Agnès Martin-Lugand - Les gens heureux lisent et boivent du café

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Les gens heureux lisent et boivent du café: краткое содержание, описание и аннотация

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« Ils étaient partis en chahutant dans l'escalier. […] J'avais appris qu'ils faisaient encore les pitres dans la voiture, au moment où le camion les avait percutés. Je m'étais dit qu'ils étaient morts en riant. Je m'étais dit que j'aurais voulu être avec eux. »
Diane perd brusquement son mari et sa fille dans un accident de voiture. Dès lors, tout se fige en elle, à l'exception de son cœur, qui continue de battre. Obstinément. Douloureusement. Inutilement. Égarée dans les limbes du souvenir, elle ne retrouve plus le chemin de l'existence. C'est peut-être en foulant la terre d'Irlande, où elle s'exile, qu'elle apercevra la lumière au bout du tunnel.
Entre «
» et «
», l'histoire de Diane nous fait passer par toutes les émotions. Impossible de rester insensible au parcours tantôt dramatique tantôt drôle de cette jeune femme à qui la vie a tout donné puis tout repris, et qui n'a pas d'autre choix que de faire avec.

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— Que se passe-t-il ? lui demandai-je doucement.

— Rhabille-toi.

Sa voix claqua. Les larmes aux yeux, je partis à la recherche de mon tee-shirt et de mon soutien-gorge. Une fois que j’eus fini de me réajuster, il se dirigea vers la porte d’entrée sans un geste pour moi. Il donna un coup de pied en direction de Postman Pat pour le dégager de son chemin. Le chien vint se réfugier contre mes jambes. Edward serra la poignée de porte avec force, au point de faire ressortir ses veines. Puis, il l’ouvrit. L’intruse était cachée par son corps, mais j’entendis tout.

— Megan, dit-il.

— Mon Dieu, je suis si heureuse de te voir. Tu m’as tellement manqué.

Elle lui sauta au cou. C’était une mauvaise blague. Ce fut plus fort que moi, je toussotai. Le dos d’Edward se raidit. La femme leva son visage, me vit, se détacha de lui et se décala.

Elle était splendide, élancée, des formes harmonieuses, un regard de velours. Une cascade de cheveux noirs lui tombait dans le dos. Son allure, sa tenue reflétaient la féminité et le soin. Avec son visage insolent, elle dégageait une assurance écrasante. Elle nous regarda alternativement. Edward s’était tourné vers moi, il regardait dans le vide. Il semblait comme ailleurs, un ailleurs tourmenté. Elle lui passa la main dans les cheveux, il ne réagit pas.

— Je suis arrivée à temps, dit-elle.

Elle avança ensuite vers moi.

— Qui que tu sois, il est temps de nous laisser en tête à tête.

Je ne me préoccupai pas d’elle et m’approchai d’Edward. J’essayai de lui attraper la main, il eut un mouvement de recul.

— Dis quelque chose. Qui est-ce ?

Il regarda en l’air et soupira.

— Mais enfin, je suis sa femme, m’annonça-t-elle en venant se pendre à son bras.

— Megan, intervint Edward brutalement.

— Pardon, mon amour, je sais.

— Qu’est-ce que c’est que… ces conneries ? m’énervai-je.

Pour la première fois depuis que la femme était arrivée, Edward me regarda dans les yeux. Il était froid, distant, ce n’était plus le même. Il était encore plus terrifiant qu’à mon arrivée à Mulranny. La douleur me fit reculer. À cet instant, mon regard dévia vers la cheminée, je vis la photo. Je compris. La femme sur la plage, ce n’était pas personne. Quelle imbécile j’avais été. Il m’avait eue en beauté. J’attrapai mon sac, mon blouson et quittai le cottage sans prendre la peine de fermer la porte ni de me retourner.

Je dus m’arrêter en chemin pour vomir. Chez moi, je me traînai sous la douche, je décapai ma peau pour enlever toutes traces de ce sale type sur mon corps. J’avais été à deux doigts de coucher avec un homme marié. Je n’avais même pas eu l’idée de lui demander s’il avait quelqu’un. J’étais partie du principe que s’il cherchait ma compagnie, c’est qu’il était libre. En fait, je lui avais servi de bouche-trou. Que devait penser Colin d’où il était ? Il n’avait fallu que deux, trois sourires, un week-end romantique pour que je sois prête à écarter les cuisses. Je me dégoûtais.

Incapable de trouver le sommeil, je m’assis sous la fenêtre de ma chambre, dans le noir, je repliai mes genoux et me berçai d’avant en arrière. Je finis par m’endormir et cauchemardai toute la nuit. Les visages d’Edward et de Colin se confondaient dans mes songes, ils se liguaient contre moi.

Voilà trois jours que je n’étais pas sortie de chez moi. Je ne fermais plus l’œil de la nuit et ruminais ces dernières semaines en compagnie d’Edward. Je voulais comprendre à quel moment j’avais buggé, à quel moment j’avais préféré fermer les yeux et les oreilles à l’information principale au sujet d’une Mme Edward.

Je m’étais forcée à aller faire des courses, et je venais de réussir à passer incognito à l’épicerie. Je fermais le coffre de ma voiture.

— Diane.

Je reconnus la voix de Jack. Mes épaules s’affaissèrent, je me composai un sourire de façade et me retournai.

— Comment va notre petite Française ? Ça fait longtemps qu’on ne t’a pas vue.

— Bonjour Jack. Ça va, merci.

— Suis-moi chez nous, Abby sera ravie de te voir.

En effet. Elle me sauta au cou. La chaleur qu’ils dégageaient apaisa ma colère. Je me sentis en confiance, je parlai de Clara.

— Tu envisages de rentrer un jour en France ? m’interrompit Abby.

— Je n’y ai pas encore pensé.

— Tu n’as pas envie de reprendre ta vie là-bas ?

— Vous avez besoin du cottage ?

— Non.

À d’autres. Ils mentaient. Ça y était, la Française dérangeait et devait laisser la place à la pétasse d’Edward. La porte d’entrée claqua. Je me figeai.

— Tu es toute pâle d’un coup. Tu ne te sens pas bien ? me demanda Abby.

— Un coup de mou, rien de grave, je vais rentrer.

— Demande à Edward de te raccompagner.

— Surtout pas, criai-je presque. Ça va aller.

Je me levai précipitamment et récupérai mes affaires.

— À bientôt, leur lançai-je avant de courir vers la porte.

Je croisai Edward dans l’entrée. Je fus incapable de le regarder. Il n’essaya pas de me parler. Je me barricadai dans ma voiture et m’écroulai sur mon volant. J’avais eu peur, peur de lui, peur de ma réaction.

J’étais plantée devant ma baie vitrée, j’observais Edward se balader avec son chien sur la plage. Je finirais bien par devoir l’affronter, j’avais besoin d’explications. Je voulais avoir la preuve que je n’avais pas rêvé.

Un tour par la case salle de bains était indispensable. Hors de question qu’il jubile en me voyant anéantie. Je mis un soin particulier à choisir mes vêtements et à me maquiller pour dissimuler mes nuits d’insomnie.

Impossible de reculer, je venais de frapper à sa porte et j’entendais Postman Pat aboyer. Le temps me sembla une éternité, j’avais les mains froides, des frissons, une boule dans le ventre. Tous ces symptômes disparurent quand Edward ouvrit la porte. Un sentiment de violence me submergea. J’avais envie de le frapper de toutes mes forces, mais ce qui me mettait le plus en rogne, c’était mon désir de l’embrasser et d’être dans ses bras. Je ne m’attendais pas à de telles émotions, mon beau discours répété devant le miroir s’envola.

— Qu’est-ce que tu veux ?

— Bonjour, bredouillai-je.

Il soupira, et passa une main sur son visage.

— Dépêche-toi, je n’ai pas que ça à faire.

Je me redressai, mis mes épaules en arrière, et l’affrontai du regard.

— Tu me dois des explications.

Les traits de son visage reflétèrent la surprise, puis la colère.

— Je ne te dois rien du tout.

— Comment peux-tu te regarder dans une glace ?

Il me fusilla du regard et ma claqua la porte au nez. Une vieille habitude de sa part.

Malgré le ciel bas et les nuages menaçants, je décidai de m’aérer. J’arpentai la plage pendant plus d’une heure. En remontant vers mon cottage, je vis Postman Pat courir vers moi. Je le caressai avant de poursuivre mon chemin. Je ne devais pas rester là. Une voiture se gara devant chez Edward. Sa femme en sortit au moment où je passais. Je sentis son regard sur moi.

— Tu es encore là, toi ?

Je piquai du nez, et m’abstins de lui répondre.

— Je vais aller voir Abby et Jack, et faire en sorte que tu ne nous gênes plus.

En tâtonnant dans mes poches à la recherche de mes cigarettes, je rencontrai mes clés de voiture. C’était ce qu’il me fallait. Je ne fus pas assez rapide.

— Edward, appela-t-elle.

— J’arrive, lui répondit-il.

Je claquai ma portière, et démarrai en trombe.

Pendant plus de deux heures, je roulai pied au plancher. Je ralentis en revenant dans le village. Ma vitesse ne diminua pas assez pour ne pas remarquer cette Megan sortir de chez Abby et Jack. Elle était partout chez elle. J’avais cru que Mulranny me guérirait, finalement ce lieu deviendrait mon tombeau.

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