннотация

Предлагаем к чтению аннотацию, описание, краткое содержание или предисловие (зависит от того, что написал сам автор книги «Tempête. Deux novellas»). Если вы не нашли необходимую информацию о книге — напишите в комментариях, мы постараемся отыскать её.

En anglais, on appelle « novella » une longue nouvelle qui unit les lieux, l'action et le ton. Le modèle parfait serait Joseph Conrad. De ces deux novellas, l'une se déroule sur l'île d'Udo, dans la mer du Japon, que les Coréens nomment la mer de l'Est, la seconde à Paris, et dans quelques autres endroits. Elles sont contemporaines.
J. M. G. Le Clézio

Tempête. Deux novellas — читать онлайн бесплатно полную книгу (весь текст) целиком

Ниже представлен текст книги, разбитый по страницам. Система сохранения места последней прочитанной страницы, позволяет с удобством читать онлайн бесплатно книгу «Tempête. Deux novellas», без необходимости каждый раз заново искать на чём Вы остановились. Поставьте закладку, и сможете в любой момент перейти на страницу, на которой закончили чтение.

Тёмная тема
Сбросить

Интервал:

Закладка:

Сделать

Je descendais tôt au jardin, dès que l’aube éclaircissait les arbres. Je n’ai jamais aimé traîner au lit. Bibi peut dormir jusqu’à midi. Même si le soleil entre dans sa chambre, elle s’enroule dans le drap sans se réveiller, pour cacher ses yeux.

Moi je m’asseyais dans le jardin, à l’ombre du manguier, je rêvassais en regardant les fourmis courir entre les racines. Ou bien je dessinais dans un cahier, les plantes, les fleurs, les graines, je collais en face de chaque dessin le spécimen. Papa m’avait donné du formol pour enduire les feuilles, je les enfermais ensuite dans un petit sachet en plastique, de ceux qui servent pour mettre les sandwiches, l’odeur était âcre, les enfants de l’école se moquaient de moi, mais c’est une odeur que j’ai appris à aimer. C’était un peu l’odeur de la mort, c’était l’odeur de ce temps-là.

Ils parlent. J’entends leurs voix par la fenêtre de leur chambre, volets encore fermés. J’ai un sixième sens pour les disputes, je les sens venir, je tends l’oreille pour deviner ce qui va suivre, pour comprendre d’où vient le danger. J’ai pensé aux assiettes, sûrement, et aux ciseaux dans le tiroir de la commode, au coupe-papier sur le bureau de papa. Je tends l’oreille, mais les voix ne sont pas trop aiguës, le ton pas oppressé, elles parlent vite puis elles s’interrompent, et entre les mots s’étend le silence peuplé de tous les bruits ordinaires, bruits des voitures dans la rue, sirène de la police, grondements des bus à échappement libre. Le jardin est complètement silencieux, parce que les voix ont fait taire les oiseaux.

À part les voix, tout dort à la maison. Je monte doucement l’escalier, à quatre pattes pour ne pas faire craquer les marches en bois. Je suis devant leur porte. Les voix se sont interrompues, j’essaye de deviner ce qui se passe de l’autre côté de la porte. Mon cœur bat chaque fois très vite et très fort, j’ai l’impression de faire quelque chose d’interdit. J’ai peur de ce silence soudain. Est-ce qu’ils sont morts, ou bien est-ce qu’ils préparent un assaut, une bataille décisive pendant laquelle ils vont chercher à s’entretuer ? Je n’ai jamais aimé leur silence. Le silence, c’est le noir, le vide. Le silence, c’est la fin du monde. Je me rappelle, quand j’étais toute petite, grand-mère est morte. Je suis entrée dans sa chambre, sans rien dire à personne. Les volets étaient à moitié fermés, la lumière était grise, les draps étaient tirés sur le corps de grand-mère, jusqu’au menton, et son visage était gris aussi, les paupières fermées faisaient deux taches sombres, la bouche n’avait plus de lèvres, elles étaient rentrées sur les gencives, mais c’était le silence qui m’avait terrifiée, je suis restée sans bouger, tous les poils de mes bras étaient soulevés, et j’ai dû faire un effort pour m’arracher, et repartir.

Là, les voix ont repris. Elles racontent une drôle d’histoire. L’oreille collée à la porte, j’entends tout ce qu’elles disent. Ma mère, mon père, mais c’est surtout ma mère qui parle. Je comprends d’un seul coup qu’elle parle de moi. Comment est-ce que je l’ai deviné ? Je crois que je m’y attendais, que j’attendais cet instant. Dans les rêves, ça se passe comme ça, on sait avant de savoir. Ou bien, à l’instant où on comprend, on se dit, c’est ça, ça devait bien arriver un jour, je le savais. Je l’ai toujours su.

J’y ai pensé tellement souvent, je ne sais plus si mes souvenirs sont exacts. J’ai inventé mille fois cette scène, moi qui monte à quatre pattes les escaliers, mon oreille collée contre le bois de la porte, les mots qui vont et viennent. Les mots qui peuvent détruire. Les mots ordinaires, les mots de tous les jours, qui rongent et font mal.

« La petite Rachel » (…) « Sans famille, sans maman » (…) « Il faudra le lui dire, il le faudra, tu entends ? » (…) « Tu dois lui dire la vérité, qu’elle n’est pas de moi, tu dois le lui dire » (…) « Rachel n’est pas ma fille, elle ne le sera jamais » (…) « Il aurait fallu la laisser quelque part, ça ne manque pas de gens qui ont besoin d’enfant » (…) « Rachel sans nom, c’est ça qu’il faudrait dire quand on parle d’elle, Rachel No-Name » (…) « Une enfant trouvée, une enfant de la rue, dont personne ne veut » (…) « Arrivée par accident, par malheur, l’enfant de personne, tu entends, de personne ? » (…) « Je ne la laisserai pas prendre la place d’Abigaïl » (…) « Je ne veux plus qu’elle m’appelle maman » (…) « Maman, maman, quand elle dit ça j’ai envie de vomir » (…) « Il faut le lui dire, maintenant, tout de suite, il faut lui dire la vérité » (…) « Qu’elle est née d’un accident dans une cave » (…) « Ce n’est pas pour la chasser de chez nous, non on n’est pas des monstres » (…) « Quand elle me regarde, j’ai envie de la gifler » (…) « Elle me provoque, tu sais, je suis sûre qu’elle sait tout, on le lui a dit, mais elle joue à celle qui ne sait rien » (…) « Ça se voit dans ses yeux, elle me regarde sans baisser les yeux, c’est pour provoquer, pour dire : dis-le, dis-le, que tu n’es pas ma mère ! » (…) « Je ne pourrai plus la supporter, sa méchanceté, son venin » (…) « C’est pour Abigaïl, je ne veux pas qu’elle croie, je ne veux pas qu’elle s’imagine… » (…) « Elle, prendre la place de ma fille, réclamer sa part, elle, la fille d’une pute » (…) « …violée dans une cave » (…) « La petite Rachel, la petite Rachel, ça n’est même pas son nom, elle devrait s’appeler Judith ou Jézabel, elle me fait peur, je la regarde, je ne sais pas ce qu’elle prépare » (…) « Je n’en peux plus » (…) « Elle me hait, je te dis, elle me hait, elle nous hait, c’est un démon » (…) « Oui, un démon, tu ne sais pas qu’il y a des enfants du démon ? » (…) « La petite Rachel, la petite Lilith, elle écoute aux portes, elle espionne » (…) « J’ai peur, la nuit je rêve qu’elle entre dans notre chambre avec un couteau, elle cache les couteaux dans son lit, tu le sais » (…) « Elle mettra de la mort-aux-rats dans notre café. »

Etc.

Je ne me souviens plus, je ne sais plus ce que j’ai fait ce jour-là. J’ai couru dehors, dans le jardin, pour me cacher là où j’aime bien être seule, sous le manguier, et boucher mes oreilles avec mes mains, pour ne plus entendre les mots résonner interminablement : « … l’enfant du démon… il faut lui dire… une enfant trouvée, une enfant de la rue… née d’un accident dans une cave… » Il me semble qu’alors les voix continuaient, les mots me retrouvaient jusque dans ma cachette, je les entendais distinctement comme si j’étais toujours à quatre pattes derrière la porte de leur chambre, la voix de maman (parce que je l’appelais encore ainsi, même après ce qu’elle avait dit) : « Rachel sans nom, une enfant sans maman. » J’ai dû m’endormir contre l’arbre, lovée entre les puissantes racines, sans craindre la petite pluie fine qui tombait ce matin-là, ni les araignées ni les fourmis rouges. J’ai dû dormir longtemps jusqu’à ce que Yao vienne me chercher, et Bibi aussi est venue, elle a toujours le don de me trouver au mauvais moment, avec ses petits airs de rien, et de se frotter contre moi en miaulant, ses petits cris, ses petits soupirs, « qu’est-ce que tu fais ? Pourquoi tu t’es cachée ? Pourquoi tu fermes les yeux, tu ne veux pas répondre ? Maman ne va pas être contente ! » Et c’était la première fois que je haïssais quelqu’un, la première fois, j’avais grandi d’un coup et jamais plus je ne serais une enfant.

J’ai décidé de ne jamais en parler, mais de ne rien oublier. C’est pour ça que je dis que je suis devenue grande d’un coup, comme si j’avais bu la potion d’Alice. Quand on est enfant, on ne pense pas à l’avenir. Ça n’existe pas vraiment. Je voyais bien pour Bibi. Elle vivait comme un petit animal. Elle avait de petits besoins de petit animal. Quand elle avait faim, ou soif, elle geignassait : « Mami, un bonbon, s’il te plaît ! Mami, je voudrais un verre de jus ! » Quand elle avait sommeil, elle s’affalait là où elle était, sur le canapé du salon, devant la télé, ou sur le lit de papa et maman, ou bien même le nez dans son assiette de soupe, et elle s’endormait. Quelquefois elle dormait sur le tapis, la bouche ouverte, elle avait l’air d’un petit chien capricieux. Maman grognait : « Regarde-moi ça ! Rachel, amène Bibi dans son lit, enfin, occupe-toi un peu de ta petite sœur, ne la laisse pas par terre ! » C’était à moi de la relever, de l’aider à marcher, elle titubait, les yeux fermés, la bouche gonflée, je l’étendais sur son lit et je bordais soigneusement sa moustiquaire. Je faisais tout cela mécaniquement, sans protester, il n’y avait pas à discuter, c’était un boulot, en échange de la nourriture et du logement. Bibi s’accrochait à moi, elle mettait ses petits bras autour de mon cou, elle glissait lentement en arrière. Je l’aimais bien quand elle était à ma merci. Un jour, je me suis surprise à penser à l’étouffer entre deux oreillers. J’avais lu ça dans une pièce de Shakespeare, un gros bouquin qui traînait à la bibliothèque du lycée et que j’avais ramené à la maison. Je me souviens pertinemment d’avoir couché Bibi, d’avoir bordé sa moustiquaire et d’avoir pensé que ça serait très facile de la faire mourir. Ça n’était pas de ma faute, c’est sa mère à elle qui l’avait dit, j’étais l’enfant du démon.

Читать дальше
Тёмная тема
Сбросить

Интервал:

Закладка:

Сделать

Похожие книги на «Tempête. Deux novellas»

Представляем Вашему вниманию похожие книги на «Tempête. Deux novellas» списком для выбора. Мы отобрали схожую по названию и смыслу литературу в надежде предоставить читателям больше вариантов отыскать новые, интересные, ещё непрочитанные произведения.


Jean-Marie Le Clézio - Poisson d'or
Jean-Marie Le Clézio
Jean-Marie Le Clézio - Ourania
Jean-Marie Le Clézio
Jean-Marie Le Clézio - Le chercheur d'or
Jean-Marie Le Clézio
Jean-Marie Le Clézio - Étoile errante
Jean-Marie Le Clézio
Jean-Marie Le Clézio - Désert
Jean-Marie Le Clézio
Jean-Marie Le Clézio - Printemps et autres saisons
Jean-Marie Le Clézio
Jean-Marie Le Clézio - La ronde et autres faits divers
Jean-Marie Le Clézio
Jean-Marie Le Clézio - Diego et Frida
Jean-Marie Le Clézio
Jean-Marie Le Clézio - The African
Jean-Marie Le Clézio
Jean-Marie Le Clézio - Le procès-verbal
Jean-Marie Le Clézio
Jean-Marie Le Clézio - Fièvre
Jean-Marie Le Clézio
Jean-Marie Le Clézio - La quarantaine
Jean-Marie Le Clézio
Отзывы о книге «Tempête. Deux novellas»

Обсуждение, отзывы о книге «Tempête. Deux novellas» и просто собственные мнения читателей. Оставьте ваши комментарии, напишите, что Вы думаете о произведении, его смысле или главных героях. Укажите что конкретно понравилось, а что нет, и почему Вы так считаете.

x