Agnès Martin-Lugand - Les gens heureux lisent et boivent du café

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Les gens heureux lisent et boivent du café: краткое содержание, описание и аннотация

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« Ils étaient partis en chahutant dans l'escalier. […] J'avais appris qu'ils faisaient encore les pitres dans la voiture, au moment où le camion les avait percutés. Je m'étais dit qu'ils étaient morts en riant. Je m'étais dit que j'aurais voulu être avec eux. »
Diane perd brusquement son mari et sa fille dans un accident de voiture. Dès lors, tout se fige en elle, à l'exception de son cœur, qui continue de battre. Obstinément. Douloureusement. Inutilement. Égarée dans les limbes du souvenir, elle ne retrouve plus le chemin de l'existence. C'est peut-être en foulant la terre d'Irlande, où elle s'exile, qu'elle apercevra la lumière au bout du tunnel.
Entre «
» et «
», l'histoire de Diane nous fait passer par toutes les émotions. Impossible de rester insensible au parcours tantôt dramatique tantôt drôle de cette jeune femme à qui la vie a tout donné puis tout repris, et qui n'a pas d'autre choix que de faire avec.

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Judith aussi m’oubliait. Elle ne m’avait pas prévenue de sa venue. Et elle discutait depuis une heure avec Megan, sur la plage. Quand je la vis se diriger vers chez moi, j’attrapai à toute vitesse mon sac, mes clés, et sortis.

— Diane, appela-t-elle.

— Je n’ai pas le temps.

— Qu’est-ce qui t’arrive ?

— Ça ne te regarde pas.

— Attends, me dit-elle en m’attrapant par le bras.

— Lâche-moi.

Je me dégageai, grimpai dans ma voiture et partis.

J’arrivai à Mulranny après avoir sillonné les routes un bon bout de temps. Puisqu’ils étaient tous chez Abby et Jack, le pub allait être à moi. Je poussai la porte, bien décidée à me saouler. Je grimpai sur un tabouret et commandai le premier verre d’une longue liste. L’Irlande allait me rendre alcoolique.

Je passais du rire aux larmes. La tête posée sur le comptoir, je fixais l’enfilade de verres vides. Je voulus aller fumer, je tombai. Mais au lieu de rencontrer le sol, ce fut contre un torse que je m’écroulai.

— Merci, dis-je au type qui m’avait récupérée et que je n’avais jamais vu dans le coin.

— De rien. Je peux vous offrir une cigarette ?

— En voilà un qui est futé !

Je partis vers la terrasse en lui faisant signe de me suivre. Malgré le brouillard dans lequel j’étais, je savais qu’il me reluquait. Qu’il se fasse plaisir, je m’en fichais, je n’étais plus à ça près. Je me mis en mode blonde écervelée. Je riais comme une bécasse aux blagues qu’il me racontait et auxquelles je ne comprenais rien. Il ne perdit pas de temps. Il m’attrapa par la taille pour me ramener au comptoir. Il lorgnait dans mon décolleté. Je lui jetai un coup d’œil, il était pas mal. Après tout, un Irlandais en valait un autre. Il pouvait faire l’affaire pour exorciser Edward. Je lui lançai un regard de biche et lui proposai de prendre un verre avec moi. Il s’empressa d’accepter.

— Vous nous remettez une tournée ? bafouillai-je au barman.

— Diane, il faut arrêter maintenant.

— Non, servez-moi, je vous paye. Et j’ai bien le droit de m’amuser.

Je lançai des pièces sur le bar. Un nouveau verre arriva, je le vidai d’un trait, et ce fut le trou noir.

J’étais dans le brouillard, je percevais des éclats de voix autour de moi.

— Ne t’approche pas d’elle !

Ce timbre, je l’aurais reconnu entre mille. Edward. Sur qui criait-il comme ça ? J’ouvris les yeux, et le vis empoigner un type par le col. Il me disait vaguement quelque chose.

— Attends mec, c’est elle qui m’a allumé, informa-t-il en me pointant du doigt.

Le poing d’Edward partit d’un coup, le type finit par terre et ne demanda pas son reste, il déguerpit à la vitesse de la lumière.

— Oh… qu’est-ce que j’ai fait ? dis-je.

— C’est ce que tu as failli faire qui est intéressant, répondit Judith, que je n’avais pas encore remarquée.

— Ta gueule.

Sur ces bonnes paroles, j’essayais de tourner les talons, mais ce fut ma tête qui tourna, car le sol tanguait dangereusement.

— Frérot, elle se fait la malle, lança Judith à Edward. Attends, Diane, on te ramène.

— Foutez-moi la paix, je peux rentrer toute seule. Et ne vous mêlez pas de mes affaires.

Je m’arrêtai et me tournai vers eux. C’était maintenant ou jamais si je voulais lui faire comprendre ma façon de penser. Je tentai de fixer mon regard, j’avais, non pas un Edward en face de moi, mais deux.

— Écoute-moi bien, lui dis-je en le pointant du doigt. Tu n’as pas à intervenir dans ma vie. Tu en as perdu le droit l’autre soir. Je peux m’envoyer en…

— Tais-toi, m’ordonna-t-il. Tu as fait assez de bêtises pour ce soir.

Avant que j’aie le temps de lui répondre, il me souleva et me chargea sur son épaule comme un sac. Je donnais des coups de poings dans son dos et je me débattais.

— Lâche-moi, connard.

Il resserra sa prise, et avança sur le parking. Il ne dégoisa pas un mot et me déposa à l’intérieur de sa voiture. Je sombrai dans le sommeil.

Je repris conscience dans mon lit. Quelqu’un m’avait déshabillée.

— Tu en tiens une sévère, me dit Judith.

— Fous-moi la paix.

— Oh que non.

Elle remonta la couette sur moi avant de partir.

Quelques minutes plus tard, des pas résonnèrent à nouveau, j’ouvris les yeux. Edward déposa un verre d’eau sur ma table de nuit, et passa une main sur mon front.

— Ne me touche pas.

J’essayai de me relever.

— Reste couchée.

Edward me poussa légèrement. J’étais incapable de lutter contre lui.

— C’est ta faute tout ça, lui dis-je en pleurant. Tu n’es qu’un salaud.

— Je sais.

Je me cachai sous la couette. Je l’entendis dévaler les marches. Puis la porte d’entrée claqua.

Je souffrais des pieds à la tête. Chaque pas résonnait dans mon crâne. En arrivant dans la salle de bains, je dus prendre appui au lavabo. Je fus horrifiée par mon reflet. J’étais bouffie, mon mascara avait coulé sous mes yeux, mes cheveux ressemblaient à un nid de corbeaux. J’avais tellement honte de moi que je n’osais pas regarder mon alliance, encore moins la toucher. Je me brossai les dents à plusieurs reprises pour tenter de retirer le goût d’alcool incrusté dans ma bouche. C’était décidé, j’arrêtais de boire.

Judith était assise dans mon canapé, elle feuilletait un magazine.

— Qu’est-ce que tu fais encore là ?

— Pourquoi montes-tu comme ça dans les tours ?

— Vous avez gagné ! Je vais me barrer de votre bled de merde. Vous êtes tous cinglés.

— De quoi parles-tu ?

— Vous vous foutez bien de moi depuis que je suis arrivée.

— Quoi ? On était tous inquiets pour toi, hier soir.

— Tu parles.

Je levai les yeux au ciel. Judith partit dans la cuisine, je m’avachis dans un fauteuil.

Elle revint cinq minutes plus tard avec un plateau dans les mains.

— Tu manges, et on parle après.

J’avalai mon petit déjeuner en pleurant. Je vidai ma tasse de café, Judith m’en resservit une. Puis elle alluma une cigarette, qu’elle me tendit.

— Pourquoi ne m’as-tu pas prévenue que tu venais ici ? lui demandai-je.

— Ce n’est quand même pas pour ça que tu t’es mise minable hier soir ?

— Tu as été la goutte d’eau. Enfin, d’eau, façon de parler. Il me semble que je n’en ai pas beaucoup bu, hein ? J’étais minable à ce point ?

— Crois-moi, tu préfères ne pas savoir.

Elle arqua un sourcil, je me pris la tête entre les mains.

— Explique-moi ce qui se passe. Depuis que je suis arrivée, je nage en plein cauchemar. La salope qui est de retour, Edward qui cogne sur le premier mec qui t’approche, et toi qui joues la chienne en chaleur au pub.

Je me tenais toujours la tête entre les mains, j’écartai mes doigts pour la regarder.

— C’est qui la salope ?

— Megan. Qui veux-tu que ce soit d’autre ?

— Tu traites la femme de ton frère de salope ?

— Où es-tu allée pêcher que c’était sa femme ? Si mon frère était marié, je le saurais !

— Pourtant, elle s’est présentée comme telle, et il n’a pas démenti.

— Quel con. Attends… il y a un truc que je ne comprends pas, tu étais là quand elle a débarqué chez lui en pleine nuit ?

— Oui, lui répondis-je en baissant les yeux.

— Tu as couché avec lui ?

— On n’a pas eu le temps.

— Merde ! Cette garce a un radar. Et Edward n’a pas de couilles.

Elle se leva et se mit à tourner en rond. Elle me donnait le tournis. J’allumai une nouvelle cigarette et allai regarder par la fenêtre. Je vis Edward au loin sur la plage. J’appuyai mon front sur la vitre froide.

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