— Je t’ai dit pas maintenant, lui répéta-t-il en la voyant.
— Mais elle, qu’est-ce qu’elle fait là ?
— Edward a des photos à me donner, c’est tout. Après, je le laisse tranquille.
Il partit à l’étage. J’allumai une cigarette. Megan ne bougeait pas d’un pouce. Un vrai chien de garde, version molosse en escarpins. Deux minutes plus tard, Edward dévala les escaliers, une grande enveloppe à la main. Il me la tendit sans un mot.
— Merci, lui dis-je. À plus tard.
— Quand tu veux.
Je lui souris une dernière fois avant de partir chez moi. J’entendis les supplications de Megan pour rester avec lui. Mais il l’envoya promener.
J’arrivai devant ma porte.
— Attends un peu, toi ! entendis-je Megan me dire.
Après tout, je méritais bien de savourer ma victoire du jour. Je me retournai et lui fis mon sourire le plus hypocrite. La colère l’enlaidissait.
— C’est quoi ces photos ?
— Oh ça ? lui demandai-je en lui brandissant sous le nez l’enveloppe.
— Ne joue pas à ça !
— Ce sont des photos qu’Edward a prises de moi et de nous, sur les îles d’Aran.
— Tu mens !
— Tu ne me crois pas ? Pourtant c’est la stricte vérité. D’ailleurs, le B&B est charmant, les lits confortables, un endroit rêvé pour les amoureux.
— Donne-moi ça !
Elle m’arracha l’enveloppe des mains. Toute mécréante que j’étais, je priai le Bon Dieu pour ne pas avoir exagéré. En voyant les traits de Megan se déformer sous l’effet de la rage et de la jalousie cumulées, je promis intérieurement d’allumer un cierge dans la première église que je trouverai. Abby m’aiderait.
— Ce n’est pas possible, répéta-t-elle à plusieurs reprises.
— Et si.
Si ses yeux avaient été des mitraillettes, j’aurais été criblée de balles. Elle me balança les photos à la figure et partit vers sa voiture.
— Tu me le paieras !
Je jetai un coup d’œil au premier cliché. À sa place, j’aurais piqué une crise d’hystérie. Toute chamboulée, je ne pris pas la peine de lui répondre et rentrai chez moi pour décortiquer les photos.
Le lendemain soir, je décidai d’aller au pub avec l’espoir d’y croiser Edward. Le patron me fit un grand sourire. Je grimpai sur un tabouret.
— Désolée pour la dernière fois.
— Pas de soucis, ça arrive à tout le monde, me répondit-il en me servant une pinte. C’est la maison qui offre.
— Merci.
Il jeta un coup d’œil vers l’entrée, leva les yeux au ciel et se retourna vers moi.
— Bon courage.
— Pardon ?
— Bonsoir Diane, me dit Megan.
Elle se hissa gracieusement à côté de moi, et commanda un verre de vin blanc. Si Edward débarquait, je ne tiendrais pas la comparaison. Force était de constater qu’aucun homme ne pourrait lui résister. Elle était magnifique, avec sa robe noire qui n’était ni vulgaire, ni aguichante. Juste sexy, classe, dévoilant ce qu’il fallait de peau pour donner envie d’en découvrir plus.
— J’ai un marché à te proposer, me dit-elle au bout de quelques secondes.
Je me tournai vers elle, plus que méfiante.
— Je suis prête à reconnaître qu’il y a un truc entre vous, commença-t-elle. Tu es une compétitrice dans l’âme, je ne peux qu’être admirative.
Première nouvelle.
— Où veux-tu en venir ?
— Edward est à moi quoi que tu fasses, mais il t’a en tête, et je dois faire avec. Alors je te propose de m’éclipser quelques jours, tu lui fais un numéro de charme, vous couchez ensemble. De cette façon, il pourra passer à autre chose… et enfin revenir à moi.
— Je crois qu’il faut que tu te fasses soigner.
— Ne fais pas ta prude. Quelque chose me dit que tu n’as pas eu d’homme dans ton lit depuis la mort de ton mari.
J’avais envie de vomir.
— Tu sais, renouer avec les joies du sexe avec Edward est une très bonne entrée en matière. Je te rends service en réalité.
Ça devenait franchement glauque. Je ne pouvais plus aligner deux mots.
— Tu refuses ? Tant pis pour toi.
Elle me jeta un dernier coup d’œil avant de sortir son téléphone de son sac et de composer un numéro.
— Edward, c’est moi, minauda-t-elle. Je suis au pub… Je pensais à toi. On se voit ce soir ?… Il faut qu’on parle…
Sa voix changeait au fur et à mesure de leur conversation, elle devenait plus douce, plus enveloppante. Elle jouait avec une miette imaginaire du bout des doigts.
— Je suis désolée pour hier, je sais que tu as besoin d’être seul pour bosser.
Je n’entendais pas les réponses d’Edward, mais je les devinais, aux propos que tenait Megan.
— Et puis, je n’aurais pas dû te reprocher de passer du temps avec Diane, poursuivit-elle. Tu es un homme bien, tu l’aides à remonter la pente. C’était très mal venu de ma part après ce que je t’ai fait.
Je devenais folle. Edward ne pouvait pas gober un truc pareil.
— Mais c’est si dur de te voir avec une autre femme, pleurnicha-t-elle. Je me rends compte du mal que je t’ai fait. Je voudrais qu’on se retrouve… comme avant…
C’en était risible. Ça ne pouvait pas marcher. Impossible. Edward ne tomberait pas dans un piège aussi grossier. Il ne retomberait pas dans les griffes de cette tigresse qui se faisait passer pour une chatte inoffensive.
— Je t’en supplie, susurra-t-elle. Dis oui. Juste pour ce soir, s’il te plaît. On parlera de mon installation ici…
Un sourire mauvais passa sur son visage.
— Merci… soupira-t-elle, au bord de l’agonie. Je t’attends.
Quel crétin ! Cette garce raccrocha, sortit un miroir de son sac et vérifia son maquillage. Elle rangea le tout et se tourna vers moi.
— Edward ne changera jamais, je sais très bien ce qu’il a envie d’entendre.
— Tu es odieuse, comment peux-tu parler de lui de cette façon ? Et tous tes mensonges ?
Elle balaya ma remarque d’un revers de la main.
— Un conseil : ne passe pas ta soirée à l’attendre.
Elle éclata de rire.
— Ma pauvre Diane, je t’avais prévenue !
Je partis en direction de la terrasse. Je tirai sur ma clope comme une forcenée.
En revenant dans le pub, je découvris qu’Edward était arrivé. Megan et lui étaient prêts à partir. Elle passa un bras autour de sa taille, il se laissa faire, je serrai les poings. Elle me remarqua la première.
— Ce n’est pas Diane là-bas ? lui demanda-t-elle.
— Si, lui répondit-il en me regardant.
Elle l’entraîna vers moi. Lui et moi ne nous quittions pas des yeux.
— Bonsoir, me dit Megan. Quel dommage, je ne savais pas que tu étais là, on aurait pu prendre un verre ensemble et faire vraiment connaissance.
Elle m’adressa un sourire empreint d’une grande gentillesse. Edward l’observait avec un regard que je ne lui connaissais pas. Sidérée par les talents de comédienne de Megan, je la laissai enchaîner sans avoir le temps de la remettre à sa place.
— Nous devons te laisser, j’ai réservé une table. On remet ça à très vite ?
Totalement désarçonnée, je hochai la tête bêtement.
— Va m’attendre dans la voiture, lui dit Edward.
Elle déposa un baiser sur sa joue puis me dit « à bientôt ». Je la suivis du regard. Edward aussi. Elle s’arrêta à la porte, se retourna et nous fit un signe de la main.
— Tu vas vraiment passer la soirée avec elle ?
— On a besoin de se parler.
— N’oublie pas ce qu’elle t’a fait.
Le regard d’Edward se durcit.
— Tu ne la connais pas.
— Ne la laisse pas te faire de mal.
— Elle a changé.
Il s’apprêta à tourner les talons, je le retins par son caban.
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